La problématique de l'Autre comme Infini dans la philosophie d'Emmanuel LEVINAS( Télécharger le fichier original )par Charles NDUMBI KABOYA Université Saint Augustin de Kinshasa - Graduat 2009 |
CHAPITRE TROISIEME : L'AUTRE ET MOI DANS L'ESPACE SOCIO-POLITIQUE CONGOLAISIII.0. IntroductionDans ce troisième et dernier chapitre de notre travail, nous parlerons de l'Autre et le Moi tels qu'ils vivent dans l'espace socio-politique congolais. Certes, le problème éthique est au centre de cette relation, voire aussi la justice qui doit intervenir à presque tous les niveaux. Pour ce, il sera subdivisé en six points qui sont : la méconnaissance de l'autre, la mort d'autrui, la justice dans la relation avec autrui, la responsabilité personnelle et justice sociale, l'éthique en rupture du politique et enfin politique ou animalité. Et une conclusion partielle pour donner l'idée générale du chapitre. III.1. La méconnaissance de l'AutreLa philosophie de l'altérité ne cherche pas à connaître l'Autre, elle cherche plutôt à le reconnaître tout en sachant qu'il est mon maître, mon supérieur, celui à qui je dois du respect. A cet effet, Fred Poché ajoute qu' « autrui se tient toujours au-delà de l'image que je m'en fais (...) Il ne s'agit plus de connaître Autrui, mais de le reconnaître »59(*). Le virus congolais est de ne pas reconnaître l'Autre en tant que tel, le réduire à l'image qu'on peut se faire ; ceci renvoie à ce que Lévinas appelle essentialisme60(*). L'Autre n'est pas pris en tant qu'autre, en tant que singularité. Il est un autre moi-même, méconnu dans son altérité, bafoué et même foulé au sol. Le Moi n'attend de l'autre qu'un oui pour atteindre ses fins. L'Autre n'a pas droit de dire non, il n'oppose pas ce Moi tel que prôné par la philosophie de l'altérité. Il imagine un quelque chose qu'il nomme « autre » qui, cependant, n'est pas celui qui doit venir d'une dimension de hauteur. En République Démocratique du Congo (R.D.C.), le Moi croit posséder le monopole du monde. Ainsi, l'Autre ne fait que subir ses caprices comme esclave qui obéirait à son maître. Alors que l'autre doit, au contraire, être une nécessité comme mentionné au deuxième chapitre de notre travail, dans le lieu entre Moi et l'Autre. « L'exigence ne jaillit pas de Moi, de mon intériorité, mais de l'autre qui m'interpelle, me convoque, m'oblige. (...) autrui n'a pas d'identité définie, son visage n'a pas de forme. Il s'agit du `premier venu'. On pense sa hauteur, son éminence à la lumière de sa ressemblance avec Dieu »61(*). Voilà ce qui nous pousse à parler de la mort d'Autrui et la ruine du visage. III.2. La mort d'Autrui et la ruine du visageLe visage se montre non plus comme lieu de rencontre de l'Autre, mais devient un simple fruit de représentation lorsque le Moi enraciné dans la totalité, ignore de gré que l'Autre est à ses côtés ; lorsqu'il menace Autrui et que ce dernier ne peut plus rien. Nous pouvons dire en partant de la méconnaissance de l'Autre que ce dernier est presque mort dans l'espace socio-politique congolais ; il y a un paradoxe de l'agir politique en matière de l'Autre : le Moi prend les armes pour sauver l'Autre et le même Moi recourt aux armes pour tuer l'Autre. Lévinas pense que « le visage s'impose à moi sans que je puisse rester sourd à son appel, ni l'oublier »62(*). Devant un visage, je suis appelé à répondre d'un ordre. Voir un visage signifie autrement écouter les supplications d'un pauvre, d'un étranger, d'un autre. La question serait de savoir où serait le visage dans l'espace politique congolais ? Le Moi se détourne de toute responsabilité du visage. Ainsi dépouillé de sa forme, le visage se trouve dans sa nudité. Il est une misère. La nudité du visage est dénuement et déjà supplication dans la droiture qui me vise. Toutes ces affirmations peuvent trouver place à travers les personnes abandonnées à leur sort ; en occurrence les enfants de la rue, les fonctionnaires de l'Etat impayés, les enseignants et surtout toute personne victime des violences ou guerres en R.D.C. Alors comment pouvons-nous nous comporter envers Autrui ? * 59 F. POCHE, Penser avec Arendt et Lévinas. Du mal politique au respect de l'autre, Lyon, Chronique Sociale, 1998, p.87. * 60 Essentialisme : Le fait de réduire un être humain à l'identité de son groupe d'appartenance. Or, chez Lévinas, l'autre ne se réduit jamais à l'image que je m'en fais, il est toujours radicalement autre. * 61 F. POCHE, Op. Cit., p.89. * 62 H.A.H., p... |
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