III-3-2- L'abstraction de l'information par les structures
associatives
En retournant la perspective, l'information allant de ces
structures aux élèves accuse aussi une limite car du point de vue
de son contenu elle n'éclaire pas sur les modalités et
mécanismes de la prise en charge qui est pourtant mise en avant pour
encourager au dépistage. L'information demeure abstraite,
imprécise quant à son contenu :
« Lors de la formation que j'ai suivie, on nous a dit que
non seulement il y avait des bons pour
le dépistage, il y avait des bons aussi pour la prise en
charge mais ils n'ont pas précisé »,
déclare Sylvie (18 ans, catholique,
1ère G1, réticente). Cette absence de précision
est également déplorée par Alexis en ces termes:
« On nous avait dit, lorsque tu étais
séropositif, on te prenait en charge pour les ARV et lorsque tu
étais négatif ça te permet toi-même de changer un
tant soit peu ton comportement. ( ...) Ils n'ont pas précisé tout
ça. Ils ont juste dit que si tu étais séropositif tu avais
une prise en charge. » Alexis (22 ans, catholique, 2ème
année comptabilité, adhérent)
Cette abstraction de l'information, nous l'avons
nous-mêmes constatée en observateur direct lors d'une
séance d'animation pendant la campagne de dépistage. En effet,
les animateurs ont focalisé la sensibilisation sur les modes de
transmission et les moyens de prévention du VIH avec des
démonstrations des aspects `pratiques et techniques' de l'utilisation du
préservatif masculin. Or « l'inefficacité relative des
actions d'information en milieu scolaire (...) semble provenir du fait que ces
actions abordent principalement et exclusivement les questions techniques de la
sexualité44 ». Ainsi, la question du
dépistage a été effectivement résumée
à : "il y a une prise en charge".
L'information par les structures de lutte contre le sida est
limitée. Le développement de l'altérité
négative conduit à un désintérêt
vis-à-vis de ces structures qui elles-mêmes ne livrent pas une
information concrète permettant une connaissance éclairée
sur la question de la prise en charge.
III-3-3-L'information limitée par le cercle des
pairs
L'information par le cercle des pairs accuse également
les mêmes limites. Elle ne touche pas directement la question du
dépistage car, comme nous l'avons montré
précédemment, l'ensemble des interviewés ignorent les
mécanismes de la prise en charge.
L'information dans le cercle des pairs se présente donc
dans les discours plutôt sous forme de discussions sur les modes de
transmission du VIH et les moyens de s'en prévenir. A ce titre, Rose (22
ans, catholique, 2ème année comptabilité,
réticente) et Elise (18 ans, 1ère G2,
adhérente) respectivement rapportent :
« Entre camarades, on discute seulement, on parle du sida...
C'est pas une bonne maladie, une maladie qui n'a pas de remède donc il
faut faire tout pour éviter cette maladie. »
44 ' Le journal du sida' une expérience pédagogique
au-delà de l'éducation sexuelle, n°42, août-septembre
1992, p38
« Presque tout le temps on parle principalement du sida,
des IST, comment les prévenir, est-ce que c'est possible de s'abstenir
jusqu'au mariage... Ce sont ces genres de choses-là. »
Lorsque les discussions touchent à la question du
dépistage, c'est en termes d'évaluation en avantage et
désavantage. Or le côté inconvénients apparaît
plus perceptible que le côté avantageux comme le rapporte ce
témoignage encore :
« Souvent d'autres disent que eux ils vont attendre le
mariage pour aller faire, comme ça c'est pour se marier en même
temps. D'autres sont là qu'ils vont faire,
s'ils font ça et puis ils sont malades, ils
préfèrent se suicider que de souffrir. » Sylvie (18 ans,
catholique, 1ère G1, réticente)
La nature (assez lacunaire) donc des discussions ne porte pas
essentiellement et de façon efficiente sur le dépistage. Par
ailleurs, ces discussions peuvent véhiculer des informations
erronées comme ce discours l'atteste :
« Souvent quand j'en parle avec des amis, ils donnent des
pourcentages. La fois passée on a parlé de 43% je crois ; la fois
passée on parlait de 43% de sidéens au Faso. » Bernard (18
ans, protestant, 1ère E, réticent)
Des informations erronées pouvant circuler entre
élèves est reconnue par Yolande (enseignante d'Economie Sociale
et Familiale au LTO et marraine du club ABBEF) qui déclare :
« Les élèves se donnent souvent des
informations qui sont fausses. J'ai des élèves qui m'ont dit que
les garçons ont dit que le sperme rajeunit, ça soigne le cancer
de sein... »
Dans le cercle des pairs, l'information peut être
limitée aux discussions portant sur la prévention du VIH, et
éventuellement sur une évaluation du dépistage, sans avoir
vraisemblablement une très grande incidence sur la connaissance des
enjeux du test sérologique VIH.
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