IV-2-1- Croisement de biographie avec un malade du sida
Le contact avec un proche parent malade du sida peut affecter
profondément l'élève et en être un
déterminant de son comportement. Sylvie (18 ans, catholique,
1ère G1, réticente) a été
bouleversée. Elle raconte au sujet de sa tante
décédée du sida :
« Elle était chez nous à la maison, puisque
quand elle est tombée malade, elle avait des enfants, comme elle ne
pouvait pas s'occuper de ses enfants, on a pris une autre personne pour
s'occuper de ses enfants ; elle était venue à la maison, il y
avait grand-mère puis nous aussi on était là. »
Elle retient de cette expérience vécue avec sa
tante malade des images douloureuses des souffrances chroniques :
« C'est grave ! Tu vis avec une maladie, tu sais que
coûte que coûte, quel que soit ce que tu vas faire, tu vas
mourir. Et puis, si seulement on meurt ! On sait que tout le monde va mourir
un jour, mais ça dépend de comment tu vas mourir. Si tu
mourais simplement sans souffrir ! Tu vas
passer ton temps à traîner, de temps en temps
ça va mieux, de temps en temps ça rechute ; tu va maigrir,
n'avoir que la peau sur les os comme on aime le dire. C'est trop de souffrances
! »
Mais à côté de ces souffrances, il y a
aussi l'expérience de l'impuissance de la médecine face à
la mort de sa tante laissant des orphelins. Elle poursuit tristement son
discours (au bord des larmes) :
« Les médicaments, elle en prenait beaucoup. Je ne
sais pas combien on a dépensé pour ça ? Quand on veut voir
les cartons de médicaments qu'on a achetés, c'est trop ! Moi je
vois à présent ses enfants, ils sont toujours petits. On les a
fait faire le test de dépistage, ils sont séronégatifs
mais qu'est-ce qu'ils vont devenir sans la maman à côté.
»
Ces mêmes effets du croisement de biographie sont
présents chez Amadé (19 ans, musulman, 1ère G2,
réticent). En effet, la vision des souffrances et de l'état
physique grabataire tout comme la médecine révélée
dans son impuissance se relèvent également dans son
expérience vécue aux côtés de son oncle malade:
« Il prenait des soins. Il avait vraiment, je peux dire
qu'il avait le maximum de soins parce qu'il avait un docteur à sa
disposition. Chaque fois il venait. Si c'est les soins,
il a eu les soins. Si c'est les soins qui devaient contribuer
au fait qu'il ne mourrait pas, il ne devait pas mourir. Ça je peux le
dire ! »
Il tire lui-même la conclusion d'une telle
expérience :
« Vraiment, c'est tout ça qui m'a vraiment fait
peur ; et puis ça m'a donné comme une leçon aussi. J'ai vu
comment la maladie se manifeste. J'ai vu vraiment que c'est une maladie, on
sent que tu souffres ; tu es vraiment dans une souffrance, tu traînes, tu
ne meures pas vite. Tout ça m'a fait peur. Ça me faisait vraiment
peur d'aller faire le test et puis savoir peut-être... »
L'aboutissement donc de l'expérience de tant de
souffrances sans issue vitale peut être la peur d'aller au
dépistage ou tout simplement aller à la rencontre de ce que l'on
connaît par expérience.
Cependant, il peut arriver le contraire. En effet,
l'interaction avec un parent malade du sida peut susciter aussi le désir
de connaître son statut sérologique. C'est le cas par exemple de
Tatiana (17 ans, catholique, terminale G2, adhérente) qui a vécu
près de son oncle malade :
« Je vivais avec un oncle qui avait le sida. Il est
décédé il n'y a pas longtemps. C'est que, quand quelqu'un
a le sida, je l'accepte comme tel. Il était tombé gravement
malade, sa femme est décédée, donc il était chez
nous à la maison. »
Et comme elle le précise, cela ne l'a pas
bouleversée négativement mais l'a emmenée au
dépistage :
« Moi ça ne m'a rien dit ! C'est à cause
même de tout ça que je suis allée faire mon test. »
Le croisement de biographie entre l'élève et un
proche parent malade du sida peut influencer favorablement ou
défavorablement son rapport au dépistage.
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