Les impacts des incitations monétaires sur l'effort des salariés: positifs ou négatifs?( Télécharger le fichier original )par Pheakdey VIN Université Lumière Lyon 2 - Master 2 Recherche 2007 |
2- Les solutions possibles des problèmes de travail en équipe et de situation multi-tâchesDans la sous-section précédente, nous avons présenté le problème posé par la théorie des incitations standard à savoir la difficulté à obtenir des mesures objectives de la performance de l'employé. Cela pose encore le problème d'incitation au sein de la firme : le problème de passager clandestin dans le cas de production en équipe et celui de l'allocation de l'effort de l'employé dans le cas de situation multi-tâches. Dans cette sous-section, nous avons quatre modèles pertinents pour résoudre efficacement ces problèmes. Ils sont la pression du groupe, le modèle des tournois, le modèle du salaire d'efficience et l'évaluation subjective de la performance. 2-1- La pression des pairsLa pression des pairs (peer pressure) se définit comme l'ensemble des mécanismes de contrôle mais aussi de sanction mis en place par les membres de l'équipe eux-mêmes afin de discipliner leurs pairs [Masclet, 2003 ; 2004; Prendergast, 1999]. Le modèle de la pression des pairs a été modélisé initialement par Kandel et Lazear [1992]. Selon Masclet [2004], lorsque le travail est organisé en équipe de production et que les performances sont interdépendantes, il devient de plus en plus difficile de contrôler les performances individuelles. Comme la mesure de la contribution individuelle est difficile, voire impossible, si une incitation financière est envisagée, elle ne peut l'être que sur la base du groupe [Milgrom et Roberts, 1997; Prendergast, 1999]. L'augmentation de l'intensité incitative dans la récompense du groupe accroît l'effort des membres du groupe, et donc la performance globale est également élevée [Zenger et Marshall, 2000]. Néanmoins, ce caractère incitatif est souvent remis en cause dans la mesure où chaque salarié doit partager le rendement de son effort avec tous les autres salariés de l'entreprise. Chaque salarié est alors incité à se comporter comme un resquilleur en se reposant sur les efforts de ses collègues. En effet, les pratiques de partage des profits peuvent conduire les membres du groupe à tirer avantage de leur appartenance au groupe sans toutefois participer totalement à la génération du profit. Alors, comment résoudre le problème de passager clandestin au sein d'une équipe de production avec partage de profits ? Toutefois, si un schéma de rémunération, fondé sur le partage des profits, fournit aux agents des incitations fortes à adopter un comportement opportuniste, il peut également les inciter à se contrôler mutuellement dans la mesure où un tel comportement affecte l'ensemble de l'équipe. En effet, si un agent adopte un comportement opportuniste, il réduit la rémunération des autres membres de l'équipe puisque la rémunération de chaque membre du groupe dépend non seulement de son propre effort mais également de celui des autres membres de l'équipe [Masclet, 2003 ; 2004]. Dès lors, les membres de l'équipe peuvent être incités sous certaines conditions à exercer une pression sur leurs pairs afin de les inciter à coopérer davantage, à encourager chacun à fournir des efforts, à se comporter convenablement et donc à accroître la rémunération de chaque membre du groupe. Ces mécanismes sont alors, du point de vue de l'incitation des salariés à l'effort, toujours aussi efficaces que ceux basés sur une rémunération de la performance individuelle [Richard, 2001]. Dans ce cas, la présence d'un agent spécialisé dans la fonction de contrôle n'est plus nécessaire lorsque les agents se contrôlent mutuellement et sont incités à le faire du fait de l'existence d'un système de partage des profits. Masclet [2003] suggère que la pression des pairs doit reposer sur trois conditions essentielles pour être efficace. Premièrement, la pression des pairs doit reposer sur un système de partage des profits. Quand les profits sont partagés entre les membres de l'équipe, la rémunération de chaque membre du groupe dépend non seulement de son propre effort mais également de l'effort des autres membres de l'équipe. De ce fait, ce système de rémunération incitative incite les agents à se contrôler mutuellement. Le partage des profits, un mécanisme incitatif monétaire43(*), est donc une condition nécessaire de la pression des pairs. Deuxièmement, pour que la pression des pairs soit efficace, il faut également que les sanctions imposées par les pairs affectent suffisamment les comportements des membres. Kandel et Lazear [1992] indiquent que l'efficacité de la pression des pairs est étroitement liée à la notion d'empathie. En effet, lorsque les membres du groupe sont des amis ou des parents, l'empathie est forte et toute déviation suscite alors des sentiments de honte et de culpabilité plus forts que si le groupe était constitué d'individus ne se connaissant pas. Les cercles de qualité japonais s'appuient également sur cette notion d'empathie [Masclet, 2003]. Les entreprises japonaises n'hésitent alors pas à investir des sommes colossales afin de créer un esprit d'équipe reposant sur l'empathie. Cet esprit d'équipe canalise les comportements et peut réduire les comportements opportunistes puisque chaque membre de l'équipe doit être loyal envers l'autre et ne pas se comporter comme passager clandestin. Troisièmement, l'efficacité de la pression des pairs dépend étroitement de la taille de l'équipe. Lorsque la taille de l'équipe s'accroît, les relations deviennent plus impersonnelles et il devient dès lors plus difficile de contrôler les autres membres de l'équipe [Kandel et Lazear, 1992; Zenger et Marshall, 2000]. L'efficacité de contrôle mutuel devrait donc demeurer étroitement liée à la taille du groupe. En outre, à mesure que la taille du groupe augmente, les gains inhérents à l'exercice de la pression des pairs, en termes d'augmentation de l'output, se diluent également, ce qui risque de faire émerger un problème de passager clandestin et donc le niveau d'effort diminue. On peut dire, dans ce cas, que la diminution des incitations monétaires entraîne une baisse du niveau d'effort des membres de l'équipe. Il existerait donc une taille optimale du groupe au-delà de laquelle la pression des pairs est moins efficace et où les sanctions sont difficiles à mettre en place44(*). Dans l'article de Masclet [2004], les résultats expérimentaux montrent que les membres de l'équipe n'hésitent pas à sanctionner les comportements opportunistes et que l'exercice de la pression des pairs accroît considérablement le niveau de coopération au sein des équipes de travail. Enfin, on peut conclure que les incitations monétaires jouent un rôle vital dans la mise en oeuvre de la pression des pairs. En effet, grâce à la rémunération incitative (ici, le partage des profits), les agents se contrôlent mutuellement au sein du groupe car si un agent adopte un comportement opportuniste, il va réduire la rémunération des autres membres de l'équipe. Par conséquent, les agents vont augmenter leur effort au travail, ce qui entraîne une augmentation de la rémunération de l'ensemble de groupe, et donc la rémunération individuelle va également accroître. Dans ce qui suit, nous étudierons la mesure de la performance relative, qui est une solution alternative au problème d'incitation dans la situation où la performance absolue des individus est difficile, voire impossible, à mesurer ou quantifier. Il s'agit du modèle des tournois. * 43 Nous soulignons. * 44 Kandel, E. et Lazear, E. P. [1992], « Peer Pressure and Partnerships », Journal of Political Economy, vol. 100, n° 4, p. 815. |
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