La problématique de l'Autre comme Infini dans la philosophie d'Emmanuel LEVINAS( Télécharger le fichier original )par Charles NDUMBI KABOYA Université Saint Augustin de Kinshasa - Graduat 2009 |
III.3. Justice dans la relation avec AutruiLe dictionnaire universel nous définit la justice comme une vertu morale qui réside dans la reconnaissance et le respect des droits d'autrui. Elle peut aussi être entendue comme principe de modération, d'harmonie et d'épanouissement des relations interpersonnelles et sociales ; cela spécialement lorsqu'il apparaît que le tiers est menacé de violence et de haine par l'autre. La justice dans la relation avec l'autre doit être une justice qui tient compte de l'autre, une justice qui nous invite à la gratuité, c'est-à-dire à une approche de l'autre sans attendre remerciement. Le « Je » développe plutôt la notion de responsabilité face à Autrui. Il se reconnaît lui-même comme l'unique et seul élu pour la responsabilité d'Autrui sans pour autant supprimer l'atermoiement de l'acte charnel. La justice doit plus prôner la dignité humaine. « Oui, puisque la justice le rend `autre parmi les autres', autre comme les autres. Autrui pour qui je suis aussi le tiers est assigné pour sa part envers les autres à un extraordinaire engagement qui en appelle, dit Lévinas, `au contrôle, à la recherche de la justice, à la société et à l'Etat, à la comparaison et à l'avoir, à la pensée et à la science, et au commerce et à la philosophie, et, hors l'anarchie, à la recherche d'un principe »63(*). La justice est une des conditions premières pour que toute forme de miséricorde, de piété et de responsabilité ne se convertisse pas en une nouvelle violence exercée sur Autrui. S'approcher d'Autrui, c'est accepter de prélever sur son propre compte la nécessaire matérialité qui symbolise une proximité bien réalisée. Ce qui cause l'agression au sujet, c'est moins la présence d'autrui dans son indigence que le continuel dénuement d'un Moi qui est soumis à une épreuve d'une bonté refusée à celui ou celle qui réclame justice. Dans la justice collective, nous nous rendons compte que les lois de toute cité s'érigent sur la base de droits et de libertés octroyés aux citoyens. Ces derniers sont moralement responsables de répondre à la déliquescence universelle des lois. Cela se fait par la mise en oeuvre d'une charité personnelle et contingente. Est reconnu moralement responsable tout être qui soumet la liberté de sa propre conscience à l'autorité d'une loi qui entrave hic et nunc l'approche effective du prochain. Dans une communauté, la justice a sa raison d'être. La nécessité de la justice dans la communauté vient de son intervention dans la relation à trois ; ce qui engendre l'impossibilité d'établir une relation d'unique à unique, de face-à-face avec la multiplicité humaine. La justice implique nécessairement un ordre moral. Le Moi fait justice pour harmoniser sa relation avec la multitude d'autrui surtout dans le cas où le tiers est violenté. De ce qui précède, Lévinas affirme que la « `justice' s'applique beaucoup plus à la relation avec le tiers qu'à la relation avec autrui. Mais en réalité la relation avec autrui n'est jamais uniquement la relation avec autrui : d'ores et déjà dans autrui le tiers est représenté »64(*). Le bien d'Autrui incombe au sujet responsable, alors que, celui-ci décline toute responsabilité à l'égard de son semblable. En ce sens je suis responsable d'autrui sans attendre la réciproque. La responsabilité du sujet dans la justice à l'Autre, c'est la capacité que le sujet peut avoir afin d'offrir sa propre humanité comme un support à l'insupportable de la vie de l'Autre. La justice n'est pas à appliquer directement dans la relation avec Autrui, car ce dernier est le prochain avec qui je développe plus une relation de responsabilité. De là, nous pouvons dire que la relation avec Autrui ne laisse pas vraiment intervenir la notion de la justice au sens strict du mot. La reconnaissance de la supériorité de l'Autre et de notre responsabilité en face de lui impliquent l'obligation que nous avons de souhaiter son bien et donc de le servir, non pas seulement puisque son bien peut - comme dans une rencontre de type intersubjectif - promouvoir en retour notre bien, mais aussi puisque le bien de tout homme quel qu'il soit, à la réalisation duquel nous participons, concourt au bien de tout homme et par là, au bien de l'humanité entière65(*). * 63 S. PLOURDE, Emmanuel Lévinas. Altérité et responsabilité, Paris, Cerf, 1996, p.111. * 64 D.D.V.I., p.132-133. * 65 Cf. M. MBAMBI Monga, Science moderne et morale in Revue Philosophique de Kinshasa, vol. VI, p.25. |
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