II-4- Au creuset de la peur
La peur est incontestablement le sentiment qui a le plus
habité la plupart de nos interviewés, adhérents comme
réticents.
II-4-1-La peur des réticents
Pour ceux qui ne sont pas parvenus à dominer leur peur,
la raison essentielle peut être le manque, la faiblesse ou une non
assimilation des informations relatives au dépistage ce qui n'a pas
changé les perceptions négatives sur l'infection du VIH. En
effet, comme le déclare Ahmed (président du cercle de relai sida
du lycée) :«l'un des facteurs qui semble être important,
c'est la sensibilisation. Si au niveau des établissements la
sensibilisation n'a pas bien porté, il va sans dire que les
élèves ne se décideront pas. L'approche est très
importante. Il faudrait faire comprendre aux élèves que c'est une
maladie comme toutes les autres maladies sinon ils auront une peur bleue
d'aller se faire dépisteri
Cette peur fait adopter par certains élèves une
attitude catégorique de refus du dépistage comme c'est le cas
chez Rose (22 ans, catholique, 2ème année
comptabilité, réticente) qui tient ce discours :
« Une fois que je découvre que je suis
séropositive, je me dis qu'aucun soutien ne pourra vraiment changer ce
qui est en moi. Peut-être que c'est parce que je n'ai pas encore fais le
test que je parle comme ça ; peut-être que c'est parce que aussi
je n'ai pas encore parlé avec des gens qui me fait penser comme
ça. En tout cas, pour le moment, c'est ma manière de voir les
choses. »
Chez d'autres réticents, l'attitude vis-à-vis du
dépistage est moins catégorique. En fait, le côté
avantageux du dépistage est perçu et la peur semble le dernier
rempart à franchir pour passer de l'attitude positive au comportement
concret. C'est dans une telle position favorable que se trouve par exemple
Narcisse (19 ans, catholique, 1ère G2, réticent) qui
déclare :
« J'avais peur ! Mais je pense que, qu'il y ait la peur
ou pas, je vais le faire parce que le dépistage c'est le seul moyen de
savoir si on a le VIH ou pas. Donc, qu'il y ait la peur ou pas, je crois que
c'est mieux de le faire. »
La peur a habité les réticents au
dépistage. Sa présence peut s'expliquer par une faiblesse de
l'information ou sa non-assimilation sur la nécessité du
dépistage.
II-4-2-La peur des adhérents
Si pour les réticents la peur se présente comme
l'obstacle à franchir pour aller au dépistage, les termes se
posent en l'envers pour les adhérents. En effet, pour ces derniers qui
sont allés au dépistage, la peur n'est pas au début mais
à la fin c'est-à- dire la période d'attente du
résultat mais surtout le face à face de l'annonce du
résultat, comme le résume ce propos : « C'est pas facile
! C'est plus facile d'aller faire son test que d'aller retirer son
résultat. Ça fait peur ! »
La période d'attente est présentée par
Robert (22 ans, catholique, terminale F3,adhérent) comme une
période d'angoisse à cause sans doute de l'inconnu qui s'imposera
pourtant en deux solutions possibles, positif ou négatif :
« Pendant la semaine d'attente, j'étais là,
je ne savais pas ce qui m'attendait au résultat mais au fur et à
mesure que les jours passaient, je m'habituais. »
Cependant, le summum de la peur est vécu au moment de
la connaissance du résultat comme le témoigne Djénabou (20
ans, musulmane, 2ème année CAS, adhérente) qui
raconte ce jour-là :
« Je ne savais pas qu'on peut avoir aussi peur que
ça. Je ne savais pas pour quelle raison j'avais peur. Mais, quand je
partais pour faire le test je n'avais pas peur. C'est pour prendre le
résultat que j'avais peur. Je suis arrivée, on m'a appelée
et je suis entrée seule. Quand je suis entrée, le gars il m'a
rassurée de ne pas avoir peur. Il m'a posé des questions et puis
ils m'ont donné l'enveloppe, j'ai ouvert, j'ai lu les résultats,
c'était bien (rire). Après il m'a donné certains conseils,
de continuer dans ma lancée, de ne pas faire des vagabondages [sexuels]
de me protéger, des trucs comme ça. »
La peur a été aussi le lot des adhérents
au dépistage. Elle se présente comme un sentiment fort ressenti
surtout au moment du face à face avec le résultat du test
sérologique VIH.
CHAPITRE III La faiblesse des connaissances sur la
prise en charge et les Limites de l'information
Dans les lignes qui suivent, nous traiterons de la faiblesse
des connaissances des élèves sur les possibilités de la
prise en charge. Cette faiblesse se saisie autour des possibilités
médicales, du coût des traitements et des mécanismes public
et associatif de la prise en charge. Mais avant de clore le chapitre, nous
essayerons de montrer les origines de cette faiblesse.
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