2.1.4 L'approche sociologique
Les sociologues distinguent la scolarisation et
l'éducation tout en estimant que l'école est l'un des principaux
moyens de socialisation. De cette considération découlent
différentes conceptions du rôle de l'école.
a- L'école : facteur d'intégration
sociale
Dans un premier temps, l'école se présente comme
un facteur d'intégration sociale. C'est d'ailleurs le point de vue de
Durkheim qui est en outre considéré comme le père de la
sociologie de l'éducation. Selon lui, l'école a pour objet une
« socialisation méthodique de la jeune génération
» (Alpe et al. 2005)14.
En tant que facteur d'intégration sociale,
l'école s'illustre avec deux rôles essentiels. D'une part, elle
permet d'unifier les individus autour des valeurs générales de la
raison et de la discipline. D'autre part, elle prépare les individus aux
différents emplois à travers la qualification professionnelle
(Montoussé et al, 2003). En outre, elle joue le rôle de facteur de
développement social en luttant contre l'obscurantisme : Elle constitue
un rempart contre les traditions, les perceptions, et les croyances anciennes.
D'ailleurs, l'une des conséquences des politiques d'éducation est
la persuasion des individus de la maîtrise de leur avenir par
l'assimilation de la méritocratie que promeut le système
scolaire. Mais cela pourrait être une source de discrimination dans la
mesure où l'école est souvent utilisée comme un moyen de
reproduction sociale.
14 « En définissant l'éducation comme une
`'socialisation méthodique de la jeune génération»,
Emile Durkheim manifestait à la fois son intérêt pour les
questions pédagogiques, et pour le rôle de l'école dans le
processus de socialisation ». (Yves Alpe, Alain Bétone, Christine
Dollo, Jean Renaud Lambert et Sandrine Parayre, 2005, Lexique de
sociologie, p. 71)
b- L'école : facteur de reproduction
sociale
Selon certains auteurs, l'école est un instrument au
service de la classe dominante. Elle permet ainsi de reproduire les
inégalités sociales nées du capitalisme. Bourdieu et
Passeron (1964, 1970)15 montrent que la réussite scolaire est
fortement déterminée par la distance entre la culture des enfants
et la culture scolaire. La culture scolaire « est empruntée
à la culture des catégories dominantes et les enfants de ces
catégories ne percevant pas de rupture entre leur culture familiale et
la culture scolaire ont toutes les chances de réussir leurs
études et donc de rester dans la même catégorie sociale que
celle de leurs parents. Les enfants des catégories
défavorisées sont au contraire victimes d'une césure entre
culture familiale et culture scolaire et peuvent éprouver des
difficultés à s'adapter » (Montoussé et al,
2003). Il en résulte une faible chance de réussite scolaire et
d'ascension sociale. L'école est donc utilisée par les classes
dominantes comme un moyen de reproduction sociale des classes et les classes
défavorisées consentent en vertu de la méritocratie que
semble promouvoir l'école.
Il ressort de ces deux aspects de l'école que les
facteurs sociologiques influencent la scolarisation dans un sens ou dans
l'autre. C'est ainsi qu'à la suite de Bourdieu et Passeron (1970) qui
attribuaient des ambitions plus faibles aux classes défavorisées,
on s'est demandé si cette résignation était due à
une surestimation des difficultés à dépasser (Ndoye A. K,
1999)16. D'autres travaux, notamment ceux de Deschamps,
Lorenzi-Cioldi et Meyer (1982), à travers une analyse des
mécanismes sélectifs du système d'enseignement, ont
montré que le poids des variables socioculturelles est fort et constitue
un handicap pour les enfants issus des milieux sociaux bas. La
littérature est marquée par une forte concordance des
résultats des recherches menées sur l'éducation et cela
est dû au fait qu' « à la fin de la première
année de l'école primaire, les résultats scolaires de
l'élève portent l'empreinte des caractéristiques
culturelles familiales. La durée, et la qualité des études
de l'enfant vont dépendre en grande partie de son origine sociale
». (Caglar, 1983, p. 22)17.
15 Cité par Montoussé et al, (2003)
16 «Ces auteurs (Bourdieu et Passeron) ont
continué à croire que les ambitions scolaires plus faibles des
plus défavorisés correspondent à une évaluation
réaliste des difficultés à dépasser, `' une
intériorisation des probabilités objectives en espérances
subjectives'', sans que l'on puisse jamais vraiment savoir si c'est parce qu'on
est `'résigné'' et qu'on n'adhère pas aux valeurs de
réussite, qu'on ne `'monte'' pas socialement ou, si c'est plutôt
parce qu'on ne sait pas ou se sent depuis plusieurs générations,
retenus ou maintenu `'en bas'' par le `'poids des choses'', qu'on se
résigne et renonce à son `'étoile'' (Ndoye 1999 :
citant Forquin, (1991), p.61).
17 Cité par A, K, Ndoye (1999).
Ndoye note par ailleurs (en citant Baro, 1997) que la
réussite scolaire est fortement déterminée par l'origine
sociale ou culturelle des jeunes. L'origine sociale a donc une influence sur la
réussite scolaire, mais les mécanismes d'action méritent
d'être élucidés. On pourrait expliquer cette
différence par le type d'enseignement et le type d'établissement
fréquenté par l'élève.
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