Section É : La faute du banquier
C'est comme une inexécution ou une mauvaise
exécution de l'obligation de conseil qu'on va définir la faute
contractuelle du banquier. Sur quoi porte cette inexécution ou cette
mauvaise exécution ?
Disons tout de même que l'inexécution de
l'obligation de conseil ne sera fautive en cas fortuit ou de force majeur. Le
cas fortuit ou la force majeure, dans ce cas, est soumise au droit commun des
contrats. Elle doit être extérieur et imprévisible mais
surtout irrésistible.
De ce fait subsiste alors la question de savoir qu'elle est
la faute du banquier. C'est la question que nous allons traiter ici (§1).
Mais une fois la définition de la faute du banquier traitée, il
nous faut s'interroger sur la question de la preuve de cette faute qui recouvre
un intérêt pratique particulier (§2)
§1 : La définition de la faute du
banquier
Plusieurs réponses peuvent être apporté
au regard de la jurisprudence en la matière.
Si le banquier était tenu d'une obligation de
résultat, la faute sera établie dès lors que le
résultat n'aura pas été atteint.
Par contre si le banquier n'était pas tenu d'une
obligation de résultat mais d'une simple obligation de moyens, il faudra
donc démonter sa violation.
Cette preuve peut être rapportée par tout moyen.
Il peut s'agir :
? d'un manquement à l'obligation d'informer sur les
risques encourus par les opérations initiées par le
client32.
? d'un manquement à l'obligation d'informer sur
l'obligation de constituer une couverture33.
? d'un manquement à l'obligation de
loyauté34.
De même, il y aura faute du banquier lorsque celui-ci
ne donne aucun conseil et garde le silence. C'est l'hypothèse la plus
courante.
A titre d'exemple on peut citer l'arrêt du 27 juin
199535. Dans cette affaire, la première chambre civile
souligne la faute de la banque pour n'avoir pas mis en garde le client
emprunteur sur les risques de l'emprunt et finalement pour avoir gardé
le silence.
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32 Cass. com. 5 novembre1991 BANQUE POPULAIRE DE LOIRE
ATLANTIQUE.
33 Paris 1ere chambre A. 24 septembre 1991
GIORDANO/FINACOR.
34 Cass. com. 27 mai 1997, SA PREGEST/AGENCE
JUDICIAIRE DU TRESOR.
35 Cass. civ 1ere, 27 juin 1995, Bull civ.,
I, no 287; JCP.ed.E., II, 652 note Legeais (D) ; RTD.civ.,. 1996, p
385.
En d'autre terme, la faute du banquier peut subsister lorsque le
banquier a donné un conseil. En effet la responsabilité du
banquier sera admise en premier lieu lorsque le conseil est incomplet. Ainsi,
dans un arrêt daté du 23 février 199336, le
banquier est condamné pour ne pas avoir averti son client des risques
inhérents aux opérations. Le conseil avait un objet très
précis. Le conseil lorsqu'il est incomplet, permet donc de
caractériser une faute du banquier. En second lieu, le banquier sera
fautif lorsque le conseil qu'il donne est inexact, que la solution
proposée par le banquier fait courir trop de risque. A titre d'exemple,
l'arrêt du 12 novembre 199837 sera à cet
égard significatif. Dans cette affaire, la Cour d'appel entre en
condamnation alors que la banque avait bien conseillé son client. Elle
lui avait indiqué de conclure des contrats de change à terme.
Mais cette solution était trop risquée et il existait d'autres
solutions moins risquées. Le conseil inexact est donc une faute de la
banque.
L'absence de conseil, le conseil incomplet ou inexact
entraîne la mise en jeu de la responsabilité de la banque. En
résumé on peut dire que le banquier commet une faute chaque fois
que son comportement n'a pas donné au client l'opportunité
d'éviter les risques liés à l'opération
envisagée.
§2 : La preuve de la faute du banquier
En effet il appartient au client de rapporter la preuve de
l'existence d'une obligation de conseil à la charge du banquier, mais
c'est au banquier débiteur du conseil de rapporter la preuve de
l'exécution de cette obligation. Mais aussi importante que ce soit
l'évolution de la jurisprudence ne saurait au nom de la justice
contractuelle, placer le professionnel banquier dans une situation
d'infériorité par rapport au client. C'est pourquoi le banquier
conserve la faculté de rapporter par tous les moyens, la preuve de
l'exécution de son obligation de conseil. Une fois la preuve de la
transmission du conseil rapportée, le créancier de l'obligation
de conseil, le client peut démontrer alors la faute du banquier dans la
détermination du conseil.
Depuis quelques années, la Cour de cassation a
cerné de toute part les débiteurs de l'obligation de conseil que
ce soit dans le domaine bancaire et
autres. Ainsi concernant la profession médicale dans un
arrêt en date du 25 février 199738, la Cour de
cassation a affirmé que : « celui qui est
légalement ou contractuellement tenu d'une obligation d'information doit
rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation » Dans
un autre arrêt rendu le 29
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36 Cass. com., 23 fevr. 1993, Bull.civ,IV,no
68 ;D 1993, Jur, p.424, note Najjar (I.); RJDA. 8-9/93 NO 708.
Rtd-com.1993p.557
37 Montpellier, 12 nov 1998, JCP. ed. E., 2000
panorama rapide, p. 391 : Banque et droit 1999, p28, note De Vauplane
38 Cass. civ. 1ere, 25 fevr. 1997, JCP. ed . G-1997,
I; no 4025, no 07, obs. viney (G) ; Petites
affiches, 16 juillet 1997, p.17
avril 199739 concernant un avocat, la Cour de
cassation a appliquée le principe en précisant à cette
occasion que c'est le débiteur d'une obligation de conseil
qui supporte la charge de la preuve. Un renversement de la charge
de la preuve est à opérer dans cette jurisprudence par rapport
à l'article 9 alinéas 1 du Code des obligations civiles et
commerciales qui prévoit que : « celui qui
réclame l'exécution d'une obligation doit en prouver
l'existence ». Cela s'explique que le demandeur c'est-à-dire
le client dans notre étude devrait alors prouver un fait négatif,
ce qui n'est pas facile. En d'autre terme, le créancier de l'obligation
de conseil, spécialement quand il est professionnel comme le banquier,
est plus à même de prouver qu'il a correctement
exécuté son obligation. Etant donné la
généralité des termes employés à tous les
créanciers de l'obligation de conseil et donc au banquier, cette
jurisprudence semble applicable. Par cette occasion, un arrêt en date du
9 décembre 199740 est venu reconnaître que le
banquier devrait prouver l'exécution de son obligation de conseil en
matière de souscription d'un contrat d'assurance.
Au terme de ces conclusions, on peut affirmer que la faute
du banquier sera caractérisée chaque fois que le banquier n'a pas
adopté une attitude ou n'a pas fait éviter au client les risques
d'une opération. C'est au banquier d'apporter la preuve de
l'exécution de son obligation et donc de son absence de faute. Une fois
la faute du banquier établi, il reste au demandeur pour engager la
responsabilité du banquier, de prouver l'existence d'un préjudice
et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice.
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39 Cass. civ 1ere, 29 avr. 1997, Bull.
civ., I, no 132.
40 Cass. civ. 1ere, 9 dec. 1997, Bull.
civ., I, no 356.
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