La lutte contre le terrorisme en droit international( Télécharger le fichier original )par JEAN-PAUL SIKELI Université d'Abidjan-Cocody - DEA droit public 2006 |
II- Institutions et organisationsAIEA Agence internationale de l'énergie atomique CAERT Centre africain d'études et de recherche sur le terrorisme CCT Comité de lutte contre le terrorisme des Nations Unies CICTE Comité interaméricain contre le terrorisme GAFI Groupe d'action financière sur le blanchissement d'argent IDI Institut de droit international OACI Organisation de l'aviation civile internationale OCI Organisation de la Conférence islamique OIP-Interpol Organisation internationale de police criminelle OMI Organisation maritime internationale ONUDC Organisation des Nations Unies contre la drogue et le crime SFDI Société française pour le droit international TPIR Tribunal pénal international pour le Rwanda TPIY Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie IntroductionNotre histoire, l'histoire de l'humanité est aussi celle des contradictions, des antagonismes et de la confrontation. Elle s'est bâtie et continue de se construire sur le ciment de l'horreur, de la terreur, et des hécatombes. Elle s'écrit au fil des jours avec l'encre du sang, sous la plume de la violence. Cette violence qui empoisonne l'existence humaine est omniprésente et protéiforme. Le terrorisme est l'une des formes de violence les plus répandues dans le monde1(*). Il a traversé les époques et a survécu au temps, marquant l'histoire humaine d'une empreinte indélébile. Ce phénomène s'est révélé en effet, être un élément catalyseur dans la survenue des tragédies qui ont bouleversé le cours de l'histoire ancienne2(*) et contemporaine3(*). Pour ce qui de l'histoire contemporaine, deux événements majeurs retiennent particulièrement notre attention : il s'agit de la Première Guerre mondiale et des attentats du 11 septembre 2001. Les évènements qui précèdent immédiatement la Première Guerre mondiale sont bien connus en raison des conséquences cataclysmiques qu'ils devaient avoir sur l'ordre mondial. On se souvient que c'est un membre d'une jeune organisation terroriste « Jeune Bosnie », Gavrilo PRINCIP, qui, en assassinant à Sarajevo l'archiduc François-Ferdinand de Habsbourg le 28 juillet 1914, mit en branle la succession des évènements qui aboutit au déclenchement du premier conflit mondial4(*)... Tournée la sombre page des conflits mondiaux qui ont charrié des millions de victimes, l'effondrement des deux blocs idéologiques est et ouest qui marqua la fin de la guerre froide5(*), offrit au monde une trêve éphémère. L'humanité qui sortait fraîchement de plusieurs décennies de blessures entra dans une nouvelle ère, faisant désormais face à une nouvelle forme de menace. Le 11 septembre 2001, notre histoire s'ouvrit sur une nouvelle page sombre. Le monde venait de basculer en ce début de 21ème siècle dans une forme de violence d'une gravité inqualifiable. L'Occident, sinon la planète terrifiée, crut vivre un horrible cauchemar. En quelques minutes seulement, l'humanité fut plongée dans « un nouveau désordre mondial »6(*), mettant à rude épreuve l'équilibre déjà précaire du système géopolitique international. On se souvient en effet, que ce jour-là, des islamistes sunnites détournèrent quatre avions de lignes américaines, les transformant en missiles humains. Le monde assista alors médusé par l'effet de l'instantanéité de l'information, à la réalité sanglante de l'acte terroriste. La tragédie laissa voir un spectacle de ruines, des milliers de familles d'innocents endeuillées. D'une certaine manière, l'onde de choc du drame américain remit au goût du jour la fameuse théorie du « clash des civilisations »7(*) empruntée au célèbre sociologue américain Samuel HUNTINGTON qui inscrivit dès 1993 les relations interculturelles et par delà les relations internationales dans une vision manichéenne. Face à la montée en puissance du terrorisme de type nouveau « mythifié » par le 11 septembre - que l'on désigne volontiers sous le vocable « d'hyperterrorisme »8(*) ce « nouveau totalitarisme » qui a « grandi, mûri et (...) devenu désormais adulte »9(*) - l'on ne peut que s'interroger sur l'efficacité des mécanismes de prévention et de répression mis en place pour vaincre ce fléau. Le fait marquant, c'est que les attentats contre les deux tours jumelles du World Trade Center semblent avoir achevé de convaincre les plus sceptiques, de la vulnérabilité et de la porosité des mécanismes de prévention et de règlement des conflits mis en place depuis plus de 60 ans, et ce en dépit des progrès technologiques réalisés ces dernières années1(*)0. Au de là de son actualité, le sujet témoigne d'un grand intérêt scientifique. Il est vrai que le droit international constitue depuis longtemps l'un des instruments privilégiés par lesquels les Etats dans leur ensemble, ont entendu articuler leur réponse aux activités qu'ils ont fait entrer dans la catégorie des actes de terrorisme international. Il est tout aussi vrai que la question de l'adéquation du corpus de règles qui composent ce droit à la lutte contre le terrorisme, fut posée avec acuité et une insistance toutes particulières à la suite des attentats du 11 septembre 2001. L'on ne compte plus, en effet, les constats de carence qui furent dressés à cet égard dans les jours et les semaines qui ont suivi ces terribles évènements1(*)1. Dans un premier temps, comme l'observe Monsieur Luigi CONDORELLI1(*)2, la référence au droit international fut tout simplement absente du discours des responsables politiques ; le droit apparu aux yeux de ces derniers comme dépourvu de pertinence, incapable de jouer un rôle dans l'appréciation des faits et dans le choix des actions à mener. Ce n'est que dans un second temps que les débats juridiques enflèrent et que se multiplièrent les remises en cause du cadre offert par les normes juridiques internationales existantes pour répondre à des actes d'une telle gravité. Ainsi que le note un observateur de la scène internationale, « le droit international lui, aussi semble frappé de stupeur, incapable de nommer ce qui venait de se produire et qui n'obéissait à aucune de ses catégories homologuées »1(*)3. Le droit existant se révéla alors inadapté, « atone ». La question de sa nécessaire adaptation, de son évolution à la suite des évènements en cause et dans un certain sens de sa pertinence paru donc logiquement appeler un examen approfondi des normes internationales. Parallèlement, dans un contexte plus politique, plusieurs des Etats les plus activement engagés dans la lutte contre le terrorisme mirent avec insistance l'accent sur le caractère exceptionnel des situations auxquelles ils avaient à faire face pour justifier la mise à l'écart d'un certain nombre de normes internationales, en particulier dans le domaine de la protection des droits de la personne humaine. A cet égard encore, le cadre juridique existant se révéla peu adapté et pouvait dès lors être ignoré ou, à tout le moins, mis entre parenthèse. Comme le souligne avec perspicacité le Professeur Pierre KLEIN, que ce soit en raison du prétendu ou du réel « vide juridique » diagnostiqué par plusieurs observateurs ou du caractère exceptionnel des situations en cause, qui auraient rendu inadéquates ou non pertinentes un certain nombre de règles existantes, l'ordre juridique international contemporain a subi une considérable « mise à l'épreuve »1(*)4. Ce sont en effet, plusieurs de ses composantes les plus essentielles qui furent remises en cause et souvent mises à mal dans ce cadre. Malgré tout, la lutte contre le terrorisme reste un défi constant et permanent pour le droit international. Il apparaît évident que pour éradiquer la violence terroriste, il ne suffit pas de la nier, ni de la dénoncer seulement, mais voir lucidement ce qu'elle est, ses effets, et la manière dont on peut lui résister1(*)5. « Il s'agit au fond de transformer un problème qui pourrait paraître abstrait en une réalité concrète »1(*)6. Cette réalité est appréhendée par le droit, parfois maladroitement, mais avec la volonté affirmée de l'abolir. Expliquer le terrorisme, le nommer et le caractériser pour ensuite organiser la lutte, tel est l'essentiel de l'éventail des tâches qui incombe au juriste. Or, si pareille initiative peut paraître exaltante et hardie, elle n'en demeure pas moins périlleuse et ardue. En effet, dans un premier temps, l'entreprise de définition du terrorisme en droit en général et en droit international en particulier relève d'un travail si herculéen que le Professeur Jean-Marc SOREL s'est interrogé sur le point de savoir si on pouvait définir le terrorisme, et si on devait le définir1(*)7. Car, ainsi que le souligne avec justesse Mme Marie-Hélène GOZI, souvent abordé avec passion, le thème de terrorisme tient la raison en échec1(*)8. Dans un second temps, l'impossibilité ou du moins la difficulté de parvenir à une définition consensuelle et tangible du terrorisme en droit international augure assurément bien d'incertitudes dans la lutte contre ce phénomène. Et, on pourrait à bon droit se demander, comment lutter efficacement contre un mal qu'il est difficile de circonscrire ; ou plus encore, comment circonscrire le champ d'extension d'un combat contre un mal insaisissable parce qu'indéfinissable. La pratique révèle pourtant que l'absence de définition générale et consensuelle du terrorisme n'empêche pas la communauté internationale de combattre le phénomène en question. Il apparaît dès lors tout indiqué de nous poser un certain nombre de questions qui intéresse l'étude. Un faisceau de questionnement effleure l'esprit lorsqu'on aborde la question de la lutte contre le terrorisme sous le jour du droit international ; et on pourrait légitiment se poser les questions suivantes :
faire face au terrorisme ? Plus particulièrement, quelle est la place du recours à la force armée dans la lutte contre le terrorisme ? Sur quel fondement juridique et dans quelles conditions l'option militaire est-elle envisageable ?
Une telle étude ne saurait se passer de l'examen des faits, ce qui nous amène tout naturellement à nous interroger sur les aspects pratiques de la question. - Comment alors, dans les faits la lutte contre le terrorisme a été perçue et menée dans le cadre multilatéral de sécurité collective et comment elle est engagée dans une perspective unilatérale depuis l'avènement des Nations Unies à nos jours en passant par les tragiques évènements du 11 septembre 2001. Les réponses données au terrorisme ne sont-elles pas plus dangereuses que le terrorisme lui-même ? Il s'agit en un mot de réfléchir sur les aspects relatifs à l'organisation de la lutte contre le terrorisme en droit international pour en faire ressortir éventuellement les faiblesses et les limites. Nous tenterons de répondre à toutes ces interrogations à travers deux parties : La première partie sera consacrée à l'encadrement normatif de la lutte contre le terrorisme ( Première partie) et la seconde partie consistera à examiner les aspects factuels de cette lutte, d'où la lutte contre le terrorisme à l'épreuve des faits (Deuxième partie). Toutefois, étant donné que le terrorisme pose a priori des problèmes quasi insolubles de définition, cette démarche bipartite s'enrichira d'un chapitre préliminaire qui portera sur la notion même de terrorisme en droit international ( Chapitre préliminaire). * 1 L'année 2007 a été particulièrement meurtrière. Elle fut ensanglantée par une vague d'attentats terroristes un peu partout dans le monde. La chaîne de télévision française France 24 dressait un sombre bilan à ce sujet, quand elle annonçait que plus de 780 personnes ont trouvé la mort dans des attentats terroristes. Sur France 24, édition télévisée du 28 /12/2007 * 2 Les spécialistes du terrorisme font généralement remonter la genèse de ce phénomène au 1re siècle de notre ère, à l'époque des Sicaires (du nom de Sica, genre d'arme blanche), extrémistes juifs du 1er siècle qui rejetaient le monde grec au profit d'une tradition juive. * 3 Si le terrorisme en tant que donnée factuelle est apparu au 1er siècle de notre ère, il faut croire que la notion de « terrorisme » elle-même est née sous la révolution française. Robespierre était qualifié de terroriste à la suite de la chute du régime ayant utilisé la terreur comme mode de gouvernement à partir du 30 août 1793. Voir Marie-Hélène GOZI, Le terrorisme, Ellipses, Paris, 2003, page 8. * 4 Voir Bruce HOFFMAN, La mécanique terroriste, Calman Lévy, Paris, 1999, p. 26 * 5 Etait-ce là la « fin de l'histoire » comme le laisse entendre M. Francis FUKUYAMA ?. Voir Francis FUKUYAMA, La fin de l'histoire et le dernier homme, édition Flammarion, 1992. L'auteur y affirme que la fin guerre froide marque la victoire définitive de la démocratie et du libéralisme sur les autres régimes politiques, et par là, l'avènement de la paix perpétuelle. Il présente le modèle américain comme « fin de l'histoire » et la démocratie libérale comme le modèle parfait de tout système politique. 6 Voir Didier BIGO, « Grands débats dans un petit monde », Culture et conflits disponible sur http://www.conflits.org 7 Voir Samuel HUNTINGTON, Le choc des civilisations, Odile Jacob, 1997 * 8 Ce néologisme d'hyperterrorisme est de plus en plus usité pour désigner le terrorisme de destruction de masse auquel correspond sans nul doute les attentats hautement meurtriers du 11 septembre 2001. Voir René PASSET et Jean LIBERMAN, Mondialisation financière et terrorisme : la donne a-t-elle changé depuis le 11 septembre, Enjeux planète, Paris, 3ème trimestre 2002, p.85 * 9 F. RACHLINE, « Le terrorisme est un totalitarisme », dans P. BONIFACE (dir. pub.), Le 11 septembre, un an après, PUF. Coll. Enjeux stratégiques, IRIS, 2002, p. 39 * 10 Ce sentiment est largement partagé au sein de la doctrine. Voir entre autres auteurs, Paul TAVERNIER, « Terrorisme et compétence universelle », SFDI, Les nouvelles menaces contre la paix et la sécurité internationales, journée franco-allemande, Pedone, Paris, 2004, pp. 237 et s. Voir égalemnt Brigitte STERN « Rapport introductif : Le contexte juridique de l'après 11 septembre 2001, Karine BANNELIER ; Théodore CHRISTAKIS; Olivier CORTEN ; Barbara DELCOURT ( dir.pub. ), Le droit international face au terrorisme. Après le 11 septembre 2001, Pedone, Paris, 2002, pp. 3 et s. 11 Cette « inadaptation » du droit international avait déjà été dénoncée par certains auteurs antérieurement aux évènements du 11 septembre 2001. ( Voir par exemple M. REISMAN, « International Legal Responses to Terrorism », Houston JIL, 1999, p. 60) et a continué à l'être par la suite (Voir par exemple Abraham D. SOFAER, « On the Necessity of Preemption », EJIL, 2003, pp. 210 et 221) 12 Voir Luigi CONDORELLI, « Les attentats du 11 septembre et leurs suites : où va le droit international ? », RGDIP, 2001, p. 829. * 13 Voir C. TREAN, Le Monde, 18 et 19 novembre 2001, citée par Brigitte STERN, « Le contexte juridique de l' « après » 11 septembre 2001, dans Karine BANNELIER, Théodore CHRISTAKIS, Olivier CORTEN et Barbara DELCOURT, (dir. Pub.), Le droit international face au terrorisme. Après le 11 septembre 2001, op.cit, pp. 3-4 * 14 Voir Pierre KLEIN, « Le droit international à l'épreuve du terrorisme », Cours de l'Académie de droit international de la Haye, 2007. 15 Voir Marie HELENE GOZI, Le terrorisme, op.cit, page 5 « Introduction » * 16 Voir Albert CAMUS, Réflexions sur le terrorisme, éd. Nicolas Philippe, Paris 2002. * 17 Voir Jean Marc SOREL, « Existe-t-il une définition universelle du terrorisme ? », BANNELIER (Karine) ; CHRISTAKIS (Théodore) ; CORTEN (Olivier) ; DELCOURT (Barbara) (dir.pub. ), Le droit international face au terrorisme. Après le 11 septembre 2001, op.cit., pp. 35 et s. 18 Voir Marie-Hélène GOZI, op.cit., p. 6 |
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