2.1.3 Les facteurs économiques
Ils sont de nature à déterminer non seulement
l'accessibilité financière de l'école mais aussi les
motivations en ce qui concerne les choix scolaires. Il s'agit du niveau de
revenu, du capital humain dont la théorie est développée
par les économistes de l'éducation, et des modes de
production.
a- Le niveau de vie du ménage
Le niveau de vie du ménage a une influence sur la
scolarisation des enfants dans la mesure où, la mise de l'enfant
à l'école entraîne certains coûts relatifs aux frais
de scolarisation et des fournitures scolaires. De nombreuses études,
cherchant la relation entre le revenu du ménage et la scolarisation, ont
montré que le taux de scolarisation est positivement lié au
niveau de vie des ménages. Poursuivant dans cette lancée, elles
ont découvert que l'accroissement du niveau de vie est susceptible de
réduire les discriminations sexuelles des enfants en matière de
scolarisation. En outre, plusieurs auteurs comme Pilon (1996), Marcoux (1995)
et Kobiané (2002) ont élucidé la relation entre le niveau
de vie du ménage et la scolarisation. Partant des effets de la crise
économique, ils ont trouvé que la réduction du niveau de
vie a pour conséquence la modification de la structure des
dépenses familiales avec la relégation au second plan de la
scolarisation des enfants. Mais comment donc comprendre que les femmes, qui
sont généralement les plus démunies, soient les plus aptes
à scolariser les enfants ?
b- La théorie du capital humain
Elle a été développée pour
démontrer l'importance de l'éducation et de la formation dans une
économie. C'est d'ailleurs de là qu'est venu le terme de «
demande d'éducation »13. L'éducation est donc
considérée comme un bien économique susceptible,
13
« Faute d'une définition reconnue, nous
proposons de considérer la demande d'éducation comme le produit
d'un ensemble defacteurs (scolaires, économiques, sociaux,
démographiques, politiques, religieux, culturels), que les individus
et
comme tout autre bien économique, d'être offert
et de répondre à une demande. Sa particularité est qu'elle
est immatérielle et susceptible à son tour de produire dès
qu'elle est produite.
D'après la Banque mondiale (1990, cité par Loka
Kongo, 2002), les agriculteurs africains qui ont été à
l'école pendant au moins 4 ans ont une productivité
supérieure d'environ 8% en moyenne par rapport à ceux qui n'y ont
pas été du tout. L'investissement dans l'éducation fait
souvent l'objet de calculs financiers. En effet, les coûts dévolus
à l'éducation dans les ménages constituent l'une des
causes de la non fréquentation scolaire dans les pays africains. Plus
les coûts sont élevés, moins les parents sont
motivés à envoyer les enfants à l'école comme le
constate Rwehera (1999, p. 163) : « La demande scolaire résulte
d'une part des avantages que les familles espèrent tirer de
l'accomplissement du cycle d'étude considéré et, d'autre
part de la proportion des familles qui soient prêtes à accepter
les sacrifices et autres, qu'impose la fréquentation scolaire
».
Ce qui conduit à repenser l'enjeu de l'investissement
en « capital humain ». Faut-il choisir le gain relativement certain
aujourd'hui ou faut-il investir dans un capital humain avec une
espérance de gain futur qui dépendra elle-même des choix
scolaires ? La prise de cette décision dépend certes des
contraintes monétaires, mais elle relève surtout du social et du
culturel. En ce sens, l'objectif des familles ne serait pas uniquement de
maximiser les revenus futurs potentiels de l'enfant, mais de lui donner une
éducation dans l'optique de la production des biens de subsistances et
de la reproduction sociale du groupe d'appartenance.
c- Des modes de production, pauvreté et logiques
scolaires
Cette approche stipule que la scolarisation de l'enfant
dépend du mode de production sociale du ménage. Très
souvent et surtout dans un contexte de pauvreté, le mode de production
des subsistances du ménage impose des contraintes aux membres :
occupation de l'enfant à la maison, contribution aux activités
domestiques, contribution à l'activité du chef de ménage.
Dans l'Est du Burkina, où l'agriculture est la principale
activité et où la scolarisation est très faible, la
totalité des agriculteurs déclaraient que leurs enfants leur
apportaient une aide importante dans les activités agricoles
(Kobiané, 2002).
les groupes prennent en compte, directement ou indirectement,
consciemment ou non, dans leurs pratiques de scolarisation ; ces acteurs
conditionnent ainsi la mise à l'école, l'itinéraire
scolaire et la durée de la scolarité ». (Bommier et Shapiro,
2001).
C'est dans ce contexte que les filles sont retenues par les
occupations domestiques et les travaux ménagers. Tous ces comportements
sont dus aux conditions de vie qui nécessitent souvent l'apport du
garçon à la subsistance du ménage tandis que la fille est
utilisée comme aide ménagère auprès de ses parents.
Il ressort que l'activité économique des parents influence la
scolarisation de l'enfant à travers leurs revenus comme ceci le confirme
: « Le nécessaire recours au travail des enfants, soit pour la
survie des familles (Marcoux), soit pour le fonctionnement de l'organisation
socio-économique de certains groupes qui inclut la participation des
enfants aux tâches productives (Bonini, Yero), constitue également
un déterminant essentiel de la scolarisation » (Lange et
Martin, 1995 :569). La décision des parents de scolariser l'enfant ou
non dépend de son apport au système de production du
ménage. Plus son apport est estimé, moins grande sera sa chance
d'être scolarisé.
Les parents peuvent par ailleurs financer la formation de
l'enfant `'sur le tas», vu le manque d'adéquation entre formation
et emploi. Et cela d'autant plus s'ils observent un échec scolaire ou
une difficile insertion socio professionnelle des aînés à
travers le chômage des nouveaux diplômés comme l'a
remarqué Lange (1987) : « le refus de l'école constitue
la réponse des parents à la dégradation du niveau de vie
et au chômage des diplômés occasionnés par les
mesures de rigueur économique ». Ainsi la prise en compte du
rang de naissance de l'enfant dans les analyses pourrait permettre de
comprendre l'impact de la situation des aînés sur la scolarisation
des plus jeunes. C'est tout au moins ce que nous insuffle Pilon (1996) en
disant que l' « influence du rang de la naissance reste une inconnue
de taille. En l'absence de données biographiques, il convient de
réfléchir aux possibilités d'analyse, même
partielles : à partir de sous échantillons créés
sous certaines conditions issues de l' « histoire génésique
» des femmes, des ménages, etc. »
La crise a eu pour conséquence direct une baisse
drastique des revenus et une augmentation du coût de l'offre scolaire.
Une étude de M. Verlet (1996) au Ghana a montré que la
conséquence de la détérioration des conditions de vie est
la mise au travail des enfants. Avec la crise se développe une nouvelle
logique scolaire du fait du déclin de solidarité familiale qui
aura sans doute un effet négatif sur la scolarisation des enfants. Cela
prive les enfants de la scolarisation, donc de tous les acquis éducatifs
qui pourraient augmenter leur productivité future au profit des gains
actuels.
Cet angle d'approche de la scolarisation a montré ses
limites sur au moins deux points. Premièrement elle s'est, en effet,
trop focalisée sur le travail des enfants, trop sur le
monde rural avec une tendance à considérer le
mode de production agricole comme un tout homogène. De ce fait, il
n'épuise pas l'ensemble des facettes des déterminants scolaires.
La prise en compte des facteurs sociaux et culturels est capitale et riche
d'enseignement (Kobiané, 2002). Deuxièmement, les indicateurs
qu'elle utilise et qui ne rendent compte que des caractéristiques
économiques du ménage ne peuvent pas bien expliquer la
scolarisation. En effet, dans un contexte comme celui de l'Afrique, empreint de
solidarité, la couverture de certains frais peut provenir des personnes
extérieures au ménage. Ainsi, un ménage ayant un chef de
faible revenu peut supporter tous les coûts liés à la
scolarisation. Cela montre la limite de la prise en compte des seules
caractéristiques économiques du ménage.
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