Chapitre II : Le recentrage du droit pénal
économique face aux pouvoirs privés économiques.
Les développements ci-dessus ont
révélé l'affaiblissement de l'ordre public pénal
dû à sa capture par les pouvoirs privés économiques
et son inadaptation à réguler le marché au moyen de ses
mécanismes traditionnels. Le droit pénal à l'état
actuel est d'une utilité limitée pour dissuader les acteurs
délinquants du marché. #172;~ l'épreuve des agents
privés de la mondialisation, il est un outil, parmi tant d'autres, de
dissuasion et de prévention contre le développement de la
délinquance transnationale, mais son efficacité est
grippée par ses contradictions internes. L'inadaptation de certains de
ses principes directeurs et la concurrence des autres systèmes de
sanction jugés plus efficaces sont autant d'éléments
militant en faveur de son recentrage. L'efficacité affichée des
autres modes de sanction (dommages et intérêts punitifs et amendes
pénales) est à relativiser dans la mesure où, ce sont les
détenteurs d'actions ou les consommateurs qui assument les frais des
condamnations records auxquelles sont condamnées les grandes
entreprises. La dissuasion pénale demeure donc utile, mais pour
être efficace, le droit pénal devrait se recentrer.
Afin de faire face aux nouveaux défis que sont la lutte
contre l'impunité organisée des pouvoirs privés
économiques à l'échelle transnationale et la
rééquilibrage des rapports entre les valeurs marchandes et celles
qui ne le sont pas, le droit pénal pourrait tirer avantage des
engagements et des failles de la soft Law, des techniques
d'organisation du marché pour se refaire un nouveau visage et renforcer
son efficacité sans trop bouleverser ses fondements. Puisque
l'intériJt que le droit pénal protège dépasse les
frontières, la norme pénale devrait aussi en tenir compte. Les
agissements inadmissibles des acteurs du marché obligent le droit
pénal à renoncer à l'approche auto-centrée qui
limite son champ d'application à la seule protection des
intérêts protégés nationaux. La preuve en est que la
répression pénale effective des agents privés
économiques par l'application des règles nationales aboutit
rarement au prononcé d'une sanction pénale. S'il est admis que
l'incrimination et la sanction remplissent une fonction d'intimidation en ce
sens qu'elles assurent la prévention de certains comportements, la
rareté des poursuites tend, avec d'autres facteurs, à ruiner
l'effet dissuasif escompté et à dévaloriser le droit
pénal comme outil de régulation des acteurs du marché
global.
Ainsi qu'il a été démontré,
à l'épreuve des pouvoirs économiques, le droit
pénal se revigorerait en s'accentuant sur la répression des
infractions graves, révélatrices de fraudes,
qui mettent en cause la pérennité du
marché et les valeurs auxquelles le marché doit se soumettre.
C'est en revigorant donc les catégories telles la complicité, le
recel que l'ordre public pénal pourrait avec ses moyens actuels
réprimer efficacement les fraudes imputables aux pouvoirs privés
économiques. Il en sera ainsi en matière de répression
effective de toutes les infractions graves (section I) et d'atteintes aux
intérêts publics (section II).
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