La problématique de l'Autre comme Infini dans la philosophie d'Emmanuel LEVINAS( Télécharger le fichier original )par Charles NDUMBI KABOYA Université Saint Augustin de Kinshasa - Graduat 2009 |
II.2.Désir comme TranscendanceLa problématique de la transcendance demeure, depuis toujours, une des préoccupations qui ont intéressé les philosophes. Lévinas est du nombre, car, la transcendance constitue un des points culminants de sa philosophie. D'après le dictionnaire petit Robert, la transcendance est définie comme le caractère de ce qui s'élève au-dessus d'un niveau donné, ou au-dessus d'un niveau moyen. Dans le parlé de Lévinas, « le mouvement de transcendance se distingue de la négativité par laquelle l'homme mécontent, refuse la condition où il est installé et prône ce travail qui, non seulement transforme le monde, mais aussi prend appui dans celui-ci parce qu'il le transforme »40(*). Nous pensons ici que tout homme ne cherche pas à rester statique sans rien faire, à moins qu'il soit « l'homme de Ngaba »41(*). Au risque de nous répéter, Lévinas conçoit la transcendance comme synonyme d'extériorité. C'est un mouvement du Moi qui va vers l'Autre, une sortie de l'ordre de l'être, une ouverture originelle du pour-soi et pour-autrui. A la suite de Lévinas, le professeur Stany KANGUDI Kabwatila nous dit que « le sujet transcendantal est un principe formel qui, au fond, n'a pas d'altérité. L'intersubjectivité lui est intérieure et l'obligation envers autrui se justifie avant tout comme obligation à l'égard, en d'autres mots comme une cohérence intime avec sa propre nature intersubjective. La rationalité de la norme assure l'autonomie du sujet dans l'obéissance au devoir éthique »42(*). La transcendance présente le paradoxe d'une relation avec ce qui est séparé. Elle est une façon pour le distant de se donner. Par ailleurs, les philosophes modernes ont semblé lui donner un autre sens. D'après eux, la transcendance ne consiste pas en une définition de la dimension du réel qui dépasse la vie intérieure : elle accompagne la naissance de la subjectivité humaine. En fait, elle exprime la capacité du sujet à prendre distance à l'égard de toute réalisation effective pour s'affirmer comme pure liberté ou pour renvoyer à la puissance du sujet de s'accomplir dans l'histoire au travers de ses oeuvres. Elle trouve son principe dans l'idée de l'identité de l'être, et donc dans l'ontologie. Pourtant, le philosophe de la responsabilité pour autrui, s'inscrit sur des options autres que celles des modernes. Car il repense la transcendance comme étant le sens même de l'humain. Elle surgit dans le contexte de la question à l'Autre et sur l'Autre. « Pour qu'une véritable transcendance soit possible (...) il faut que l'autre concerne le moi, tout en lui demeurant extérieur. Il faut surtout que par son extériorité même - par son altérité - l'autre fasse sortir le moi de soi »43(*). La transcendance ne naît pas de la relation intersubjective inscrite dans le registre où le moi prévaut sur l'Autre. « Cette transcendance est vivante dans le rapport à l'autre homme, c'est-à-dire dans la proximité du prochain dont l'unicité et, par conséquent, l'irréductible altérité seraient encore ou déjà méconnues dans la perception qui dé-visage autrui »44(*). Parce que l'Autre est plus que ce qu'il donne à la perception de sorte que tout rapport avec lui est totalement différent de l'expérience au sens sensible du terme. La transcendance est à rechercher dans les dimensions de l'humanité de l'homme car, capable de désintéressement et de vigilance extrême envers son prochain, l'absolument autre, l'homme est responsable. En ce sens, la transcendance ne peut, dès lors, être éprouvée que comme une mise en crise de la subjectivité, qui se trouve en face de l'autre qu'elle ne peut contenir mais à qui et de qui elle doit répondre. Eu égard à ce qui précède, disons que la transcendance s'effectue à partir de la relation horizontale avec Autrui, relation à partir de laquelle Dieu se révèle tout en étant caché. Mais elle n'implique pas pour autant que l'autre homme est Dieu, ni que Dieu est un grand Autrui, le transcendant. Ce qui fait que poser le transcendant comme étranger et pauvre, c'est s'interdire à la relation métaphysique avec Dieu de s'accomplir dans l'ignorance des hommes et des choses. La dimension du divin s'ouvre à partir du visage humain. Une relation avec la transcendance - cependant libre de toute emprise du transcendant - est une relation sociale. C'est là que le Transcendant infiniment Autre, nous sollicite et en appelle à nous. « La proximité d'Autrui, la proximité du prochain, est dans l'être un moment inéluctable de la révélation d'une présence absolue (c'est-à-dire dégagée de toute relation) qui s'exprime »45(*). Qu'en est-il alors de l'intentionnalité comme philosophie de la totalité ? * 40 Ibid., p.30. * 41 L'homme de Ngaba : c'est celui qui n'a pas de temps à mener des réflexions pouvant l'aider à, non seulement aller de l'avant, mais aussi à rendre son milieu vivable. Celui qui ne fait pas des réflexions approfondies et de longue haleine. Il se contente seulement de ce qu'il trouve et ne cherche pas à transcender son monde. * 42 S. KANGUDI, L'éthique comme philosophie de la transcendance chez Emmanuel LEVINAS in Revue Philosophique de Kinshasa, 2003, Vol. XIV, n°25-26, p.12. * 43 A.T., p.12. * 44 Ibid., p.133. * 45 T.I., p.76. |
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