Paragraphe 2/ La prise en compte
des intérêts en cause
L'autre aspect qui témoigne de la
spécificité des droits des procédures collectives
dérogatoires au droit OHADA résulte de la prise en compte de
certains intérêts, notamment la protection du système
financier (A) et la sauvegarde de l'épargne publique (B).
A- La protection du système
financier
Le système financier constitue l'un des premiers
intérêts à prendre en compte par les procédures
collectives dérogatoires au droit OHADA. Sa solidité (1) doit
être assurée par des moyens efficaces (2).
1- La solidité du système
financier
Les crises financières de la fin des années 90
ont mis en évidence les liens entre l'évolution
macroéconomique et la solidité du système financier. En
fait, la fragilité des institutions financières, les carences de
la réglementation et du contrôle bancaire ainsi que le manque de
transparence étaient au coeur de ces crises. C'est pourquoi l'UEMOA a
intensifié ses efforts afin d'aider les pays membres à
définir et à mettre en oeuvre des mesures propices à la
création d'un système financier solide.
a- La nécessité d'assurer la
solidité du système financier
Des systèmes financiers solides et bien
réglementés sont essentiels pour assurer la stabilité
macroéconomique et financière dans un monde où les flux de
capitaux ont augmenté. Le système financier d'un pays comprend
les banques, les bourses de valeurs mobilières, les fonds de pension,
les assureurs, la banque centrale et les instances de réglementation
nationales. Ces sociétés et institutions constituent le cadre
permettant d'effectuer les opérations économiques et de conduire
la politique monétaire. Elles contribuent aussi à orienter
l'épargne vers l'investissement. Un système financier solide est
donc essentiel à la croissance économique. Les problèmes
du système financier peuvent diminuer l'efficacité de la
politique monétaire, aggraver ou prolonger les récessions
économiques et, en cas de problèmes à grande
échelle, provoquer la fuite des capitaux ou peser lourdement sur le
budget en raison du renouvellement des institutions financières en
difficulté. Toutes ces considérations conduisent à
confirmer l'idée selon laquelle les entreprises du secteur bancaire et
du secteur des assurances ne peuvent être logées à la
même enseigne que toutes les autres sociétés commerciales.
Les conséquences d'une procédure collective à leur
égard sont tellement importantes qu'elles légitiment l'existence
d'une législation dérogatoire au droit commun et adaptée
à leur environnement économique.
b- La prise en compte des risques
systémiques
Pour préserver leur bonne santé, les banques et
les sociétés d'assurance doivent gérer activement les
risques inhérents à leurs activités de façon
à préserver leur viabilité. Il existe cependant des chocs
potentiellement très dangereux et hors du contrôle de leurs
gestionnaires qui peuvent affecter le système financier dans son
ensemble. Ces risques sont désignés sous le vocable de risque
systémique. Adam Smith, déjà, soulignait les dangers de ce
type de risque inhérent surtout à l'activité bancaire.
Dans son ouvrage « La richesse des nations », il
établit une analogie entre « le besoin qu'éprouvent les
pouvoirs publics de violer l'espace naturel de libertés des banques en
réglementant leurs activités, et la nécessité
d'inciter les voisins à édifier des barrières mitoyennes
pour éviter qu'un éventuel incendie ne gagne l'ensemble d'une
communauté d'habitants ».
Défini de manière très
générale, le risque systémique correspond à un
évènement soudain et généralement inattendu qui
secoue les marchés financiers et les empêche d'acheminer
efficacement le flux de capitaux là où les investissements sont
les meilleures. Lorsque cela se produit, les entreprises et les investisseurs
particuliers, à court de fonds, cessent d'investir ou de dépenser
et il s'ensuit un ralentissement de l'activité économique voire
même une récession. Les banques et les sociétés
d'assurance sont des acteurs du système financier. Leur faillite
entraîne souvent des difficultés au sein des autres entreprises
qui sont en étroites relations avec elles. C'est pourquoi les
procédures collectives auxquelles elles sont assujetties poursuivent
moins le but de désintéresser les créanciers que
d'assainir le secteur des entreprises qui pourraient causer des dommages
à d'autres entreprises du fait de leur situation compromise. C'est la
protection de l'économie qui présente plus
d'intérêt.
2- Les moyens de protection du système
financier
En raison de son importance dans l'économie, le
système financier a besoin d'être protégé de
manière efficace. Cette protection passe par la surveillance des acteurs
du système financier (a) et l'assistance technique qui leur est
apportée (b).
a- La surveillance des sociétés
d'assurance et des banques
Les sociétés d'assurance et les banques sont des
acteurs du système financier. De leur bonne santé, dépend
la solidité du système. C'est pourquoi, au sein de l'espace
UEMOA tout comme dans l'espace CIMA, il est institué un dispositif de
surveillance des banques et des sociétés d'assurance.
La réglementation de l'UEMOA en matière bancaire
soumet les établissements de crédit à des ratios
prudentiels qui permettent de gérer les équilibres financiers et
d'éviter des difficultés financières. Les banques doivent
ainsi respecter les règles de liquidité ainsi qu'un certain
nombre de règles relatif au ratio de structure du portefeuille.
Les sociétés d'assurance sont elles aussi
soumises à la surveillance par la commission régionale de
contrôle des assurances. Elle veille au respect des conditions de la
profession d'assurance et le cas échéant, envisage des mesures de
redressement des sociétés d'assurance traversant des
difficultés. C'est dire que toute cette panoplie de mesures normatives
vise en fait à maintenir en vie ces entreprises particulières qui
sont des moteurs de l'économie.
b- L'assistance technique aux sociétés
d'assurance et aux banques
L'article 64 de la loi 2008-26 du 28 juillet 2008
dispose : « Le président de la commission bancaire
peut, en tant que de besoin, inviter les actionnaires, associés ou
sociétaires d'un établissement de crédit en
difficulté, à apporter leur concours à son redressement.
Il peut, en outre, inviter l'ensemble des adhérents de l'association
professionnelle des banques et établissements financiers à
examiner les conditions dans lesquelles ils pourraient apporter leur concours
au redressement de l'établissement de crédit ».
Les auteurs du traité CIMA ont réservé au
conseil des ministres la possibilité de créer de nouvelles
institutions autonomes ; néanmoins, ils ont décidé de
maintenir celles qui existaient sous l'égide des conventions
antérieures notamment l'institut international des assurances. Celui-ci
a deux missions principales : la formation et l'assistance technique.
Cette mission est très diversifiée. Elle consiste à former
des cadres d'assurance de tous niveaux et de toutes spécialisations pour
les compagnies, les administrations du contrôle des assurances et tout
autre organisme qui en exprimerait le besoin. Au niveau de l'UEMOA et de la
CIMA il est donc institué tout un dispositif préventif afin de
parer à d'éventuelles difficultés au sein des
sociétés d'assurance et des banques.
B- La sauvegarde de l'épargne
publique
Tout comme le système financier, l'épargne
publique constitue une donne essentielle dans les économies. C'est ce
qui a justifié la création d'une institution de régulation
(a) aux pouvoirs étendus (b) au sein de l'UEMOA.
1- La mise en place d'une institution de
régulation
Dans le cadre de sa mission de protection de l'épargne
publique, il a été institué au sein de l'UEMOA, un Conseil
régional de l'épargne public et des marchés financiers. Ce
conseil a été créé le 3 juillet 1996 par
décision du conseil des ministres de l'UMOA dans le cadre de la mise en
place du marché financier régional dont il assure la tutelle. Il
est chargé d'une mission générale de protection de
l'épargne investie en valeurs mobilières et en tout autre
placement donnant lieu à une procédure d'appel public à
l'épargne dans l'ensemble des Etats membres de l'union.
2- Les pouvoirs de l'institution de
régulation
Le Conseil régional de l'épargne public a un
pouvoir de contrôle sur toutes les opérations d'appel public
à l'épargne. Ces opérations doivent être
autorisées par le conseil au moyen de l'octroi d'un visa. De même,
le conseil est seul compétent pour homologuer les tarifs des
intervenants commerciaux notamment les sociétés de gestion et
d'intermédiation et les sociétés de gestion de
patrimoine.
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