Conclusions et recommandations
Bibliographie
Plan détaillé
Principales abréviations
INTRODUCTION
Généralement il est admis que l'argent, s'il
ne fait pas le bonheur, il y contribue. Mais très souvent, dans
l'imagerie populaire, il est admis que c'est un véhicule de
liberté.
Ces dictons, s'ils sont stéréotypés,
recouvrent une part de vérité. L'argent est un bien
précieux et pour le moins nécessaire dans notre
société puisqu'il permet non seulement de faciliter les
échanges mais surtout de satisfaire une grande partie des besoins. Or
cet argent, nous le plaçons dans les banques autrement dit nous le
confions au banquier qui se voit investit d'une mission importante
c'est-à-dire d'une obligation trop lourde.
Cependant, la préciosité de son outil de
travail amène- t- il le banquier à prendre en charge les
intérêts de ces clients ?
En d'autres termes, cela entraîne- t- il à la
charge du banquier une obligation de conseil ? L'obligation de conseil
d'une manière générale oblige une personne à
prendre en charge les intérêts d'une autre et à l'orienter
vers un comportement conforme ou identique à ses
intérêts.
Le banquier est tenu d'une telle obligation lorsque le contrat ne
le prévoit.
Mais peut-on imposer une telle obligation lorsque le contrat ne
le prévoit pas ? Il nous faut alors revenir sur les
différents faits qui ont marqué, selon nous la genèse de
cette obligation avant de voir comment la jurisprudence a reconnu une telle
obligation de conseil du banquier.
Depuis plusieurs années les activités
financières et bancaires se sont grandement développées.
Désormais presque tous les individus disposent des comptes bancaires.
De plus, les investisseurs financiers sont devenus de plus en
plus fréquent : pour financer un bien mobilier, immobilier
etc....
De telles opérations sont nombreuses et techniques. La
démocratisation de l'activité bancaire et financière et,
parallèlement, le caractère complexe de cette activité,
ont fait que les clients de la banque ont découplés leurs
attentes. Ils ne peuvent plus se contenter des missions classiques de la
banque. Le banquier ne se contente plus de recevoir des fonds du public,
d'octroyer des crédits et de fournir des moyens de paiement. En partant
de l'évolution de leurs activités et des attentes de la
clientèle, le banquier a multiplié ses activités de
conseil.
Le développement de ces opérations a même
pris tant d'ampleur que des études ont été vouées
à ce seul sujet. C'est ainsi qu une loi du 24 janvier 1984 en France a
pris acte de cette diversification en reconnaissant, parmi les
opérations annexes que le banquier peut accomplir à titre
habituel, les activités de conseil en matière d'investissement et
de gestion du patrimoine. Il y a alors dorénavant des contrats qui ont
pour objet le conseil du banquier plus communément appelés
contrat de conseil. Il ne faut cependant pas confondre ces contrats de conseil
conclus par le banquier et son client avec l'obligation de conseil du banquier.
L'obligation de conseil du banquier est une obligation accessoire à
l'obligation principale du contrat. L'obligation de conseil vient se greffer
sur l'obligation principale mais ne doit pas être confondue avec elle.
Prenons l'exemple de la convention de compte de dépôt de titres.
Le banquier s'engage à garder les titres. Il ne s'engage pas à
conseiller le client sur ces investissements. Pourtant il devra en principe
conseiller au client de ne pas investir sur le marché à terme,
dans la mesure ou il existe des risques liés à ces
opérations.
On voit bien que l'obligation de conseil n'est que l'obligation
accessoire du contrat.
Précisons dés maintenant que nous
n'étudierons dans le cadre de l'obligation de conseil du banquier, que
l'obligation de conseil accessoire et non pas l'obligation de conseil objet du
contrat passé entre le banquier et son client. En effet les deux
obligations se distinguent non seulement dans leur nature (accessoire et
principale) mais aussi dans leur finalité.
L'obligation de conseil du banquier accessoire est l'oeuvre de la
jurisprudence pour rétablir l'équilibre entre le banquier et son
client alors même que l'obligation contractuelle de conseil est une
prestation de service vendue par le banquier à son client. Il n y a donc
que très peu de rapports entre les deux et une analyse ou étude
d'ensemble serait un non sens.
Si les deux obligations de conseil ne se confondent pas, il y a
cependant, indéniablement des liens entre les deux. En effet, en
multipliant ses activités de conseil, c'est la figure même de la
profession bancaire qui a été changée. De
« récepteur des fonds du public », le banquier est
devenu un interlocuteur privilégié de ces clients, intervenant
sur de multiples sujets, guidant leurs intérêts, etc. Dés
lors il deviendra difficile de cloisonner les missions : le client dans
toutes ses opérations bancaires, veut obtenir les conseils de son
banquier, en qui il a toute confiance, que le contrat le liant à
celui-ci ait pour objet un conseil ou non.
Il existe donc de manière intrinsèque dans la
profession de banquier, une mission de conseil.
Mais de la mission à l'obligation de conseil il y a un pas
qu'on ne peut pas franchir.
En effet même si le terrain a été bien
préparé pour une reconnaissance de l'obligation de conseil du
banquier et en même temps du fait que certaines lois soient silencieuses
sur le point de savoir si le banquier était tenu ou non d'une obligation
de conseil, une telle consécration était possible juridiquement.
Ainsi, par un mouvement continu qu'il est inutile de retranscrire, la Cour de
cassation est venue pour remédier au déséquilibre
contractuel, imposer une obligation de conseil aux parties au contrat.
Chaque fois qu'un déséquilibre existe entre deux
contractants, la partie la plus forte économiquement et techniquement
est débitrice envers la plus faible d'une obligation d'information ou de
conseil.
Tout cela a favorisé l'avènement d'une obligation
de conseil à la charge du banquier. Cependant la Cour de cassation n'a
reconnu explicitement l'existence d'une obligation de conseil que très
rarement. On peut citer à cet égard, l'arrêt du 27 Juin
1995 rendus par la première chambre civile. Dans cette affaire, la Cour
décide que « la présentation d'une offre
préalable ne dispense pas l'établissement de crédit de son
obligation de conseil à l'égard de l'emprunteur ». De
même, un autre arrêt en date du 5 Novembre 1991², la Cour de
cassation (chambre commerciale) casse l'arrêt d'une cour d'appel pour
avoir décider qu'un compte de dépôt de titres
« n'impose aucune obligation de conseil à la charge du
banquier ». Le principe de cet arrêt a été repris
plusieurs fois.
Devant une jurisprudence si pauvre, plusieurs auteurs4
rejettent l'existence même de l'obligation de conseil à la charge
du banquier. Mais, ce serait faire là une erreur.
En effet, plusieurs arguments en la faveur d'une telle
reconnaissance apparaissent comme inébranlables. D'abord, la Cour de
cassation a plusieurs fois reconnu l'existence de cette obligation de conseil
comme nous l'avons déjà vu. De plus, on trouve aussi pas mal
d'arrêts qui reconnaissent de manière implicite une obligation de
conseil à la charge du banquier mais qui ne sanctionne pas directement
sur ce fondement où rejette la demande.
Il en est par exemple l'arrêt du 8 Juin 19945
qui vient sanctionner le fait pour la banque d'avoir contracté un
prêt trop coûteux à son client et ne pas l'avoir
déconseillé finalement de ne pas contracter.
Cet arrêt est d'autant significatif que la banque fasse
valoir qu'il n'existait pas d'obligation de conseil à la charge de
l'établissement de crédit. Alors si la reconnaissance de
l'obligation de conseil est implicite, elle n'empêche pas l'étude
de l'obligation de conseil du banquier.
De plus, si la loi bancaire n'aborde pas le problème
de l'obligation de conseil, l'usage vient appuyer une telle reconnaissance.
..................................
1Cass .civ.1ere, 27 juin 1995, Bull.
civ. , I , no J.C.P. ed. E.,II, 625 note Legeais; R.T.D . civ., 1996
p. 385
2 Cass.com, 5 nov 1991, RJDA 1/92, no
68 ; Quot. Jur. 21 janv. 1992, p.6; RTD com. 1992-436, no 22;
Bull. Joly, 1993.-292
3Cass.com.,2nov.1994,R.J.D.A.1/95,no31;voir
aussi. :Cass.com.10 dec 1996.D.Affaire1997,1997,p.108 ;Qot
jur.,no15,20 fevr 1997,p.3,note J.P.D ,cahoter question du
patrimoine,sept -dec 1997,p.20,des Lucas (F.-X);Bull. Joly Bourse
1997.p.205,note De Vauplane (H.)
4Voir par exple: RIVES-LANGES (J.-L) et
CONTAMINE-RAYNAUD (M.) Droit bancaire, Dalloz, 6eme ed ;Gaurio (A.), Le
prêteur est-il tenu réellement d'une obligation de conseil envers
le particulier emprunteur
5Cass.civ 1ere, 8 juin 1994, Bull.civ.,
I,no 206 J.C.P.ed-E.,1995,II,652,note legeais (D.); RD bancaire et
bourse,1994,no 44,p.173 des crédit (F.) et Gérard
(Y.)
Ainsi, le banquier, comme tout professionnel est tenu de se
soumettre aux règles de bonne conduite, à s'enquérir de la
situation financière de ses clients, de l'expérience de ses
clients en matière d'investissement mais surtout de l'objectif de ses
clients en ce qui concerne les services demandés et à leurs
communiquer les informations utiles. Le banquier se voit alors investit d'une
obligation de conseil.
Enfin, il nous semble que les arguments des opposants de
l'obligation de conseil ne sont pas décisifs. On a ainsi pu
écrire qu'il s'agissait en fait d'une obligation de mise en garde.
Selon nous c'est avoir alors une vision trop restrictive de
l'obligation de mise en garde. La mise en garde, en effet n'est qu'un conseil
négatif.
Il ne saurait faire de doute en effet que lorsqu'on met en garde
une personne contre une certaine attitude, on lui conseille la plus grande
prudence.
Un autre argument repose sur le fait que l'obligation de conseil
est contraire au devoir de non-ingérence. Il n'est pas non plus
convaincant. En effet, si l'obligation de conseil peut marquer un recul du
devoir de non-ingérence, il n'est pas pour autant incompatible avec
celui-ci. En effet, le conseil ne fait que suggérer une décision
au client et non pas remplacer la décision du client.
Malgré tout, les débats relatifs à
l'existence et à la reconnaissance de l'obligation de conseil doivent
susciter en nous une interrogation. Si la reconnaissance de l'obligation de
conseil est incontestable, les silences de la Cour de cassation, le faible
nombre d'arrêts de cassation jettent le trouble dans les esprits. Ainsi,
on est amené à se poser la question de la réalité
de l'obligation de conseil. En effet si sa reconnaissance formelle ne laisse
aucun doute, quelle est son envergure, la place qui lui est
réservée dans la responsabilité du banquier ? Cette
question est intéressante dans la mesure où elle nous permettra
de dégager le rôle assigné par la jurisprudence à
l'obligation de conseil du banquier. Est-il une arme entre le banquier et son
client ou n'est-il qu'un correctif, ne sanctionnant que les négligences
du banquier ?
Elle permettra aussi de clarifier et de synthétiser une
jurisprudence dispersée et ainsi de fixer les conditions dans lesquelles
l'obligation de conseil est due et peut être sanctionnée.
Cela pourra constituer une réponse aux demandeurs qui
recherchent, de plus en plus nombreux, la responsabilité du banquier sur
ce fondement.
C'est donc un panorama de l'obligation de conseil que nous
nous proposons de dresser.
Pour cela, il faut prendre les mesures de l'obligation de conseil
c'est-à-dire en délimiter les contours (Partie ²).
Cependant même si l'étendue l'obligation de conseil est grande,
son efficacité passera par sa mise en oeuvre (Partie
ÉÉ).
En effet, si l'objet du conseil est restreint ou les conditions
de responsabilité appréciées trop
sévèrement, la réalité de l'obligation de conseil
sera mise en cause.
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