L'ordre public pénal et les pouvoirs privés économiques( Télécharger le fichier original )par Joseph KAMGA Université de Nice Sophia Antipolis - Master 2 recherche en droit économique 2008 |
Section 2- Le souci de préserver le financement public.« La manière la plus simple de gagner de l'argent est de ne point en perdre30». Ce propos est largement vérifié et semble être le maître-mot des pouvoirs privés économiques. Obnubilées par la recherche effrénée du profit et de la croissance, les grandes entreprises ont une tentation généralisée à enfreindre les règles du marché. En procédant à des externalisations des activités du groupe tout en intégrant les sous-traitants et aux délocalisations, les pouvoirs privés économiques manifestent leur désir d'échapper aux charges. Il arrive généralement que des infractions soient commises au cours de ces opérations d'évitement des charges. C'est ainsi que les fraudes tant fiscales (§1) que douanières (§2) sont commises par les grandes entreprises au quotidien. §1 : Les fraudes fiscales.Disposant de nombreuses entités liées économiquement à leur centre de décision, mais juridiquement autonomes et disséminées dans des systèmes juridiques différents, les grands groupes multiplient les procédés d'évitement fiscal. C'est ainsi qu'en conférant à certaine de leurs entités la nationalité d'un pays à fiscalité complaisante voire inexistante, les grands groupes participent d'une véritable opération d'évasion fiscale qui n'est en soi pas interdite. Le fait pour chaque pays d'évaluer en permanence ses régimes fiscaux et ses dépenses publiques en vue de procéder, si nécessaire, à des ajustements pour améliorer l'investissement incite les pouvoirs privés économiques à des délocalisations d'activités. Lorsqu'elles ne sont pas faites dans les pays où le droit social est largement attrayant, les délocalisations sont faites dans les pays à fiscalité avantageuses communément désignés « paradis fiscaux ». Dans la pratique, les activités de production sont localisées dans les pays à « mains d'oeuvre bon marché » et les activités financières dans les pays dits « paradis fiscaux ». Ainsi, dans les transactions du groupe, les procédés répréhensibles tels que ceux énoncés par l'article 1741 du Code général des impôts peuvent être réalisés. Il s'agit d'omettre sciemment de souscrire la déclaration fiscale dans les délais prescrits, de dissimuler volontairement une partie du 30 W. JEANDIDIER, Droit pénal des affaires, Dalloz, 4ème éd, 2005, p. 189 chiffre d'affaires ou des bénéfices réalisés et passibles de l'impôt , d'organiser son insolvabilité ou faire obstacle par d'autres procédés au recouvrement de l'impôt, d' achats et ventes sans factures, de délivrer ou présenter des factures se rapportant à des opérations fictives et tenter d'obtenir de l'Etat des remboursements injustifiés. Toutefois, lorsque les éléments d'appréciation d'une fraude fiscale sont avérés, la responsabilité pénale du groupe devrait être engagée en ce sens que l'entité coupable, juridiquement autonome, mais substantiellement subordonnée par son obligation de répondre à la politique du groupe, n'a agi que dans le cadre d'une action concertée. Le fait de se soustraire ou de tenter de se soustraire à l'impôt, dans un but exclusivement fiscal ou avec l'intention de frauder, peut être sévèrement sanctionné dans le cadre du groupe, il suffit juste de procéder par une analyse des faits en fonction des suggestions du groupe. La répression des fraudes fiscales des groupes de sociétés est d'autant plus actuelle dans le contexte de la mondialisation de l'économie que les échanges transfrontaliers entre filiales d'entreprises multinationales, souvent désignés sous le nom d'échanges « intra-groupe » ou « entre sociétés apparentées », représentent une part importante des échanges internationaux de marchandises, encore que des données globales ne soient disponibles que pour un petit nombre de pays, notamment les États-Unis et le Japon. Les échanges intra-groupes représentent près d'un tiers des exportations de marchandises du Japon et des États-Unis, et une proportion similaire des importations de marchandises des États-Unis et un quart de celles du Japon.31 Les manquements devraient donc être réprimés dans le cadre du groupe et non par la prise en compte de l'entité autonome juridiquement sur la tête de laquelle les éléments de la fraude sont réunis. C'est ce qui a certainement motivé l'ouverture des enquêtes préliminaires contre les groupes Total, Adidas et Michelin par la justice française pour fraude fiscale32. Le fait est que l'économie mondiale a embrassé un cycle irréversible de dilution des espaces et le droit pénal fiscal devrait en tenir compte tout comme le droit pénal douanier. 31 Source OCDE 2002 32 Le quotidien Le Point du 01 Avril 2009, édition électronique consultée le 01 avril 2009 sur http://www.lepoint.fr/actualites-economie/2009-04-01/elf-michelin-adidas-ouverture-d-une-enquetepreliminaire/9 16/0/330959 |
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