Les droits communautaires des procédures collectives dans l'espace OHADA( Télécharger le fichier original )par Dieynaba Sakho Université Gaston Berger de Saint Louis, Sénégal - DEA 2008 |
CHAPITRE II/ La consécration des droits des procédures collectives dérogatoires au droit OHADASi le droit OHADA est considéré comme le droit commun des procédures collectives, il n'en demeure pas moins qu'il existe d'autres ordres juridiques qui régissent la matière. Ces autres droits sont dérogatoires au droit OHADA en raison de la spécificité de leur domaine d'intervention (SECTION 1) et du caractère très administratif de leurs procédures (SECTION 2). SECTION 1/ La spécificité du domaine d'intervention des droits des procédures collectives dérogatoires au droit OHADALe domaine d'intervention des droits des procédures collectives dérogatoires au droit OHADA est spécifique en raison de l'activité exercée par les sociétés assujetties à ces droits (Paragraphe 1) et aussi à la prise en compte de certains intérêts (Paragraphe 2). Paragraphe 1/ L'activité exercée par les sociétés assujetties aux droits dérogatoires des procédures collectivesIl s'agit essentiellement des activités bancaires (A) et des activités des sociétés d'assurance (B). Aux termes de l'article 2 alinéa 2 de la loi 2008-26 portant règlement bancaire, « constituent des opérations de banque ...la réception de fonds du public, les opérations de crédit, ainsi que la mise à disposition de la clientèle et la gestion de moyens de paiement ». On note ainsi que l'activité bancaire tourne essentiellement autour de la commercialisation de produits financiers, du commerce de l'argent, de la gestion des moyens de paiement98(*). Ces activités présentent une certaine particularité (1) comparée aux activités des autres sociétés commerciales qui se limitent souvent à la production de biens et aux prestations de service. Cependant, on note que le commerce de banque présente de plus en plus de complexité depuis qu'on a remarqué une certaine immixtion dans le secteur des assurances (2). Les banques mènent des activités commerciales. Cependant ces activités présentent une certaine particularité par rapport aux activités commerciales qui sont communes aux autres sociétés commerciales. En effet, le commerce de banque est essentiellement un commerce d'argent (a) intégré dans un environnement institutionnel tout aussi particulier (b). En reprenant la définition donnée de la banque par l'article 2 de la loi bancaire, on peut y trouver quelques éléments caractéristiques de cette profession à travers la nature des « biens » vendus, l'origine de ces biens et leur utilité dans le monde contemporain. En clair, le commerce de banque est un commerce d'argent ; cet argent a pour origine, essentiellement les dépôts du public. Par ailleurs les banques sont le plus souvent les principaux bailleurs de crédit des sociétés commerciales. Les activités de ces dernières ne sauraient se passer de certains services bancaires tels l'octroi de crédit, la domiciliation de certains effets de commerce, la constitution de sûretés... Si nul ne peu ignorer le rôle incontestable joué par l'argent dans développement de l'activité économique, en revanche, on en méconnaît les méfaits. En réalité, l'utilité et le danger du commerce de l'argent doivent être appréciés comme des conséquences, engendrées par les comportements de ses utilisateurs, acteurs du jeu économique. La quantité de monnaie en circulation dans un pays ne doit être ni excessive ni insuffisante. C'est pour cette raison qu'il importe de mettre sous surveillance le système bancaire, lui qui a vocation, par la collecte de dépôts et par la distribution de crédits, à faire de la création monétaire. C'est cette allocation optimale sous forme de crédits, des ressources d'autrui vouées à être restituées, souvent à première demande puisque déposées à vue, qui constitue un pari sur l'aptitude des crédités à conduire correctement leurs affaires, et sur leur capacité à assurer le remboursement normal des concours reçus. Emission, circulation, création, gestion de l'argent, constituent les principaux opérations des banques qui se trouvent ainsi au coeur de la politique monétaire et économique caractérisée par son uniformité dans l'espace monétaire UMOA devenu depuis 1994, par l'adjonction de la dimension économique qui lui faisait défaut, Union économique et monétaire ouest africain. b- Un commerce intégré dans un environnement institutionnel particulier En portant attention à l'article 22 du traité de l'UMOA, on note qu'il y est clairement stipulé qu'afin de permettre la pleine application des principes d'union monétaire, « les gouvernants des Etats membres ont convenu d'adopter une réglementation uniforme » concernant notamment : l'exécution et le contrôle des relations financières avec les pays n'appartenant pas à l'union, l'organisation générale de la distribution et du contrôle du crédit, les règles générales d'exercice de la profession bancaire et des activités s'y rattachant, les effets de commerce. En tenant compte de l'énumération de l'article 22 du traité UMOA, il y a lieu de convenir que l'UMOA a son champ d'intervention, balisé par l'article 916 de l'acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales. Cet acte uniforme devient ainsi le droit commun applicable aux banques dont la forme juridique imposée par la loi bancaire est la société anonyme, étant toutefois entendu que la spécificité bancaire permet d'écarter toutes les dispositions relatives aux sociétés anonymes qui viendraient contrarier celles édictées au nom de cette spécificité par l'union monétaire ouest africaine. En mettant en oeuvre la loi portant réglementation bancaire, le conseil des ministres de l'UMOA, tout en soumettant la banque, du point de vue de sa forme juridique, aux règles de la société anonyme, donc de l'Acte uniforme de l'OHADA, s'attache à exercer son rôle de réglementation quant à l'organisation générale de la distribution, du contrôle du crédit, ainsi qu'aux règles d'exercice de la profession bancaire et des activités s'y rattachant, pour les aspects relevant de la spécificité bancaire. A l'instar de l'OHADA, l'UMOA, dans le domaine particulier qui est le sien, exerce ses prérogatives nées de son traité en conservant son particularisme que justifie tout l'arsenal juridique, comptable te financier composant l'environnement institutionnel des établissements de crédit. En plus d'assurer leurs tâches traditionnelles de collecte de fonds, les banques se sont investies aujourd'hui dans des secteurs d'activité qui généralement relèvent des sociétés d'assurance. C'est ainsi qu'à côté de la bancassurance (a) on retrouve l'assurance-vie et les bons de capitalisation pratiqués par les banques (b). a- Le phénomène de la bancassurance Ce néologisme désigne le rapprochement des banques et des compagnies d'assurance, soit par la création de sociétés d'assurance filiales captives des banques, soit par des participations des groupes d'assurance dans des groupes bancaires. Il en résulte que les banques distribuent de plus en plus des produits d'assurance, cette activité étant favorisée par les réseaux de guichets dont elles sont titulaires99(*). Traditionnellement, l'activité des banques consiste à recevoir des fonds du public, à effectuer des opérations de crédit, ainsi qu'à gérer des moyens de paiement100(*). Compte tenu de l'évolution du paysage financier et notamment des mouvements d'intégration qu'on a pu observer avec l'effacement des cloisons traditionnelles qui s'ensuit, cette définition de l'activité bancaire ne révèle plus qu'une fraction de celle-ci et devient insuffisante pour tenir compte des nombreux aspects que cette activité recouvre aujourd'hui. La bancassurance désigne l'activité qui s'est développée au sein des établissements de crédit qui, en plus de leurs tâches traditionnelles de banquier, ont élargi la gamme des produits proposés à leur clientèle, en offrant à la vente des produits d'assurance. Le terme couvre donc le large champ allant de la simple distribution de produits d'assurance par les guichets bancaires jusqu'à l'intégration au sein d'un même groupe d'un établissement bancaire et d'une société d'assurance en vue d'une exploitation maximale des synergies potentielles, en passant par l'activité d'assurance prestée par une compagnie d'assurance au bénéfice d'assurés qui sont clients de la banque101(*). Bien que peu perceptible au sein de l'espace OHADA, le phénomène de la bancassurance ne demeure pas une hypothèse d'école. Il est vrai qu'un tel phénomène ne manquera pas de soulever de nombreux problèmes juridiques dans la mesure où les sociétés de banque et d'assurance ainsi que leurs activités sont soumises à des normes relevant d'ordres juridiques indépendants et qui, a priori n'ont pas envisagé la possibilité d'une rencontre entre les activités bancaires et les activités des sociétés d'assurance. b- L'assurance-vie et les bons de capitalisation Selon la doctrine classique, tout sujet de droit a un patrimoine défini comme « l'ensemble des biens d'une personne, envisagé comme formant une universalité de droit »102(*). Ce patrimoine existe même si finalement aucun bien ne le compose ; mais son maintien ou son accroissement en valeur nécessite de le gérer, c'est-à-dire de l'administrer en réalisant des placements qui présentent idéalement les critères de liquidité, de sécurité et de rentabilité103(*). C'est pourquoi il est utile de prendre conseil auprès de professionnels comme les établissements de crédit. Dans le domaine de la gestion du patrimoine, les banques offrent deux produits à savoir l'assurance-vie et les bons de capitalisation. L'assurance-vie « est le contrat par lequel l'assureur s'engage envers le souscripteur, moyennant une prime, à verser au bénéficiaire désigné une somme déterminée, l'exécution de son obligation dépendant de la durée de la vie de l'assuré »104(*). Elle est gérée en capitalisation, l'épargne produisant des intérêts qui s'ajoutent au capital afin que ceux-ci produisent eux-mêmes des intérêts et donnent lieu au versement d'une somme forfaitaire dont le montant est stipulé au contrat et qui prend la forme d'un capital ou d'une rente. Ce système subit ainsi les conséquences de la dépréciation monétaire. Les bons de capitalisation obéissent à des techniques similaires. Ces bons produisent des intérêts, eux-mêmes capitalisés afin de générer des intérêts qui seront à leur tour capitalisés. Ces produits bénéficient d'une grande sécurité, sont rentables et avantageux du point de vue fiscal. Cette diversification des activités bancaires reflète la mutation du métier de banquier. Celui-ci ne se limite plus aux opérations de banque et peut concerner d'autres activités. Cette mutation a principalement un fondement économique. Elle est également due à l'internationalisation des activités, ce qui peut parfois poser le problème de la détermination de la loi applicable105(*). B- Les activités des sociétés d'assurance Les sociétés d'assurance assurent généralement la couverture des risques (1). Mais depuis un certains temps, on note des incursions limitées sur les compétences spécifiques des banques (2). Compte tenu de leur importance économique et sociale, le code CIMA a minutieusement réglementé les opérations d'assurance en distinguant les opérations portant sur les risques autres que le décès (a) des opérations portant sur les branches vie et capitalisation (b). a- Les risques portant sur les branches autres que le risque décès L'article 328 du code CIMA dispose : « L'agrément prévu à l'article 326 est accordée branche par branche. A cet effet, les opérations d'assurance sont classées en branches de la manière suivante... » L'article distingue les opérations de la branche IARD. Ce sont les assurances relevant des maladies, des corps de véhicules terrestres à moteur, les corps de véhicules ferroviaires, les corps de véhicules aériens, les corps de véhicules maritimes, lacustres et fluviaux, les marchandises transportées, les incendies et éléments naturels, autres dommages aux biens, responsabilité civile véhicules terrestres à moteur, responsabilité civile véhicules aériens, responsabilité civile véhicules maritimes, lacustres, fluviaux, responsabilité générale, crédit, caution, pertes pécuniaires diverses, protection juridique, assistance. b- Les risques portant sur les branches vie et capitalisation Selon les dispositions de l'article 328 du code CIMA, toute opération comportant des engagements dont l'exécution dépend de la durée de la vie humaine est rattachée à la branche vie et capitalisation. Il s'agit des assurances vie mais aussi des opérations d'assurance comportant des engagements dont l'exécution dépend de la durée de la vie humaine et liées à un fond d'investissement. De même, y sont inclues toutes opérations comportant la constitution d'associations réunissant des adhérants en vue de capitaliser en commun leurs cotisations et de répartir l'avoir ainsi constitué, soit entre les survivants, soit entre les ayants droits des décédés. Les opérations d'appel à l'épargne en vue de la capitalisation et comportant, en échange des versements uniques ou périodiques, directs ou indirects, des engagements déterminés quant à leur durée et à leur montant sont des opérations de capitalisation. Les activités des sociétés d'assurance se démarquent nettement des activités ordinaires des autres sociétés quand bien même leur caractère commercial n'est pas contesté. Cependant leur aspect financier très prononcé justifie qu'on ne saurait envisager pour elles les règles de droit commun des procédures collectives d'autant plus qu'elles ont tendance à s'insurger sur le terrain des activités bancaires.
A l'image des banques qui s'insurgent dans la profession d'assurance, on remarque aujourd'hui que certaines compagnies d'assurance se démarquent quelque peu de leur rôle habituel de couverture des risques. C'est ainsi qu'est apparu le phénomène de l'assurfinance (a) ainsi que l'assurance-épargne (b). L'assurfinance se reporte à l'activité nouvelle des compagnies d'assurance qui, en plus de leurs tâches traditionnelles, ont été amenées à développer une autre gamme de produits touchant tant au domaine de la banque que de la finance, c'est-à-dire essentiellement de produits financiers ou d'épargne qui, tout en conservant certains caractéristiques de base de l'assurance, visent en réalité à atteindre des objectifs financiers. Le concept d'assurfinance qui ne doit pas être considéré comme une notion de nature juridique, présente cependant une importance pratique particulière puisqu'il permet de rendre compte de l'élargissement progressif de l'éventail des produits et des services offerts tant par les compagnies d'assurance que par les banques. Les produits d'assurance épargne connaissent aujourd'hui un essor considérable : il s'agit d'abord du placement ensuite de la retraite. Par conséquent, l'assurance pure fondée sur l'estimation des probabilités de survie ou de décès, ou d'invalidité et de maladie a une importance décroissante au regard de l'analyse financière106(*). Les formules d'assurance-épargne empruntent les mêmes supports financiers dans tous les réseaux, mais le coût de mise en place des produits nouveaux sera beaucoup plus élevé pour l'assureur traditionnel. Sur le plan macro-économique, l'avantage escompté de la stimulation de l'offre d'assurance vie est une contribution au redressement du taux d'épargne des ménages et surtout la mise en place d'une épargne longue, de façon à étayer les systèmes de retraite par la prévoyance complémentaire. L'assurance-crédit est une assurance par laquelle un créancier peu faire assurer la solvabilité de son débiteur. Le code CIMA, dans son article 1er, exclut nommément l'assurance-crédit du domaine d'application des règles générales communes au contrat d'assurance contenues dans le livre premier. Le fondement de cette exclusion est la quasi-assimilation de l'assurance-crédit aux opérations de banque. L'assurance-crédit aurait pour finalité essentielle de fournir à l'assuré des facilités bancaires. Il ne s'agirait pas, par conséquent d'une véritable opération d'assurance. De nos jours, l'opération d'assurance-crédit ne vise pas principalement à octroyer des facilités bancaires à l'assuré mais à garantir le créancier des risques de non recouvrement de sa créance. En effet, les polices d'assurance-crédit couvrent effectivement, en contrepartie des primes, le risque d'insolvabilité du débiteur. Il faut cependant préciser que cette exclusion est inopportune parce qu'elle laisse en dehors de la protection légale le crédit qui joue un rôle sans cesse croissant dans l'économie. * 98 On note ainsi une importante législation en la matière : le règlement 15-2002/CM/UEMOA, la convention STAR UEMOA, la convention SICA UEMOA * 99 E. VAN DER HAUTE, « La vente de produits d'assurance par les banques : pièges et écueils » in Actes des séminaires tenus à l'université libre de Bruxelles les 21 février, 7, 14, et 21 mars 2005, p.52 * 100 V. article 2 alinéa 2 de la loi 2008-26 du 28 juillet 2008 portant règlementation bancaire * 101 V. J-P. BUYLE, « L'organisation de la distribution des produits « bancassurfinance » » in Bancassurance sous la direction de Jean-luc Fagnart, collection de la faculté de droit université libre de Bruxelles, Actes des séminaires tenus les 21 février, 7, 14 et 21 mars 2005, éd. Bruylant 2005 * 102 V. C. AUBRY et R. RAU, Cours de droit civil français, 4ème éd., Tome 6, 1873, p. 229 * 103 V. B. PAYS, La gestion de patrimoine, coll. « Que sais-je ? », PUF 1992, spéc. P. 30 et s. * 104 V. Y. LAMBERT-fAIVRE, Droit des assurances, 8ème éd. Dalloz 1992, n°888, p. 648 * 105 V. T. BONNEAU, Droit bancaire, coll. Domat Droit privé, éd. Montchrestien 1994, p. 433 * 106 V. D.C. LAMBERT, Economie des assurances, éd. Armand Colin, 1996 |
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