6.3 Formulation de
ma question de départ
Après plusieurs jours de réflexion, je
désirais vérifier désormais si le projet collectif de la
mini-entreprise au sein de l'E2C était adapté aux stagiaires?
Qu'en était-il réellement de ce projet en termes
d'apprentissage ? Et quelle place le formateur avait-il dans ce
projet ? Ces questions devenaient primordiales. Je me sentais
impliqué dans ce projet et je ne pouvais pas simplement faire une
analyse du haut de mes 1,85 m en m'interrogeant uniquement sur le projet en
tant que tel. Je devais aussi m'intéresser aux apprenants et à
leur apprentissage dans ce type projet. Les cours du NUFC m'aidaient à
construire mon raisonnement, mes réflexions. J'arrivais à
réfléchir plus posément et faire le tri. Les modules de
l'apprentissage, de méthodologie, d'outils du formateur, me permettaient
d'organiser mes pensés. Finalement, plus je réfléchissais
et plus ce projet me paraissait peut-être trop ambitieux. Il est vrai
que, au regard de mon expérience dans ce domaine, je me demandais
à ce moment là : « comment peut-on
créer une entreprise en si peu de temps avec des personnes qui n'ont
aucune connaissance théorique et pratique, aucune compétence, que
ce soit en termes d'organisation, de gestion administrative, commerciale et ou,
de négociation ? » Qui plus est :
« des personnes qui ont de grosses difficultés que se
soient : cognitives, personnelles, socioculturelles
etc... »
6.4 La
réalisation de mon guide pour l'entretien exploratoire
Finalement, l'entretien exploratoire m'a permis de
cristalliser mes premières questions de départ. En effet, je
décidais donc d'interviewer la formatrice responsable du projet de la
mini-entreprise. Ce choix était important pour moi, car lorsque
j'étais en stage, et que nous étions en accompagnement avec les
mini-entrepreneurs, je ressentais toujours une certaine ambigüité
sur la façon de mener ce projet. Elle me dit souvent :
« Tu comprends Michel, il faut que les jeunes apprennent par
eux-mêmes dans ce projet, c'est d'ailleurs l'objectif, car on est sur un
projet où le stagiaire apprend en faisant, c'est une pédagogie de
projet». Puis, lorsque nous sortions d'une séquence, elle me
demandait si je ne pouvais pas faire le compte rendu de la séance avec
la responsable administrative de la mini-entreprise, ou encore les statistiques
de l'étude de marché. Pour justifier cette demande, elle me
disait : « tu comprends Michel, on a très peu de
temps, ils ne peuvent pas le faire, ils n'ont pas les compétences, ils
ne sont pas autonomes, ils font plein de fautes etc... » Je
reconnaissais que ses dires étaient fondés mais ne
correspondaient pas, selon moi, à un apprentissage pour les
stagiaires.
Exemple : lors de l'étape de l'étude de
marché, les apprenants devaient remplir un questionnaire en interrogeant
un panel de 60 personnes et dans lequel des questions vérifiaient si
leur produit était viable et donc vendable sur le marché. Or,
lors de la synthèse, je m'aperçus d'une part que les stagiaires
avaient fait leur étude de marché n'importe comment et qu'ils
s'en moquaient comme de l'an 40. D'autre part, le directeur commercial de la
mini-entreprise se trouvait incapable de remplir les tableaux imposés
par l'étape et encore moins de faire les statistiques justifiant ainsi
la faisabilité du produit. Les pourcentages étaient pour lui une
sorte de trou noir dans lequel il ne voyait strictement rien. Impossible pour
lui de trouver un sens à cette science
« socio-économico-commerciale ». Pour le coup, je
fis tout à sa place. Je lui demandais si cela l'intéressait de
voir comment on réalisait des pourcentages ? Il me répondit
que « non » et que cela ne lui servirait à
rien parce qu'il voulait devenir agent de sécurité. Alors
j'essayais de comprendre pourquoi il avait choisi d'être dans la
mini-entreprise, il me répondit qu'il ne savait pas et qu'il fallait
bien faire quelque chose. Je restais « bouche bé »
devant ses réponses. J'en parlais à la formatrice, et elle me
répondit que cela ne l'étonnait pas, car ce stagiaire
n'était pas fiable et ne s'intéressait à rien.
Bref, c'est alors que je compris effectivement que ce projet
était réalisé dans l'urgence et qu'il comportait des
étapes insurmontables pour les apprenants. De plus, ces derniers
s'étaient engagés dans un projet sans vraiment savoir de quoi il
était fait. La réunion d'information n'avait pas
explicité, me semblait-il, ni aux formateurs ni aux apprenants, certains
pré-requis pour la mise en place d'un projet de ce type. La gestion
administrative était une corvée pour les apprenants et
l'organisation s'en faisait ressentir.
Voici un exemple de statistiques qu'il fallait réaliser
dans le cadre du projet. Or le stagiaire qui devait produire ces tableaux
n'était pas formé pour ce type d'exercices. Son niveau en
mathématique et en informatique était trop faible pour
réaliser ceci.
Ces discussions et observations que je cite, sont informelles
et ne franchissent pas les couloirs ou les salles de l'E2C ; et bien
entendu ne figurent pas dans l'entretien exploratoire.
Malgré tout, au cours de notre entretien, les
réponses de la formatrice sont suffisamment explicites quant à ce
projet, les apprenants et sa mise en place au sein de l'école.
Cinq thèmes ressortent de mon analyse de l'entretien
exploratoire.
Le premier thème est la question du projet en
lui-même, je voudrais vérifier si ce projet a
été conçu pour les stagiaires de l'E2C. Cela me permettra
de répondre à la question que je me pose. A savoir si ce projet
est adapté au public de l'E2C et d'en connaître ses limites.
Le deuxième thème concerne les apprenants et
leur apprentissage. En effet, ce projet se dit être basé sur
une pédagogie de l'action comme il est précisé dans le
guide. Or, mes observations montrent qu'il en est tout autre et se
vérifie lors des séances, lorsque la formatrice et moi-même
faisons une grande partie du travail administratif tout simplement parce que
les stagiaires ne veulent pas s'impliquer plus que cela dans le projet, dont
certaines étapes sont infaisables par les stagiaires. Notamment les
statistiques ou la comptabilité. Alors qu'apprennent-ils au bout du
compte ?
Le troisième thème est de vérifier
pourquoi ce projet est difficile pour la formatrice et pour les apprenants.
Cela m'aidera à comprendre ce stress permanent?
Le quatrième thème concerne les statuts et
les rôles de l'apprenant dans le projet. Cela m'aide à
comprendre si les stagiaires sont conscients du rôle qu'ils doivent
jouer.
Le cinquième thème concerne l'autonomie des
stagiaires dans le projet. Car je me demande comment les stagiaires
peuvent-ils être autonomes au travers d'un tel projet ?
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