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La lutte contre le terrorisme en droit international

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par JEAN-PAUL SIKELI
Université d'Abidjan-Cocody - DEA droit public 2006
  

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exclusions

L'émergence d'une définition générale consensuelle du terrorisme en droit international est principalement tenue en échec par la vive controverse née autour de l'exclusion des mouvements de libération nationale (1) et la lancinante question du terrorisme d'Etat (2).

(1)- La vive controverse sur l'exclusion des actes des mouvements de libération nationale des actes de terrorisme

Suite à l'échec de la défunte Société Des Nations (SDN), l'Organisation des Nations Unies (ONU) s'est engagée, elle aussi, sur le chemin tortueux de la recherche d'une définition générale acceptable du terrorisme. Les réflexions qui ont débuté dans les années 19403(*)5 se sont finalement cristallisées en 1996, date du début des travaux relatifs au Projet de Convention générale sur le terrorisme3(*)6. Cependant ces discussions n'ont pas connu de progrès significatifs depuis 2002. Les raisons de ce blocage tiennent à l'impossibilité de dégager un accord entre les Etats sur l'opportunité d'exclure les actes des mouvements de libération national du champ d'application de la future convention.

La controverse née autour de la signification de la terreur, de la portée et des bénéficiaires réels du droit à l'autodétermination, ainsi que des moyens et des méthodes utilisés pour assurer sa réalisation a été le principal obstacle auquel s'est heurtée la mise au point d'une définition exhaustive du terrorisme et d'un traité exhaustif sur le terrorisme3(*)7. Les clivages idéologiques et les divergences de vues qui ont empêché au cours de la période de décolonisation, l'obtention d'un large consensus persistent encore aujourd'hui dans les relations internationales. Le droit à l'autodétermination est le droit collectif d'un peuple de déterminer son statut politique, et d'assurer librement son développement économique, social et culturel. Il occupe une place de choix dans la charte des Nations Unies3(*)8. Consacré par les deux Pactes internationaux de 1966 relatifs aux droits de l'homme3(*)9, il est réaffirmé dans certaines résolutions majeures de l'Assemblée Générale des Nations Unies, notamment la résolution 1514 (XV) du 14 décembre 1960 relative à la Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux. Il relève aussi du droit coutumier et la CIJ y voit « un des principes essentiels du droit international contemporain »4(*)0. Ce droit est même parfois qualifié de norme de jus cogens4(*)1, alors que la CIJ a vu dans l'obligation de le respecter, une obligation erga omnes4(*)2. Le droit à l'autodétermination comporte nécessairement le droit de l'exercer et le droit de prendre des mesures dans cette perspective4(*)3. Il reste que la portée précise de ce droit en tant que droit de recourir à la force armée (jus ad bellum) et de s'engager dans des guerres de libération nationale a toujours constitué un sujet majeur de dissension. Avant que l'application du droit international humanitaire ait été étendue, en 1977, aux guerres menées par l'exercice du droit à l'autodétermination4(*)4, l'Assemblée Générale des Nations Unies avait adopté un certain nombre de résolutions dans lesquelles elle laissait entendre que l'emploi de la force dans les luttes de libération était légal dès lors qu'il constituait une mesure de légitime défense contre le colonialisme, et indiquait que le DIH dans son intégralité s'appliquerait aux luttes de libérations nationales. A ce titre, cette instance a estimé que les pays sous domination coloniale pouvaient user de tous « les moyens en leur pouvoir »4(*)5 ou « nécessaires » en qualifiant ce droit d' « inhérent »4(*)6. De nombreux pays4(*)7 du tiers-monde parvenus à l'indépendance adoptèrent cette terminologie selon laquelle, tout individu ou tout mouvement qui luttaient contre l'oppression coloniale et / ou la domination coloniale ne devaient pas être qualifiés de « terroristes » mais méritaient plutôt le titre de « combattants de la liberté ». Les Etats en développement ont tiré de la légitimité et de la licéité des luttes de libération nationale4(*)8 l'idée-force selon laquelle les mouvements de libération nationale, en situation d'infériorité, peuvent avoir recours à tous les moyens à leur disposition. Cette position a été exprimée par certains Etats au sein du Comité spécial du terrorisme international créé par l'AGNU en 1972 : « (...) les luttes de libération anticoloniale, la lutte des peuples combattant contre des agresseurs et des envahisseurs pour recouvrer leur liberté sont légitimes parce que fondées sur le droit inaliénable des peuples à l'autodétermination et autorisent ceux qui les mènent à utiliser tous les moyens à leur disposition y compris la force »4(*)9. Cette solution est vivement dénoncée par certains analystes occidentaux qui voudraient bien y voir la boîte de pandores ouverte à toutes les dérives. Pour eux, la position des Etats du Sud entretiendrait une confusion entre le jus ad bellum, c'est-à-dire le droit de recourir à la force armée, et le jus in bello5(*)0, le droit régissant les conflits armés indépendamment de la licéité du recours à la force. En effet, le jus in bello étant indifférent aux causes poursuivies par les belligérants, l'argument avancé par les Etats du Sud suivant lequel la légitimité des luttes de libération nationale justifie que l'on ferme les yeux sur la manière dont la lutte est conduite, est critiquable. Reconnaître le droit des mouvements de libération nationale à employer tous les moyens introduirait une discrimination entre les parties au conflit et reviendrait à exonérer les mouvements de libération nationale des obligations élémentaires qu'impose le DIH. Qui plus est, l'exigence des Etats du Sud d'exclure les actes des mouvements de libération nationale des conventions antiterroristes, et donc de les dissocier des actes terroristes quelle que soit la nature des moyens employés, semble ambiguë : le bloc des Etats du Sud accepte la qualification terroriste quand il s'agit d'en examiner les causes sous jacentes, les ferments (le colonialisme, la domination et l'occupation étrangères) ; mais il refuse le mot seulement quand il est question d'organiser juridiquement la répression5(*)1. De sorte à faire dire à Monsieur Pierre D'ARGENT5(*)2 qu' « on ne sait pas trop cependant si ces Etats considèrent qu'il existe une forme de terrorisme légitime (auquel cas il y aurait une exception au sein de la définition du terrorisme lorsque des actes correspondant matériellement à la définition sont perpétrés en vue de la libération d'un peuple sous domination coloniale), ou s'ils considèrent que les actes posés dans le cadre d'une guerre de libération nationale ne peuvent jamais par la nature de leur finalité, revêtir les caractéristiques objectives d'un acte terroriste ». Cette analyse bien que fondée, appelle tout de même quelque remarque. En effet, en situation de légitime défense, d'extrême nécessité, le droit n'exclut pas absolument le droit de la victime d'une attaque d'user de tous les moyens dont elle dispose, aussi longtemps que sa réaction sera proportionnée à l'attaque5(*)3.

La question du terrorisme d'Etat se pose avec autant d'acuité.

(2)- La lancinante question du terrorisme d'Etat et de

son exclusion des actes de terrorisme 

En ce qui concerne les actes des forces armées et du terrorisme d'Etat, la question s'est posée de savoir dans quelle mesure les instruments conventionnels visant à réprimer le terrorisme pouvaient leur être appliqués. Celle-ci a été soulevée dans le cadre de la Convention de 1997 pour la répression des attentats terroristes à l'explosif. L'article 19 de ce texte exclut assez largement les agissements des forces armées de son champ d'application, en disposant que : « Les activités des forces armées en période de conflit armé, au sens donné à ces termes en droit international humanitaire, qui sont régis par ce droit ne sont pas régies par la présente convention, et les activités menées par les forces armées d'un Etat dans l'exercice de leurs fonctions officielles, en tant qu'elles sont régies par d'autres règles de droit international, ne sont pas non plus régies par la présente convention ». Une disposition identique a finalement été incluse dans l'article 4, paragraphe 2, de la Convention de 2005 sur la répression des actes de terrorisme nucléaire5(*)4, non sans avoir préalablement suscité d'important débats au cours des travaux qui ont mené à l'adoption de ce texte5(*)5.

Le raisonnement qu'on pourrait tenir est le suivant : en application de cette clause d'exclusion, des destructions à l'explosif ( dans le 1er cas) ou l'utilisation de matières ou engins radioactifs (dans le 2ème cas) par des membres de forces armées, même dans un contexte autre que celui de conflit armé, ne seraient donc jamais susceptibles d'être qualifiés de terrorisme sur pied de l'une ou de l'autre convention en cause. Or, autant l'exclusion du champ d'application de ces instruments d'actes accomplis par les forces armées en période de conflit armé pouvait se comprendre eu égard au fait de l'interdiction et de l'incrimination de ces actes dans le cadre du droit international humanitaire, autant l'exclusion des actes commis en dehors de tels contextes du simple fait qu'ils sont « régis par d'autres règles de droit international » soulève des difficultés. Plus généralement, il est manifeste que l'ensemble du débat renvoie inévitablement au concept de « terrorisme d'Etat ». Dire que les actes des forces armées échappent au champ d'application des différentes conventions visant à lutter contre le terrorisme, ne reviendrait-il pas en fin de compte à remettre en cause le fait que le terrorisme puisse aussi être « d'Etat » ?5(*)6

Les difficultés inhérentes à l'entreprise de définition du terrorisme a souvent occasionné des amalgames entre le terrorisme et certains crimes internationaux.

* 35 En 1948, le Comte BERNADOTTE, alors médiateur des Nations Unies en Palestine, est assassiné. Cette affaire devient le prétexte pour l'Organisation qui décide de se saisir de la question du terrorisme. L'AGNU demande alors un avis consultatif à la CIJ sur certains points de droit. L'avis rendu le 11 avril 1949 est célèbre parmi les juristes pour son apport à la théorie des Organisations internationales mais n'aborde pas le problème du terrorisme.

36 Pour une analyse approfondie du Projet de Convention générale sur le terrorisme international, voir Pierre D'ARGENT, « Examen du projet de Convention générale sur le terrorisme international » in Karine BANNELIER et al. (dir. pub.), op.cit., pp. 122-157

* 37 Voir Bruce HOFFMAN, op.cit p. 39 et s.

* 38 C.f art. 1 § 2 et 25

* 39 C. f. art. 1 commun

40 CIJ, Arrêt du 30 juin relatif au Timor Oriental, Rec. CIJ, 1995, § 29

41 Voir Patrick DAILLIER et Alain PELLET, Droit international public, LGDJ, Paris, 7ème éd., 2002, p. 520.

42 CIJ, Affaire du Timor Oriental, Rec. CIJ, 1995, p. 102, § 29 CIJ, Affaire du Timor Oriental, Rec. CIJ, 1995, p. 102, § 29

43 Ce ne serait qu' interpréter le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes selon la règle de l'effet utile (appliquée par la CIJ dans la jurisprudence Détroit du Corfou, 9 avril 1949, Rec. CIJ, 1949, p. 24) que de consacrer le droit pour les

peuples de recourir à la force armée, et il s'agit là d'une lecture raisonnable de l'article 2 paragraphe 7 de la Charte des Nations Unies.

* 44 Le Protocole additionnel I du 8 juin 1977 aux Conventions de Genève de 1949 qualifie de conflits armés internationaux les conflits « dans lesquels les peuples luttent contre la domination coloniale et l'occupation étrangère et contre les régimes racistes dans l'exercice du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes » (art. 1)

* 45 Résolution 3070 (XXVIII) du 30 octobre 1973

* 46 Résolution 2621 (XXV) : « droit inhérent des peuples coloniaux de lutter par tous les moyens nécessaires contre les puissances coloniales qui répriment leur aspiration à la liberté et à l'indépendance ».

* 47 Des pays aussi différents qu'Israël, le Kenya, Chypre, l'Algérie doivent au moins en partie leur indépendance à des mouvements politiques nationalistes qui employèrent la violence armée contre les puissances coloniales. C'est aussi pendant cette période que la terminologie de « combattants de la liberté » se répandit, comme la marque de légitimité politique des combats pour la libération nationale et de l'autodétermination accordée par la communauté internationale, dont le soutien était activement recherché par la plupart de ces mouvements.

* 48 Si la licéité des mouvements de libération nationale est désormais un acquis en droit international, le droit des Gens (jus gentium) contemporain se refuse cependant à reconnaître la licéité des minorités de faire sécession. Pour aller plus loin, voir Madjid BENCHIKH, « Le terrorisme, les mouvements de libération nationale et de sécession et le droit international », in Karine BANNELIER et al.(dir.), op.cit, pp. 69 et s.

* 49 Voir Rapport du Comité spécial du terrorisme international, A/9028, 1973, p. 8, § 22. (Italique ajouté)

50 Nous notons également l'existence d' un conflit entre les Résolutions précitées (Résolution 3070 (XXVIII) la Résolution 3070 (XXVIII) ) et les dispositions pertinentes du DIH. En effet, alors que ces Résolutions autorisent

l' usage de « tout moyen » « nécessaires », le DIH ( dans sa version droit de la Haye ) restreint le droit des parties quant aux moyens à employer dans les conflits armés, pour éviter les maux ou souffrances inutiles ou superflu(e)s.

Cf. Francisco MELEDJE DJEDJRO, Cours de DIH, DESS droits de l'homme, CERAP/IDDH, Abidjan, 2005-2006.

* 51 Voir la position de Jean-Christophe MARTIN, op.cit p. 75

52 Voir Pierre D'ARGENT, « Examen du projet de Convention générale sur le terrorisme international » op.cit., pp. 134 et s.

* 53 La question s'est déjà posée en droit international, et soumise à la sagacité de la CIJ sur la licéité de la menace ou de l'emploi l'arme nucléaire. La CIJ s'est prononcée sur la question dans un avis consultatif, en date du 8 juillet 1996 (Voir en infra)

* 54 Voir également l'avant-dernier considérant du préambule de la Convention, qui énonce déjà que « les activités des forces armées des Etats sont régies par des règles de droit international qui se situent hors du cadre de la présente convention ».

55 Voir sur ce point le rapport du coordonnateur sur les résultats des consultations bilatérales officieuses, dans Rapport du Comité spécial créé par la résolution 51/210 de l'AG en date du 17 décembre 1996, 7ème session (2003), Documents officiels de l'AG, doc. A/58/37, 2 avril 2003, annexe II, point B, paragraphes 3-7

* 56 Cette position doit, néanmoins, être relativisée au regard de la définition du terrorisme d'Etat donnée par Mme Kalliopi KOUFA, dans son rapport final de 2004 sur « Le terrorisme et les droits de l'homme ». Elle en donne deux sens plausibles : dans une première acception, le terrorisme d'Etat renvoie à l'application d'une politique de terreur sur le plan interne, érigée en quelque sorte en système de gouvernement. Dans un deuxième sens, le terrorisme s'entend du recours à des actes et méthodes terroristes « parrainés par l'Etat », « lorsque le gouvernement planifie, soutient, oriente et contrôle des opérations terroristes dans un pays tiers ».

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery