III-3-4-L'information limitée par le cercle
familial
Concernant l'information dans le cercle familial, elle ne se
rattache pas non plus directement au dépistage mais se présente
plutôt sous forme de conseils de prévention adressés par
les parents à l'endroit des élèves comme ce qui ressort de
ces extraits de discours :
« Mon papa, il n'est pratiquement pas à la maison.
C'est ça qui fait qu'on ne discute pas. La maman est là mais on
ne discute pas trop comme ça. Elle me donne des conseils, elle dit que
si on ne peut pas s'abstenir d'utiliser le préservatif. » (Josiane,
19 ans, catholique, 1ère G1, réticente)
« Avec les parents, tout ce qu'ils disent... On discute
pas pour longtemps hein ! Par exemple à travers la télé,
pour quelques cinq minutes ils ouvrent la page mais chaque fois ils
insistent...ils n'insistent pas à ce qu'on n'ait pas des rapports
[sexuels] mais ils insistent à ce que nos rapports soient toujours
protégés. » Amadé (19 ans, musulman,
1ère G2, réticent)
Il s'agit donc essentiellement de conseils dont la
prodigalité se fait souvent difficilement, l'opportunité
étant saisie par le biais d'émissions télévisuelles
; mais pour certains, c'est le silence à rompre comme le rapporte
Djénabou (20 ans, musulmane, 2ème année
communication, administration, secrétariat , adhérente)
« Je n'ai jamais essayé mais eux aussi n'ont
jamais essayé (rire). Faire le premier pas ! Non. Je crois que c'est
à mon papa de commencer à parler. C'est quelque chose qui est un
peu tabou. »
Cette difficulté de communication réside aussi
chez les parents. En effet la connexion directe du VIH/SIDA à la
sexualité45 rend la question difficile et comprendre cette
difficulté suppose d'élucider toute la question de la
socialisation sexuelle dans notre contexte.
Néanmoins, on peut faire appel à l'analyse de
Laurence WYLIE, dans autre contexte et époque, qui affirme que
«cette attitude devant les problèmes sexuels se reflète
dans l'éducation des enfants. Les parents ne parlent jamais de ces
questions à leurs enfants. Cela leur semblerait ridicule, inconvenant et
contraire à la pudeur d'expliquer les «choses de la vie »
à leurs enfants. »46 C'est ce constat que ressort
ce discours :
« C'est difficile ! Rarement. Sauf s'il y a un film qui
passe souvent, mais c'est comme ça , en un clin d'oeil. C'est même
pas... bon ! C'est la société africaine, c'est comme ça.
Rare de fois les parents parlent de sexualité à leurs enfants.
Ils éprouvent une gêne à ça et les enfants
mêmes ont peur de poser certaines questions aux parents. » Mohamed
(inspecteur du trésor, parent d'élève)
Cependant, aucune situation ne pouvant être vraie et
valable globalement à tous, cette situation de silence n'est pas
l'apanage de tous les parents. Madeleine (éducatrice sociale, parent
d'élève) tient en effet ce propos :
« Bon ! C'est une maladie qui est vraiment dangereuse,
donc il faut vraiment s'abstenir. Et puisque j'ai trois filles, elles sont
quand-même grandes, je discute avec elles du sida. La dernière,
elle a seize ans cette année donc elle n'est pas une petite fille.
Surtout, je mets l'accent sur l'abstinence. J'attire l'attention des filles
aussi, souvent c'est pas la faute des garçons... ` y a des filles aussi
qui vont provoquer des garçons, maintenant que il est en érection
vous ne savez plus quoi faire ! Donc, je leur dis d'éviter, quand on ne
veut pas avoir des rapports sexuels, on évite les circonstances
où il peut avoir des... ces excitations. Donc je leur explique comme
ça. »
Concernant le dépistage, elle poursuit en ces termes :
« Je me dis que si les élèves refusent,
c'est qu'ils ne connaissent pas, ils n'ont pas été
sensibilisés, ils ne connaissent pas réellement les avantages du
dépistage volontaire, ce que ça peut leur garantir. Si tu sais
que tu es séronégatif par exemple, tu vas prendre toutes les
précautions pour le rester, pour ne pas être dans la vague du
sida, de te protéger et protéger les
45 La sexualité telle que vue par BALANDIER
Georges, c'est-à-dire « un phénomène social total
» `Le sexuel et le social. Lecture anthropologique' In Cahiers
internationaux de sociologie, vol LXXVL, 1984, pp 5-19.
46 WYLIE Laurence, Un village du Vaucluse, Gallimard,
1979 édition augmentée, p144.
autres. Mais il y a aussi la peur ! Bon, avant comme il n'y
avait pas de traitements, c'était en tout cas être deux fois
sûr de sa mort.»
Mais, on peut pencher que le rôle des parents peut se
résumer en rôle de protection concordant avec le discours des
élèves c'est-à-dire que la plupart des parents peuvent
tout juste être limités à donner que des conseils de
prévention qui n'incluent pas le dépistage VIH :
« Je pense que les parents, c'est leur rôle
même ; c'est leur premier rôle même de pouvoir en tout cas
protéger leurs enfants et puis leur donner tous les conseils
nécessaires pour que, en tout cas ils se préservent de ça.
» Justine (institutrice, parent d'élève)
L'information par le cercle familial se présente plus
sous forme de discussions et de conseils sur les aspects de la
prévention saisie de façon opportune par certains parents au
cours d'émissions télévisuelles. Elle peut ne pas toucher
la question du dépistage et par connexion celle de la prise en charge.
Sa nature peut donc ne pas contribuer à donner à tous les
élèves une connaissance du dépistage et de la prise en
charge.
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