Conclusion
Le dépistage volontaire se présente comme un axe
stratégique dans la lutte contre le VIH / SIDA, ce qui a suscité
l'intérêt de l'étude.
Le choix d'adhésion au test sérologique ou de
son refus par les élèves du Lycée Technique de Ouagadougou
ne paraît pas forcément commandé par la possession d'une
information précise sur les enjeux de la connaissance de son statut
sérologique. Parlant d'avantages liés au dépistage, nos
interviewés ont une connaissance du bénéfice de
l'ajustement comportemental sexuel en cas de sérologie négative
ou positive et la mise en oeuvre du protocole thérapeutique est connue
mais sans réelles précisions.
Mais en ce qui concerne la prise en charge, la seule
connaissance à la fois sûre et incertaine qui apparaît pour
nos 33 enquêtés c'est qu' «il y a une prise en charge ».
Sûre, parce que la multitude50 des institutions des services
de conseil dépistage volontaire et de prise en charge en font le
leitmotiv de leurs discours pour une adhésion au dépistage ;
incertaine, parce que cette information demeure abstraite puisqu'elle ne livre
pas les modalités et les mécanismes de la prise en charge dont il
est tant question. Une certaine faiblesse de l'information est aussi due
à la fréquentation aléatoire sinon à
l'indifférence (du fait de l'altérité négative) des
élèves vis-à-vis des structures associatives ; aux niveaux
de la sphère relationnelle et familiale, l'information apparaît
également limitée.
Or, le dépistage volontaire en tant que moyen de
prévention commande un modèle de prévention fondée
sur la mise en oeuvre d'information à nature pédagogique entre
les émetteurs (institutions, pairs, parents) et les récepteurs
(élèves) afin que ces derniers puissent connaître les
avantages liés au test positif ou négatif et
particulièrement connaître les modalités et les
mécanismes de la prise en charge pour adhérer de façon
éclairée à la proposition de dépistage.
Par défaut, les avantages de l'après
dépistage sont moins perceptibles que les conséquences
négatives pouvant se lier à une sérologie positive. Ces
perceptibles conséquences négatives sont multiformes et
multidimensionnelles. La perception de cette mosaïque de souffrances, qui
se combinent en une seule réalité complexe de conflits entre
l'individu et lui-même et l'individu et son environnement social, a
apeuré aussi bien les élèves adhérents que les
élèves réticents au test VIH. C'est pour ainsi dire que
l'enjeu qui a sous-tendu les choix
50 Selon le Répertoire National des service de
conseil et dépistage volontaire et de prise en charge des PVVIH/SIDA,
CNLS-IST, juin 2003, le Burkina en compte 59 dont 18 à Ouagadougou. Mais
seules 7 structures assurent effectivement une prise en charge
médicale
de comportements se justifie ailleurs que dans le
bénéfice des possibilités d'une prise en charge d'autant
plus qu'elle n'est pas perceptible51.
Ainsi, la non-vulnérabilité conduit à la
fois à l'acceptation et au refus du test. Ce paradoxe est soutenu par
deux formes d'altérité négatives (altérité
négative d'adhésion et altérité négative de
refus) dont le trait commun est le développement d'une
«légitime assurance» contre le VIH en l'absence de risque.
Cependant, elles diffèrent par leur mise en oeuvre contradictoire avec
toutefois une même finalité qui est la mise en accusation de la
biographie sexuelle de « l'autre » comme son motif de refus ou son
motif d'acceptation. Sur l'ensemble des cas de biographie sexuelle non
vulnérable, la majorité des élèves ont
accepté le dépistage. Autrement dit, l'absence de
vulnérabilité sexuelle penche plus pour un comportement
d'adhésion, même si le contraire s'est produit chez d'autres (la
minorité) dû au développement de l'altérité
négative de refus.
La vulnérabilité conduit également soit
au refus du test soit à son acceptation. Dans le premier cas, la
vulnérabilité due aux rapports sexuels non protégés
ôte à l'élève la «légitime
assurance» contre le VIH du fait de la «sexualisation » de
l'infection, elle-même s'expliquant par la prééminence de
la transmission sexuelle sur les autres modes de contamination. Le risque prend
alors ici sa valeur maximale. La majorité des réticents
vulnérables avaient tous eu des rapports sexuels non
protégés. Dans le second cas, le dépistage fonctionne
comme une re-assurance, les rapports sexuels protégés
altérant la «légitime assurance » sans que le risque
soit élevé. Les adhérents vulnérables avaient tous
eu des rapports sexuels protégés. En clair, la plus grande
vulnérabilité sur le plan sexuel penche plus pour un comportement
de refus.
Concernant les interactions, le croisement de biographie de
certains élèves avec celle d'un malade du SIDA a laissé
les traces de souffrances chroniques et d'impuissance de la médecine.
Mais ce contact des vécus peut aussi enclencher chez d'autres le
désir de la connaissance du statut sérologique. Quant à
l'interaction favorable dans le cercle familial, elle se présente sous
une conformité positive et imposée qui enrobe l'évaluation
personnelle du dépistage et ôte ainsi la possibilité du
refus. L'interaction favorable dans le cadre relationnel des pairs, elle met en
jeu également une conformité positive prévalant au sein du
groupe de pairs et conduisant à l'adhésion au dépistage.
Mais cette interaction influente n'apparaît pas dans le sous-groupe
féminin.
51 « Au Burkina, nous avons besoin de mettre sous traitement
pas moins de 45.500 personnes, seules 2.700 ont actuellement accès aux
ARV. » RAME, `Le médicament' n° 005 juillet-septembre 2005,
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