§ 2 : Le recentrage autour des infractions
d'affaires.
Il a été démontré dans la
première partie les déficiences du droit pénal
économique, dues au caractère si changeant du monde des affaires
et à l'apparition des nouveaux acteurs et des nouveaux territoires de
délinquance économique. Ainsi, les acteurs privés
économiques qui méconnaîtraient les exigences
légales et règlementaires favorables à la protection de la
santé des populations ou au bien-être du consommateur devraient en
payer le prix devant le juge répressif. Mrme s'il est admis que le droit
pénal n'a qu'une vocation subsidiaire, il est souhaitable que
pour assurer l'égalité de tous devant la peine, le droit
pénal commun s'applique chaque fois qu'un régime
spécifique ne paraît pas justifier l'efficacité de la
répression. Or le régime spécifique de droit pénal
économique ne semble pas efficace face à la délinquance
des pouvoirs privés économiques.
Il a été démontré que les
règles formelles, en l'occurrence la personnalité de la peine, ne
permettaient pas la répression effective des pouvoirs privés
économiques, véritables mosaïques de sociétés
disposant chacune de la personnalité juridique. On est donc ici en face
d'un être économique qui a plusieurs visages juridiques, ce qui
lui permet de maitriser son « risque pénal » tout en tirant
une plus-value de l'activité criminelle de son entité juridique
délinquante.
Les pistes d'une adaptation pouvant permettre de pallier cette
déficience sont nombreuses. Au-delà de la complicité qui
peut toujours être établie pour passer outre le principe de la
personnalité de la peine et remonter au centre de décision en
retenant la responsabilité pénale du groupe, le juge
répressif dispose d'autres techniques. C'est ainsi, peut-il faire
recours à la mise en oeuvre du recel pour punir les vrais responsables
de la délinquance économique. Par exemple dans le cas des
infractions commises par des filiales, la
responsabilité du centre de décision, la
maison-mère qui contrôle la filiale, pourrait être retenue
sur le fondement de recel de produit d'XQeIiQIIrFtERQ. ,CrifeléP
RQtréaXe les rJeQte économiques sont des êtres rationnels
et P ri IP IsrMXIV,ITO Q'rJBM-QtMXFIXIDWJriQs SERIL sont supérieurs au
cRMXQeTFRQGrP Qr11RQ.12 UESrrRDMIKIrOWIlM JrRXSIVS1XCeQt, après une
analyse économique du coût et des gains de leurs actions ou
omissions, commettre des délits ou des crimes tout en exposant
pénalement la filiale, mais en tirant un avantage plus grand dans le
cadre du groupe. 2 Q SRXrrrLSIIQPRegi IP Sall'XQ JIRXS11qXESrr XQe1110rlD
située sur un marché dominé par un concurrent, choisit de
porter atteinte à la structure du marché en procédant
à des pratiques de prix non conformes aux usages de commerce et
constituant des P R\1Qs d'rttrrFtiRQ et de SIgrtERQ.E,CEI'rJ Dilà 3- la
pratique des prix abusivement bas SIRsFIEMSrMrLIFlD11. 420-5 du Code de
commerce: « sont prohibées les offres de prix ou pratiques de
prix de vente aux consommateurs abusivement bas par rapport aux coûts de
production, de transformation et de commercialisation, dès lors que ces
offres
RXE SrDtiqXIsERntE SRXrERbjItERXE SIXYIntEDYRirE
SRXrEIffItEO'pliminer O'XnE P DEFNpERX E OUI P Sr PNILEOfDccpOI1E1 EX(E P
DUNpEX(IEIQrI SLisIERXElIX(EOIEIIiE STROXli* ». On se rend compte que
par une filiale, un groupe peut par des pratiques peu orthodoxes évincer
son concurrent du marché et y régner en position de monopole. Le
droit de la concurrence saisit mieux cette stratégie des pouvoirs
privés économiques que le juge pénal à travers la
répression de la revente à perte136. Le droit
pénal quant à lui réprime également de tels
agissements qui tombent sous le coup des dispositions pénales, mais ne
tient pas compte de la destination des profits de cette pratique
délictueuse. Les profits tirés de telles activités sont
constitutifs de bénéfice de la société qui est
redistribué par la suite aux actionnaires en terme de dividendes. La
maison-mère qui, en pratique, donne les ordres et définit la
politique économique du groupe, donc de ses entités, recueille
donc sous forme de dividende le fruit C'XQPrFUllieliliFtXEXsIU
Au lieu de poursuivre la filiale délinquante, on se
rend compte que la mise en cause du centre de décision pour recel est
possible, prr XQe11QtIISIItrtERQ d QrP iqXe de l'article 321-1 du Code
pénal qui dispose : « le recel est le fait de dissimuler, de
détenir ou de transmettre
XnIEFNRII,ERXEOIEfDirIERfficIEO11ntI1 P pOlaire afin de la
transmettre, en sachant que cette
136 $ IQsi, eMrSXQi3srEOBr reNFQt14 SIDI dHSIRdXit SrE XQe
FIQtrrlW31rFKrt à NINIUrlOEs, F11st ce qui a
été retenu par la Chambre criminelle de la CRXr 11Frs4r11RQ,:3rQs
l'rFIrRI Drrty dX 21 jXin 1993, où elle a approuvé la
CRXMrSSHX113rIB qXIrvrit rFjefé l'rrJXP eQtrtlRQ d'XQeIFeQerlDEIrFKrt
qXi IMP rBMXMIQtlKiF\iRQ 1111rMlQt14 S1131 Qe11Xi erit Srs rSSaFrE0111s
lRUeqXegileffllQ3r13Y une autre société du même groupe.
Crim., 23 juin 1993, Bull., n° 219 (2) (cassation partielle)
chose provient d'un crime ou d'un délit Constitue
également un recel le fait, en connaissance de cause, de
bénéficier, par tout moyen, du produit d'un crime ou d'un
délit Le recel est puni de cinq ans et de 375 000 euros d'amende
». La mise en oeuvre stricte de cette incrimination dans les groupes
de sociétés aura pour effet de remonter aisément au centre
de décision et engager la responsabilité pénale du groupe.
L'expression « en connaissance de cause » ne ferait aucun
obstacle dans l'administration de la preuve dans la mesure où, par
hypothèse, la politique du groupe est élaborée par le
centre de décision du groupe. Une fois encore l'exemple des
multinationales est saisissant. Prenant l'exemple de l'affaire Shell dont la
filiale nigériane était poursuivie devant le juge
répressif nigérian pour complicité de graves violations de
droit de l'Homme avec l'Etat nigérian (la firme avait été
innocentée par la justice nigériane), on se rend compte que les
profits générés par cette activité fortement
contestée servant de base à des violations de droits de l'Homme
reviennent à la maison-mère sous forme de dividende. Une analyse
et application stricte du texte sur le recel permettrait de mettre en cause le
centre de décision pénalement.
On se rend compte qu'avec les moyens de droit pénal
général, le juge répressif pourrait aisément
réguler les pouvoirs privés économiques, mais à
conditions que les obstacles tenant à la forme s'estompent un peu et que
le ministère public s'y implique comme c'est le cas en matière de
fraude aux financements public.
|