III-3- Les origines de la faiblesse des connaissances des
élèves.
La faiblesse des connaissances sur la prise en charge,
générale à nos enquêtés, peut être
cernée par les limites de l'information autour de quatre points
essentiels permettant d'apprécier globalement la situation.
III-3-1-La faible fréquentation des structures
associatives de lutte contre le sida
Au sein de l'établissement, il existe un club sida
fonctionnel et dynamique selon Ahmed (Président du cercle de relais sida
) qui assure en outre «qu'ils sont déjà à
plusieurs activités et même qu'il est question d'installer ici
[LTO] un centre d'écoute pour jeunes dans le cadre du sida.
»
Pourtant, la surprise peut être la réaction de
certains élèves à l'évocation de ce sujet comme le
montrent ces deux réactions :
« Au lycée ici ! Au LTO ici, un club sida! Moi je
savais même pas. » Assita (20 ans, musulmane, terminale E,
adhérente)
« Donc l'information ne passe pas ! Je n'ai jamais entendu
parler ; depuis la seconde je suis là. » Elise (18 ans, catholique,
1ère G2, adhérente)
Cette surprise au sujet de l'existence d'un club sida au sein
du lycée est revenue dans plusieurs discours par des expressions : `je
ne savais pas', `jamais entendu', `je ne suis pas au courant'. En fait,
l'accessibilité à l'information est en partie tributaire de la
proximité de l'élève par rapport au bâtiment
administratif. En effet, les salles de cours de la section commerciale jouxtent
le bâtiment administratif, pôle de l'information, alors que celles
de la section industrielle en sont éloignées. C'est ce constat
qui est bien rendu par cet extrait :
« A l'école ici ! Je pense pas qu'il y a un club
sida ici. Même s'il y en a, vraiment moi je n'en sais pas. Je n'ai jamais
entendu parler. Parce que des trucs comme ça quand ça se
crée ici, ils passent dans chaque classe, ils présentent les
membres ; mais nous, comme on est un peu à l'écart, ils partent
là-bas [la section commerciale],
ils ne viennent jamais chez nous [la section industrielle].
» Issouf (20 ans, musulman, terminale E, adhérent)
La polarisation de l'information ne favorise pas son
accessibilité par tous les élèves. Toutefois, la
fréquentation de ce club, par ceux qui en ont l'information parmi nos
enquêtés, est quasiment aléatoire. Ce sont pareils discours
qui sont tenus :
« C'est pas que ça ne m'intéresse pas mais je
n'avais pas pensé à ça. Je n'ai pas encore pensé
à ça. » Natacha (20 ans, catholique, terminale G1,
réticente)
« Une fois j'ai participé à l'élection
du délégué, de la trésorière, depuis ce
temps-là je ne sais
pas quels genres d'activités ils mènent. »
Valérie (18 ans, catholique, 1ère G1,
adhérente)
« Non, je ne participe pas ; sauf tout dernièrement
ils ont fait une projection sur le sida, on est parti suivre. » Josiane
(19 ans, catholique, 2ème année comptabilité,
réticente)
Ce qui ressort des discours recueillis montre une
aléatoire participation aux activités ou simplement la
méconnaissance de l'existence de ce club. Par ailleurs, du point de vue
du contenu de l'information, «il s'agit d'activités de
sensibilisation sur les modes de transmission du VIH et les moyens de
prévention, la question du dépistage n'étant
abordée que par des structures qui interviennent de façon
ponctuelle. » Ahmed (président du cercle de relais sida du
lycée)
Ces structures, les associations de lutte contre le sida, ne
connaissent pas non plus une fréquentation « fervente » ;
Sylvie (18 ans, catholique, 1ère G1, réticente) a une
tante formatrice dans une association, elle déclare :
« C'est elle qui fait les formations sur les IST/SIDA mais
j'ai oublié le nom de leur association. »
Puis elle ajoute :
« L'association passe d'école en école. Ce
jour-là, il y avait plusieurs écoles; ils ont donné une
petite formation mais à part ce jour je ne suis pas encore allée.
»
La situation de rapports distants avec les structures
susceptibles d'apporter l'information juste et éclairante sur les
questions du VIH/SIDA en général et particulièrement
celles du dépistage volontaire apparaît comme une
réalité dans laquelle l'élève perd
l'opportunité de s'informer :
« Quand on faisait le test, il y avait une association,
c'est une association même qui
est venue mener les causeries avec les élèves
même. Une association qui se trouve aux cités 1.200 logements mais
vraiment je n'ai pas eu de contact avec eux. En réalité, j'ai un
peu oublié le nom de cette association. » Yvon (19 ans, catholique,
1ère E, adhérent)
« Il y a ALAVI qui fait le test de dépistage
régulièrement mais vraiment je ne sais pas quels soins ils
prennent. Je n'ai jamais eu l'occasion d'échanger avec eux comme
ça, savoir maintenant ce qu'il faut faire quand les gens sont atteints.
» Amadé (19 ans, musulman, 1ère G2,
réticent)
Cette association avec laquelle certains affirment n'avoir pas
eu de contacts est pourtant ALAVI, la structure même qui a
parrainé et animé la campagne de dépistage au LTO.
En fait, ce rapport distant des élèves avec les
structures de lutte contre le sida tient à l'altérité
négative qui rejette l'intérêt prioritaire à
accorder à ces structures, aux « autres » comme seuls
concernés par les questions du VIH/SIDA. Sandrine (infirmière au
LTO) reconnaît la prégnance de cette altérité
négative dans le milieu scolaire en ces termes :
« C'est la jeunesse, l'insouciance... comme on le dit,
ils se disent que ça n'arrive qu'aux autres, c'est pas nous d'abord.
»
Les premiers intéressés par des structures de
luttes contre le sida seraient donc les premiers concernés
c'est-à-dire les personnes séropositives ou malades du sida.
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