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La lutte contre le terrorisme en droit international

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par JEAN-PAUL SIKELI
Université d'Abidjan-Cocody - DEA droit public 2006
  

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CHAPITRE PRELIMINAIRE

CONSIDERATIONS GENERALES SUR LA NOTION DE TERRORISME EN DROIT INTERNATIONAL

La notion de terrorisme est source d'étonnement pour tout chercheur qui s'intéresse au sujet. En effet, le chemin de la recherche d'une définition tangible de ce phénomène semble parsemé d'embûches (Section 1), au point même où certaines sciences sociales et humaines, à l'instar de la sociologie, de la science politique ou de la philosophie semblent avouer leurs limites eu égard aux confusions conceptuelles qui sont parfois maladroitement entretenues entre cette violence et d'autres formes de violence. Dans cette grisaille intellectuelle, le droit tente lui aussi, tant bien que mal d'apporter des éléments de réponse par un exercice de spécification de l'incrimination (Section 2).

Section 1 : L'émergence de difficultés dans la recherche

d'une définition du terrorisme

Face au caractère quasi insaisissable du terrorisme (Paragraphe1), la nécessité de parvenir à une définition consensuelle et acceptable du phénomène en droit, a cédé le pas à la tentation de qualifier diversement le phénomène criminel, non sans créer des confusions (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Le terrorisme, une notion insaisissable

Le concept de « terrorisme » est bien difficile à appréhender et constitue une gageure intellectuelle saisissante. Bien que familier, le mot est « mystérieux » 1(*)9 et controversé2(*)0, utilisé pour signifier des situations hétérogènes et disparates2(*)1. Il n'existe toujours pas du terrorisme une perception unique, ni une définition recueillant l'assentiment général. Le terrorisme serait l'un de ces concepts que l'on croit connaître de prime abord mais qui se révèlent, à la réflexion et une fois que la question de leur signification posée, bien difficile à circonscrire2(*)2. Il s'agit là d'une notion diffuse, aussi fuyante que complexe. Le mot n'a pas un sens constant et n'a pas couvert, selon les époques, les mêmes réalités2(*)3. Il est difficile de trouver les germes d'une définition tangible de ce phénomène dans l'histoire car l'actualité reflète largement les incertitudes du passé. La science politique2(*)4 aussi bien que la sociologie ou la philosophie2(*)5 ne parviennent à fournir une définition univoque du fléau. On constate ici des renversements de significations, des querelles sémantiques réduisant ou étirant la notion en raison de son potentiel émotionnel, de la résonance affective du mot, et la conceptualisation du terrorisme semble à plusieurs égards inaccessible. Le droit n'est pas non plus d'un grand secours. Ici également, on constate l'échec d'une définition générale du terrorisme (A) qui trouve sa source dans des obstacles (B) liés au caractère relatif de la notion qui reste, de toute évidence, un terrain d'affrontement des idéologies et des intérêts corrélatifs des Etats.

A- Le constat d'échec d'une définition générale et tangible du

terrorisme en droit International

A la question de savoir, « existe-t-il une définition universelle du terrorisme ? », la réponse est probablement : non2(*)6. A l'instar de la notion d'agression, la notion de terrorisme échappe depuis des décennies au droit international, qui n'est pas parvenu à en donner une définition généralement acceptée et faisant autorité. La première tentative conventionnelle et internationale d'organisation de la répression du terrorisme date de l'élaboration par la SDN de deux conventions signées à Genève le 16 novembre 1937. A la suite de sa saisine, le Comité d'experts de l'Organisation élabore deux textes. L'un intitulé « Convention pour la prévention et la répression du terrorisme », l'autre « Convention pour la création d'une Cour pénale internationale ». La Convention pour la prévention et la répression du terrorisme offre une première caractérisation de ces actes. L'article 1 alinéa 2 énonce que ce sont «  les faits criminels dirigés contre un Etat et dont le but ou la nature est de provoquer la terreur chez des personnalités déterminées, des groupes de personnes ou dans le public ». L'article 2 donne une liste des différents actes qui constituent des infractions de terrorisme au sens de l'article 12(*)7. Cependant, le recours à la notion de terreur ne faisait qu'inscrire la définition du terrorisme au centre d'un cercle vicieux. En effet, n'est-il pas vrai que, caractériser un concept par un autre imprécis relève de l'aporie2(*)8 ?, le mot « terreur » étant lui même sujet à questionnement. En définitive, il ne ressort de cette Convention aucune définition tangible de l'acte. Une caractérisation aussi large peut fort bien comprendre toute sorte de faits délictueux, même peu graves, dont la nature serait de répandre la terreur. Néanmoins, elle offre à la notion un premier critère concret ; l'infraction nécessite effectivement l'emploi intentionnel de moyens de nature à provoquer la frayeur. Ce caractère de l'acte servira à déterminer les éléments de l'infraction terroriste2(*)9. Les critiques formulées sur les travaux de Genève expliquent certainement que ce texte n'ait pas abouti. Toutefois, son incidence politique est à remarquer. En effet, les débats de Genève sont l'occasion d'une condamnation internationale du terrorisme. La question de sa définition a encore été posée dans le cadre des négociations sur le Statut de Rome portant création de la Cour pénale internationale. Une fois de plus, les difficultés consécutives à toute tentative d'élaboration d'une théorie juridique du terrorisme sont d'une telle importance, que les efforts déployés tant par la doctrine que par les juristes, dans les congrès et les conférences internationales sont restés vains. Cependant, comme précédemment annoncé, cet obstacle n'empêche pas la communauté internationale de condamner unanimement ce phénomène3(*)0. Nous pouvons néanmoins regretter avec Madame Marie-Hélène GOZI, que la facilité et l'opportunisme aient cédé la place à la recherche nécessaire de la nature juridique du terrorisme3(*)1. N'est-il pas étonnant de condamner un acte sans lui avoir donné au préalable un contenu précis ?

Ainsi, de lege lata, Il n'existe à ce jour, aucune définition de la notion de terrorisme qui recueille le consensus suffisant pour permettre son insertion dans un texte conventionnel de droit international général32. Du moins, le seul texte de portée internationale en vigueur qui prohibe expressément et de façon générale le terrorisme reste l'article 33 de la Quatrième Convention de Genève, du 12 août 1949 sur la protection des personnes civiles en temps de guerre. Cependant, il ne vise que les cas des conflits armés internationaux. C'est pourquoi, il est inadapté au terrorisme que vivent actuellement les Etats3(*)3. C'est de façon très différente que la question du terrorisme et, dans une certaine mesure de sa définition, a été abordée par la suite par le biais de diverses conventions, souvent qualifiées de « sectorielles »3(*)4. Du reste, les obstacles à l'établissement d'une définition unanimement admise du terrorisme ont principalement pour source sa subjectivité. C'est avant tout le fait que le terme « terrorisme » est lourdement connoté qui rend son utilisation problématique dans un contexte strictement juridique, c'est-à-dire prétendant à une certaine objectivité. Abordé la plupart du temps sous l'angle idéologique, le terrorisme pose une nouvelle fois le problème de l'infraction politique. C'est pourquoi l'ensemble des débats internationaux portant sur ce fléau est marqué par un désaccord des Etats s'agissant de sa définition.

B- Les obstacles : Les pierres d'achoppement et la question des

* 19 Voir Jean Christophe MARTIN, Les règles internationales relatives à la lutte contre le terrorisme, Bruylant, Bruxelles, 2006, p. 20.

20 La controverse est nourrie par le relativisme du concept. En fait, la décision d'appeler une personne ou de qualifier une organisation de « terroriste » devient presque inévitablement subjective, et dépend largement des rapports de sympathie ou d'opposition que l'on entretient avec la personne, le groupe ou la cause concernée. Si l'on s'identifie aux victimes de la violence, ces actions sont alors du terrorisme. Si au contraire, on s'identifie à l'auteur de ces actions violentes, on les considère avec plus de sympathie, et sinon de manière positive ; il ne s'agit plus de terrorisme. D'où l'adage populaire « terroristes pour les uns, combattants de la liberté pour les autres ». Voir Bruce OFFMAN, op.cit., p. 39.

21 La définition proposée par Mme Isabelle SOMMIER rend bien compte de la difficulté d'aboutir à une définition précise du terrorisme qui se présente pour elle comme un ensemble de «  modes d'actions hétéroclites pouvant s'inscrire dans des stratégies classiques autant que d'autres formes de violence ». Voir Isabelle SOMMIER, Le terrorisme, Flammarion, Dominos, Paris, 2000, p. 11.

* 22 « Si nous avons obscurément conscience de ce qu'est le terrorisme, il est toutefois difficile de traduire explicitement ce savoir immédiat ? », P. REGIMBALD, « Qu'est-ce que le terrorisme », Encyclopédie Syllabus (en ligne), 2005, site Internet : www.cvm.qc.ca/encephi/Syllabus/Histoire/Articles/Terrorisme.htm

* 23 Monsieur Bruce HOFFMAN évoque à ce propos des glissements de sens du mot dans une perspective historique. « A la différence de son usage contemporain, (...) le terme bénéficia d' une connotation résolument positive pendant la Révolution française où il fut vulgarisé  ». Op.cit, p.18

24 Sans toutefois le définir, la science politique va appréhender le terrorisme selon les finalités et les modes opératoires. Ainsi, à l'aide de sigles, le terrorisme à vocation révolutionnaire (TVR) est distingué du terrorisme à vocation nationaliste ou indépendantiste (TVNI), le terrorisme national (TN) du terrorisme transnational (TT)...Ces sigles sont empruntés à l'étude de D. HERMANT et D. BIGO, « Un terrorisme ou des terrorismes », in Esprit, n° 94-95, 1986, pp. 23-27.

25 L'approche sociologique et philosophique du terrorisme privilégie par exemple l'étude des causes sous-jacentes du phénomène. Le droit semble méconnaître une telle démarche, s'y refuse. Ceci est perceptible dans l'ensemble des instruments de lutte contre le terrorisme qui ignorent le problème des causes sous-jacentes du terrorisme. Celles-ci y ont été expurgées. En fait, depuis les années 70, alors que certaines délégations, notamment celles des pays du Sud, voulaient favoriser la recherche de l'origine du terrorisme, d'autres, les délégations des pays occidentaux privilégiaient plutôt les mesures de répression du phénomène. La position occidentale a finalement prévalu dans les conventions.

* 26 Voir Jean-Marc SOREL, op.cit., pp.35 et s.

27 Il s'agit notamment des faits dirigés contre la vie de chefs d'Etat, de la destruction de biens publics, de la fabrication ou de la détention d'armes ou d'explosifs.

28 Voir Marie-Hélène GOZI, Le terrorisme, op.cit., p. 73

*

*

* 29 Voir en infra, sur la « spécification de l'infraction terroriste ».

* 30 La preuve nous est largement fournie par de nombreuses résolutions édictées dans le cadre des Nations Unies, lesquelles condamnent fermement le terrorisme. On citera à titre d'illustration, la Résolution 1368 du 12 sept. 2001 condamnant les attaques perpétrées la veille.

31 Op.cit., p. 71

32 Pour le Professeur Pierre KLEIN, en réalité, l'affirmation selon laquelle aucun instrument juridique à vocation universelle ne comporte de définition générale du terrorisme, s'avère un peu radicale. ( C.f Cours de l' Académie de la Haye, op.cit.). En effet, de plus en plus, on trouve des esquisses de définition générale du terrorisme dans certaines conventions régionales, mais également dans la Convention de 1999 sur le financement du terrorisme, laquelle a une prétention à l' universel. Nous y reviendrons.

*

* 33 A ce sujet, il est à préciser que les actes de terrorisme ne peuvent pas se concevoir de la même manière en temps de paix et en temps de guerre. Dans ce dernier cas, ils relèvent du jus in bello et consistent plus généralement en des pratiques inutilement cruelles ou odieuses contre des populations civiles ou des prisonniers de guerre. Les actes incriminées constituent dans de telles périodes des violations du DIH. L'article 33 de la 4ème Convention de Genève prohibe ainsi « les peines collectives, de même que toute mesure d'intimidation ou de terrorisme » (italique ajouté).

* 34 Voir en infra, « L'approche sectorielle ».

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