CONCLUSION GENERALE
« Nous nous sommes enrichis de l'utilisation
prodigue de nos ressources naturelles et nous avons de justes raisons
d'être fiers de notre progrès. Mais le temps est venu d'envisager
sérieusement ce qui arrivera quand nos forêts ne seront plus,
quand le charbon, le fer et le pétrole seront épuisés,
quand le sol aura encore été appauvri et lessivé vers les
fleuves, polluant les eaux, dénudant les champs et faisant obstacle
à la navigation ». Cette déclaration de
Théodore Roosevelt a tout juste un siècle. Elle n'aura pas permis
d'enrayer le lent processus de destruction de notre environnement, au nom du
développement, de la croissance économique, du progrès.
Pas plus d'ailleurs que ne le permettront les déclarations historiques
autour des Grenelles de l'Insertion et de l'Environnement. À moins, bien
entendu, qu'elles ne soient suivies d'actes forts de la part de l'Etat, comme
des lois contraignantes en matière d'environnement, et une modification
radicale d'un système économique incitant à la
dépense plus qu'à l'économie et au partage. Mais
l'histoire ayant démontré à maintes reprises que les
changements ne s'opèrent pas uniquement avec des «si» et des
lois, la MIFEN propose une autre piste ; celle de l'économie
solidaire, de la recherche du sens et du partage des valeurs. Une piste qu'il
convient de tracer avec les collectivités locales, dans la perspective
de construire un compromis entre une société qui
nécessiterait un profond changement écologique et la
société actuelle où les intérêts
économiques priment trop souvent sur les intérêts des
individus.
À la différence d'une démarche
opportuniste qui consisterait à adopter une conduite visant à
tirer le meilleur parti de la conjoncture socio-économique, en le
faisant à l'encontre de principes moraux et au détriment des
usagers eux-mêmes, la MIFEN se saisit des occasions qu'elle rencontre
pour tenter d'apporter des réponses concrètes à des
questions environnementalistes et sociales. Elle construit des outils
pédagogiques en s'appuyant sur l'existence de ses missions d'insertion
de même qu'elle valorise par la pédagogie et la mise en oeuvre de
techniques respectueuses de l'environnement ses chantiers d'insertion. Ce sont
précisément ces méthodes qui lui valent d'être
reconnue, à part égale, en tant qu'ACI et acteur de la
protection de l'environnement.
Cette étude donne une vue d'ensemble de
l'utilité sociétale de la MIFEN. Des investigations
supplémentaires permettront certainement d'approfondir le sujet en
poursuivant la réflexion en interne et collectivement. Mais dans
l'immédiat, nous pouvons d'ores et déjà nous appuyer sur
ce travail pour entreprendre la mise en place de nouvelles initiatives et
défendre certains points de vue encore minoritaires, que nous pourrions
exprimer ainsi :
. La protection du patrimoine naturel ne doit plus être
perçue comme une entrave à l'économie ou à
l'urbanisme ou bien encore comme un caprice de quelques militants nostalgiques
du passé, mais comme un moyen de procurer du bien être et des
activités économiques aux générations
présentes et futures.
.Si la fonction principale d'un chantier d'insertion est de
lutter contre l'exclusion,
nous sommes néanmoins capables de démontrer que
sa contribution en faveur d'un développement durable va bien
au-delà de ce seul critère. Il est également un vecteur
d'économie et de bien-être au sein des collectivités.
Ces fonctions secondaires sont souvent rarement reconnues
alors qu'elles confèrent aux chantiers une importante dimension
sociétale. C'est pourquoi il serait utile de poursuivre la
réflexion autour du sens de ce qu'entreprend la MIFEN avec les
collectivités, sans attendre de nouvelles réglementations ou une
prise de conscience générale de la société civile.
Cela serait sans doute la meilleure façon d'aborder l'avenir avec
optimisme. La définition d'un nouveau projet associatif a
été timidement suggérée en cours d'étude.
À ce stade, cela paraît indispensable. Construit dans le cadre
d'une démarche participative, il pourrait être l'expression de la
volonté de ses membres, mais aussi de ses partenaires. En s'engageant
dans ce projet, la MIFEN renforcera sa légitimité à
l'égard de toutes les parties prenantes.
Avant de clore ce mémoire, un dernier
constat s'impose. Jamais les termes de développement durable et
d'économie solidaire n'auront été autant prononcés
que depuis ces derniers mois à la MIFEN. Est-ce à dire qu'aucun
de ces champs ne faisait partie des préoccupations de ses
animateurs ? Non, de toute évidence, nous l'avons
démontré à travers de nombreux exemples. L'explication est
ailleurs. Depuis les débuts de son existence, la MIFEN se laisse guider
par son instinct, sa connaissance du terrain et sa volonté d'agir en
faveur de l'environnement et de l'exclusion pour remédier à des
situations qu'elle juge inacceptables. Comme si tout était
évident, elle n'a jusqu'alors jamais pris le temps de s'interroger
collectivement sur le sens que chacun prête à sa contribution. Au
fond, cette étude arrive à point nommé, au moment
où la MIFEN s'interroge sur la place qu'elle tient dans un secteur
associatif qui, au nom de la professionnalisation de ses acteurs, de
l'évaluation et de la culture du résultat, est entrain
d'entreprendre malgré lui un immense formatage. Cette étude
montre que la MIFEN a encore de l'avenir grâce au soutien inconditionnel
de nombreuses collectivités avec lesquelles elle a su tisser de solides
partenariats. Cela ne signifie pas que rien ne doit être changé,
que la MIFEN est solide comme un roc et qu'elle ne doit pas poursuivre la
remise en question qu'elle a en quelque sorte engagée à travers
ce mémoire. Au contraire, en optant pour le choix d'une vision
stratégique, elle devrait pouvoir redéfinir de nouveaux projets
utiles et innovants, retrouver l'esprit pionnier qui l'a longtemps animé
et ainsi résister, à sa manière, au formatage.
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