La problématique de l'Autre comme Infini dans la philosophie d'Emmanuel LEVINAS( Télécharger le fichier original )par Charles NDUMBI KABOYA Université Saint Augustin de Kinshasa - Graduat 2009 |
CHAPITRE DEUXIEME : L'ALTERITE COMME DESIR METAPHYSIQUEII.0. IntroductionD'entrée de jeu, après avoir amplement parlé de l'Autre comme Infini, nous nous proposons, dans ce deuxième chapitre de notre travail, de parler de l'Altérité comme désir métaphysique. Cependant, qu'en est-il de l'Altérité et du désir métaphysique ? Telle est la problématique soulevée de ce deuxième chapitre qui aura cinq points à savoir : Désir métaphysique, Désir comme transcendance, Intentionnalité comme philosophie de la totalité, L'ontologie comme négativité de l'altérité, L'altérité comme nécessité et une petite conclusion pour tout condenser. II. 1. Désir métaphysiqueDans Totalité et Infini, Lévinas pense que « le désir métaphysique n'aspire pas au retour, car il est désir d'un pays où nous ne naquîmes point. D'un pays étranger à toute nature, qui n'a pas été notre patrie et où nous ne nous transporterons jamais. Le désir métaphysique ne repose sur aucune parenté préalable. Désir qu'on ne saurait satisfaire ».34(*) Car, nous savons que la métaphysique en soi ne consiste pas à avoir de simples opinions, elle progresse de façon méthodique et s'attelle à une harmonisation d'idées d'après l'ordre des raisons. C'est ainsi que ce désir métaphysique tend vers tout autre chose et son analyse habituelle ne saurait avoir raison que dans sa singulière prétention. Ce désir reprend la visée de l'évasion qui surgit et qui se tient dans la tension entre existence au monde et la vraie vie absente. Il est tourné vers cet ailleurs ou autrement. L'autre n'est pas un besoin à satisfaire. Ce besoin est effectivement le premier mouvement du Moi vers l'Autre. Lévinas n'est pas d'accord lorsqu'on cherche à concevoir le besoin comme un vide, comme privation. C'est ainsi qu'il établit une nette différence entre besoin et désir. Il dit que « dans le besoin, je puis mordre sur le réel et me satisfaire assimiler l'autre. Dans le désir, pas de morsure sur l'être, pas de satiété, mais avenir sous jalons devant moi. C'est que le temps que suppose le besoin m'est fourni par le Désir. Le besoin humain repose déjà sur le désir. Le besoin a ainsi le temps de convertir cet autre en même, en travaillant »35(*). C'est par le désir qu'Autrui est rencontré, un désir insatiable, inassouvissable d'un absolument autre toujours en deçà du désirable ; c'est le désir de l'étranger, de l'altérité inaliénable qui est Autrui, c'est l'ouverture vers le transcendant. Il ne faut pas confondre le désir de Lévinas à celui de HEGEL où l'autre se présente comme élément de mon identification. Il n'est reconnu que pour être exploité, pour le nier et l'assimiler à soi dans le processus d'auto-compréhension de l'esprit absolu. Celui de Lévinas par contre, est la voie de la rencontre de l'autre en tant qu'autre. C'est ce que Jacques DERRIDA exprime en disant qu'il s'agit « d'un désir qui ne cherche pas à être reconnu comme Même, mais qui cherche l'autre afin de le reconnaître »36(*). C'est donc « le besoin de l'autre » qui distingue le désir de Lévinas à celui de HEGEL où l'autre apparaît comme la négation du même. Comme nous l'avons dit, Autrui n'est pas un besoin qu'on peut satisfaire ; il est grâce à l'infini qu'il évoque par son visage, comme désir. Je désire autrui non parce que je cherche quelque chose qu'il pourra bien combler, mais parce que l'altérité d'autrui me vient d'une dimension de la hauteur. Métaphysiquement désiré, Autrui n'est pas un objet comme un pantalon que je porte, ni la boisson ou la nourriture que je mange. Ce désirable doit être exclusivement infini et doit se placer toujours à une position de grandeur pour que le désirant lui soit soumis. C'est ainsi que PANGADJANGA écrira : « si le désirable du désir est infini, il est clair qu'il ne peut se donner comme fin. L'infini suscite le désir et ne peut être atteint comme une fin, en raison précisément de son infinitude »37(*). Au premier chapitre, nous avons reconnus dans le visage d'Autrui une ouverture possible au transcendant. Le visage de l'autre est transcendance. Le désir d'autrui que Lévinas appelle désir métaphysique est la voie préconisée pour aller vers le transcendant. C'est ce que PANGADJANGA affirme lorsqu'il écrit : « l'épiphanie de l'autre dans le visage constitue un désir qui me mène vers le transcendant »38(*). Ces derniers temps, les gens ont compris qu'une expérience aiguë de l'humain enseigne que les pensées des hommes sont portées par les besoins qui expliquent l'existence de la société et de l'histoire, et que la faim et la peur peuvent avoir raison de toute résistance humaine et de toute liberté. Cette liberté consiste, souligne Lévinas, « à savoir ou avoir conscience en péril. Mais savoir ou avoir conscience c'est avoir du temps pour éviter et prévenir l'instant de l'inhumanité : c'est cet ajournement perpétuel de l'heure de la trahison - infirme différence entre l'homme et le non-homme - qui suppose le désintéressement de la bonté, le désir de l'absolument Autre ou la noblesse, la dimension de la métaphysique »39(*). Somme toute, ce vers quoi porte le désir insatiable n'est rien d'autre qu'autrui qui apparaît dans le visage. Ainsi, autrui est le lieu de la vérité métaphysique. Car, l'apparition même d'autrui dans son visage est indispensable dans mes rapports avec Dieu. Qu'en est-il alors pour le désir comme transcendance ? * 34 T.I., p. 22. * 35 Ibid., p.121. * 36 B. FORTHOMME, Une philosophie de la transcendance, Paris, Pensée Universelle, 1979, p. 85. * 37 PANGADJANGA, Op. Cit., p. 271. * 38 Ibid., p.317. * 39 T.I., p.23-24. |
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