Partie É : Les contours de l'obligation de
conseil du banquier
Il s'agira dans cette première partie de parler des
mesures de l'obligation de conseil du banquier. Cela va être une tache
difficile à réaliser pour des raisons diverses. L'obligation de
conseil est insaisissable car c'est une obligation prétorienne.
De ce fait c'est à la volonté des espèces
que l'obligation de conseil est apparue. C'est donc une sorte de panorama
très impressionniste, il faut alors s'en éloigner pour le
distinguer et en comprendre la portée. Il faut examiner les
décisions de la jurisprudence sans se laisser égarer par l'une
d'elle et ne pas confondre décision d'espèce et courant
jurisprudentiel.
D'autre part s'il ne fait aucun doute que l'obligation existe,
les décisions de la Cour de cassation sont très peu rares et
souvent implicite. Se pose alors le problème d'interprétation.
Comment parvient-on à délimiter les contours de l'obligation de
conseil ? Le parallélisme avec le tableau permet de le savoir.
En effet puisque de par les contours on pourra mesurer la
surface d'un terrain, il en va de même ici. Si on trouve le fondement de
l'obligation de conseil (Chapitre ²), cela nous permettra de mesurer
l'étendue de l'obligation de conseil du banquier (Chapitre
²²).
Chapitre ² : Le fondement de l'obligation de
conseil du banquier
L'importance dans la recherche du fondement de l'obligation
de conseil peut s'apprécier à deux niveaux.
Tout d'abord, c'est de ce fondement que va dépendre la
sanction. Si l'obligation de conseil du banquier peut être
considéré comme un devoir contractuel c'est alors la
responsabilité délictuelle du banquier qui sera mise en jeu. A
l'inverse, ça sera la responsabilité contractuelle du banquier
qui sera mise en jeu. En effet même si c'est là l'aspect le plus
intéressant, chercher le fondement de l'obligation de conseil, c'est
déterminer, par contrecoup, qui est le créancier de l'obligation
de conseil. Ainsi si l'on conçoit l'obligation de conseil comme une
obligation contractuelle, alors dans ce cas seul le cocontractant sera
créancier de l'obligation de conseil. Dans le cas contraire, si
l'obligation de conseil est légale, alors tous les sujets de droit
pourront se prévaloir à l'encontre du banquier de l'obligation de
conseil.
Il serait nécessaire pour cela de rattacher l'obligation
de conseil à l'exercice de sa profession. C'est alors dans l'article 118
du Code des obligations civiles et commerciales que se trouvera le fondement de
l'obligation de conseil du banquier.
On voit ainsi que la réponse à la question du
fondement de l'obligation de conseil du banquier peut être examiné
en deux parties. L'obligation de conseil peut être une obligation
contractuelle (Section ²).On peut aussi l'examiner sous l'angle d'une
obligation professionnelle (Section ²²).
Section É : L'obligation contractuelle de
conseil du banquier
La répétition étant
pédagogique, il faut encore dire que l'obligation de conseil est apparue
au gré des espèces. C'est d'abord l'étude ou l'examen de
la jurisprudence qui montre le rattachement de l'obligation de conseil au
contrat (§1). Mais comment ce rattachement est-il possible alors
même que les parties n'ont pas voulu cette obligation ? Il faudra
alors dans ce cas examiner la justification de ce rattachement (§2).
§1 : Le rattachement de l'obligation de conseil au
contrat
Pour les juges, l'obligation de conseil est une obligation
contractuelle autrement dit une obligation qui prend naissance dans le contrat
conclu entre le banquier et son client. Ainsi un certains nombre de
décisions vont dans ce sens. Il en est ainsi à titre d'exemple
l'arrêt du 5 Novembre 1991, dit arrêt « Buon »,
rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation6. Il
s'agissait dans cette affaire, un contrat de dépôt conclu entre la
banque Populaire Bretagne Atlantique et Mr Jacques Buon. En effet Mr jacques
Buon pratiquait par le biais de la banque des opérations
boursières et spéculait de manière constant sur le cours
de l'or. Ces opérations spéculatives n'ont pas donné les
résultats escomptés autrement dit elles se sont soldée par
des pertes. De ce fait la banque a alors réclamé Buon le
règlement du solde débiteur de son compte de dépôt
de titres. A cet effet le tribunal de grande instance et la Cour d'appel ont
accueilli la demande de la banque et ont refusé d'engager la
responsabilité de la banque pour avoir manqué à son
obligation de conseil.
Néanmoins, la Cour de cassation casse l'arrêt de la
Cour d'appel et au visa de l'article 7 du code des obligations civiles et
commerciales, décident que « quelles que soient les
relations contractuelles entre un client et sa banque, celle-ci a l'obligation
de l'informer des risques encourus dans les opérations
spéculatives sur le marché à terme ». Ainsi donc
on voit bien que l'obligation de conseil est rattachée au contrat de
dépôt de titre.
En d'autre terme la Cour de cassation précise encore
que cette obligation existe quelles que soient les relations contractuelles
entre le client et sa banque, c'est dire ainsi que même si le contrat ne
le prévoit pas de manière spéciale, le banquier est tenu
d'une obligation de conseil envers son client. Cette solution se retrouve dans
diverses hypothèses. Il en est à titre d'exemple en
matière d'octroi de crédit. En effet l'exemple le plus
significatif est l'arrêt du 27 Juin 19957 rendus par la
première chambre civile de la Cour de cassation. Cette dernière,
dans cette affaire, décide que le banquier est tenu, outre les
obligations qui pèsent sur lui, d'une obligation de conseil envers
..................................
6 Cass.com, 5 nov.1991, RJDA 1/92, no 68; Quot. jur.21
janv.1992, p.6; RTD com.1992.436, no22; Bull. Joly, 1993.292.
7 Cass.civ.1ere, 27 juin 1995, Bull.civ. I,
no 287; J.C.P. éd.E. II ? 652, note Legeais (D.); R.T.D.civ.,
1996, p.385
l'emprunteur, son cocontractant. Par là aussi c'est le
contrat qui permet de découvrir une obligation de conseil à la
charge du banquier. Même si la Cour de cassation ne se
réfère pas aux règles régissant le contrat, on ne
saurait dire ici que c'est une obligation de conseil qui est en cause. En effet
la Cour de cassation se réfère le plus souvent à
l'obligation des prêteurs envers l'emprunteur, autrement dit à
l'obligation du contractant envers le cocontractant. Le problème
était de savoir si le prêteur devait avertir l'emprunteur sur les
risques qu'il courait en souscrivant le contrat de prêt. Cet arrêt
qui, pour la 1ère fois reconnaît l'obligation de
conseil du prêteur envers l'emprunteur lors de l'octroi de crédit
a été plusieurs fois réaffirmé dans son principe
depuis lors.
C'est ainsi que dans un autre arrêt du 23 Juin
19988, la Cour de cassation confirme l'arrêt de la Cour
d'appel qui avait condamné un crédit bailleur sur le fondement de
l'article 63 alinéa 2 du Code des obligations civiles et commerciales
pour n'avoir pas déconseillé aux cautions débitrices de ne
pas prendre un tel engagement.
Ainsi si l'on constate que le rattachement au contrat de
l'obligation de conseil ne renferme aucun doute, il est néanmoins
important de se demander la question de savoir comment la Cour de cassation
peut alors même que le contrat ne prévoit pas d'obligation de
conseil à la charge du banquier, l'imposer malgré les termes du
contrat.
§2 : La justification du rattachement du devoir de
conseil au contrat
Ca sera une question classique que nous nous essayerons de
nous poser ici. En effet, comme toutes les obligations d'information et de
conseil que le juge à dégagées depuis très
longtemps, la première fois à propos d'un vendeur de bicyclettes.
L'interrogation s'articule dans les termes suivants : Quelle est le
fondement de cette obligation de conseil contractuelle, accessoire à
l'obligation principale du contrat ? Diverses réponses ont
été apportées par la doctrine. Du point de vue du courant
de l'autonomie de la volonté, ces obligations de conseil qui ont
été découvertes par la jurisprudence sont l'expression
implicite des cocontractants : les parties ont voulu l'obligation
principale, certes, mais cela ne les empêchent pas de vouloir en
même temps les obligations accessoires de conseil et d'information.
Dés lors que les obligations contractuelles ne trouvent leur source que
dans la volonté des parties il ne peut en être autrement.
C'est alors par une interprétation du contrat que le juge
les met en lumière. Cette théorie demeure critiquable dans la
mesure où des textes l'ont démenti. D'abord on estime que
« les conventions s'exécutent de bonne foi ».
Ensuite l'article 103 al 1 COCC dispose que « En l'absence de
volonté exprimée, le
..................................
8 Cass.com, 23 juin 1998, Bull.civ., IV,
no208 ; J.C.P.éd.E., 1998, p. 1831, note Legeais (D.)
contrat obligent à toutes les suites que la loi, les
usages, la bonne foi ou l'équité donnent à l'obligation
d'après sa nature ».
D'après ce qui suit on se rend compte alors que les
conventions obligent à ce que les parties ont consentis mais aussi
à ce qu'imposent la bonne foi, l'équité et la loi.
En effet les théoriciens de l'autonomie de la
volonté pensent que la bonne foi et l'équité ne doivent se
comprendre qu'à la lumière de la volonté des parties. Mais
cette position semble être un chemin de plusieurs obstacles tant sur le
plan de la théorie que sur le plan de la pratique jurisprudentielle.
Dés lors donc, concevoir que les parties ont
véritablement voulus l'obligation de conseil apparaît de
façon délicate. En effet partons de ce constat tiré du
livre « Traité du droit civil : Les conditions de la
responsabilité » sous la direction Ghestin, ces
volontés sont soient inexistants soient non concordantes. Le banquier
veut réaliser le plus de bénéfice possibles. De ce fait il
doit vendre des services, comment envisager alors qu'il veuille conseiller le
titulaire d'un compte à ne pas utiliser des services qui pourront
être préjudiciables pour le client ?
De même une autre remarque visant à rejeter la
position des théoriciens de l'autonomie de volonté est valable.
La remarque sera fondée sur la pratique jurisprudentielle. En effet
partons de cet arrêt rendu par la Cour de Cassation, certaines
idées vont marquer nos esprits.
Ainsi dans l'arrêt Buon, la Cour de Cassation vient
reconnaître une obligation de conseil à la charge des banquiers
« quelques soient les relations contractuelles » entre le
client et sa banque. L'obligation de conseil est donc reconnue en
l'espèce et cette reconnaissance est indifférente à la
relation contractuelle qui existe entre le client et sa banque.
Des lors on peut ne plus soutenir l'idée que l'obligation
de conseil trouve sa source dans la volonté des parties.
Cela est confirmé par plusieurs arrêts rendus par la
Cour de Cassation.
Le contractant est donc créancier de l'obligation de
conseil mais est-il le seul créancier de cette obligation de
conseil ? Pour prétendre à une réponse affirmative,
il faut reconnaître à la charge du banquier une obligation de
conseil liée à l'exercice de sa profession.
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