Les impacts des incitations monétaires sur l'effort des salariés: positifs ou négatifs?( Télécharger le fichier original )par Pheakdey VIN Université Lumière Lyon 2 - Master 2 Recherche 2007 |
Section 2 : Les incitations monétaires avec la performance non vérifiableDans la section précédente, nous avons étudié le problème d'incitation qui commence par l'hypothèse que l'effort de l'agent est inobservable ou invérifiable mais son output ou sa performance peut être observable et mesurable. Par contre, cette section 2 considère l'individualisation de la rémunération lorsque la performance de l'individu n'est pas facilement mesurable, par exemple parce que la performance dépend d'un effort collectif ou parce que l'individu doit effectuer plusieurs tâches et que certaines sont plus faciles à mesurer que d'autres. Nous allons ensuite aborder également les analyses théoriques considérées comme les solutions possibles pour ces situations. 1- Le travail en équipe et la situation multi-tâches1-1- Le travail en équipeSupposons que l'organisation considérée est composée d'un ensemble d'agents qui forme une équipe définie par Alchian et Demsetz [1972] comme la production38(*). Selon ces auteurs, avec la production en équipe, il est difficile, en observant seulement l'output total, de définir ou de déterminer la contribution de chaque individu à la production des inputs qui coopèrent. Par définition, l'output total, fruit de la coopération au sein de l'équipe, est produit par une équipe, et ce n'est pas la somme des outputs séparés de chacun des ses membres puisque, par un effet de synergie, la production de l'équipe est supérieure à la somme des contributions individuelles de ses membres. Dans ces conditions, le principe de la rémunération à la productivité marginale pour fournir aux travailleurs la meilleure incitation possible à l'effort productif est inapplicable et, par conséquent, l'intensité maximum du travail n'est pas garantie. Il y a deux conséquences liées à cet état de fait : d'une part, il faudra rechercher une méthode permettant d'évaluer la contribution individuelle de chacun des membres de l'équipe à la production collective afin de les inciter à travailler efficacement. Mais la détection des performances individuelles comportera nécessairement un coût. D'autre part, l'impossibilité d'observation directe des contributions individuelles incite chaque membre de l'équipe à se comporter en passager clandestin (free-rider) en réduisant son niveau d'effort. La conséquence est une réduction de l'output total, mais les resquilleurs ne supporteront qu'une partie seulement des conséquences d'une moindre activité parce que leur rémunération n'est pas reliée à leur productivité individuelle, mais aux efforts issus de l'ensemble du groupe. Donc, la moindre valeur est à partager pour l'ensemble des membres de l'équipe. La solution proposée par Alchian et Demsetz [1972] à ce problème consiste à modifier l'organisation de cette production en équipe en introduisant un agent supplémentaire dont la seule fonction est la surveillance (monitoring) des membres de l'équipe. Les efforts individuels ne sont alors plus évalués à partir du résultat global mais à partir du contrôle des comportements. Cette solution n'est pas a priori très pertinente. En effet, qui va se charger d'effectuer le contrôle des inputs ? Et comment s'assurer que cette fonction sera remplie efficacement, c'est-à-dire qui contrôlera le comportement du contrôleur ? Ce problème est résolu par Alchian et Demsetz grâce à l'introduction d'incitations appropriées pour le contrôleur qui est un membre de l'équipe se spécialisant dans cette tâche. Pour inciter le contrôleur à ne pas se dérober, il suffit de le rétribuer par les gains nets de l'équipe, c'est-à-dire nets de la rémunération des autres inputs. En d'autres termes, plus le contrôleur est efficace, plus le résultat de l'équipe sera important, et donc plus le résidu, ce qui reste après paiement des autres membres de l'équipe, sera élevé. Dans ce cas, le contrôleur devient alors le créancier résiduel des résultats de l'équipe. De plus, selon Alchian et Demsetz [1972], le contrôleur doit posséder un certain nombre de droits nécessaires pour rendre crédible sa fonction de surveillance39(*). L'organisation ainsi définie s'apparente à ce qu'ils appellent capitaliste entrepreneuriale. Par conséquent, grâce au mécanisme d'incitation monétaire, le contrôleur, le créancier résiduel, est incité à ne pas se dérober, il va contrôler efficacement le comportement des membres de l'équipe, et le résultat de l'équipe sera donc important. Cependant, l'attribution de la totalité du résidu au contrôleur est une solution coûteuse. Nous pouvons trouver des alternatives moins coûteuses qui se présenteront dans la sous-section 2 du chapitre. Dans ce qui suit, nous présentons une autre situation qui pose aussi le problème d'incitation dans la firme. Il s'agit d'une situation multi-tâches. * 38 La production en équipe, selon Alchian et Demsetz [1972, p. 779], est une forme de production dans laquelle « (i) plusieurs types de ressources sont utilisés, (ii) le produit n'est pas la somme des outputs séparables de chaque ressource participant à la coopération [...], (iii) toutes les ressources utilisées dans la production en équipe n'appartiennent pas à la même personne ». * 39 Ces droits sont au nombre de cinq : (i) le droit de s'approprier le résidu de l'équipe, (ii) le droit d'observer le comportement des membres de l'équipe, (iii) le droit d'être la partie centrale commune à l'ensemble des contrats passés avec les différents inputs, (iv) le droit de modifier la composition de l'équipe, (v) le droit de vendre les quatre droits précédents. |
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