Dans son article publié, intitulé « Le
management responsable », l'auteure Dontenwill (2005) a
identifié trois (3) faiblesses importantes au niveau de la
théorie des parties prenantes. Une première limite, qui est
anthropocentrée, risquant de sous-estimer le volet environnemental. La
plupart des définitions de la notion partie prenante, où
désigne « tout groupe ou tout individu qui affecté ou
est affecté par le projet », visent l'identification
10 Tiré de l'ouvrage « Mettre en pratique le
développement durable » et utilisé au sens d'un compromis
entre la génération présente et les
générations futures ». Dubigeon, Paris, Éditions
Village Montréal, 2002, p-7.
uniquement les parties prenantes humaines. Le volet
environnemental du concept de développement durable n'est
représenté que par un nombre restreint d'organismes de
défense de l'environnement (Starik, 1995). L'auteur propose donc
d'étendre la définition des parties prenantes : « toute
entité naturelle qui affecte ou est affectée par le projet »
puisque l'on exclut souvent les parties prenantes non humaines.
Une deuxième limite, qui est firmocentrée,
risquant de biaiser le périmètre de la prise en compte des
questions de développement durable au niveau des entreprises. Cette
approche pose un problème d'incompatibilité avec la vision
surplombante qu'appelle le développement durable (Dontenwill, 2005).
Une troisième limite qui fait mention de l'état
de faiblesse éthique et par
conséquent d'instrumentalisation du
développement durable. L'auteur oppose dans ce cas une approche
pragmatique, fondée sur la théorie des parties prenantes et une
approche éthique ou morale fondée sur le principe de
responsabilité. Pour Dontenwill, l'approche parties prenantes, en tant
qu'approche contractualiste est
dépourvue de fondements éthiques car la
dimension morale est faible dans les
contrats11. Or cette
dimension est présente dans la notion de développement
durable. L'idée qui est très contestée
puisque Freeman et Gilbert, dans leur ouvrage Corporate Strategy and the Search
for Ethics (1988), tentent de montrer que non seulement business et
éthique ne sont pas contradictoires mais ils sont indissociables.
Les études de Raynaud en 2004 ont
démontré également que la théorie des parties
prenantes souffre un manque d'opérationnalité pour arbitrer dans
l'esprit du développement durable. La théorie des parties
prenantes, en tant que théorie permettant d'opérationnaliser le
concept de développement durable, peut culbuter
11 Synonyme « entente » « convention »
« protocole » « lettre d'entente » « mémoire
d'entente » « protocole d'entente ». Il atteste un consentement
entre des parties à assujetir volontairement à certaines
obligations et à bénéficier d'une contrepartie qu'elles
estiment favorables (Beaumier, 1996).
sur son anthropocentrisme, son « firmo-centrisme »
et sur un risque d'instrumentalisation.
Développer un ensemble d'actions possibles de
développement durable consiste à assurer la responsabilité
économique de son activité, tout en ayant un rôle
significatif voire positif dans la société et en
protégeant la biosphère, indispensable à la survie de
l'espèce humaine. Ce concept englobant, universel n'offre pas en son
état un cadre conceptuel suffisant pour intégrer le
développement durable dans les entreprises, a rapporté la
professeure Dontenwill(2005).
Néanmoins, la théorie des parties prenantes
permet en effet d'introduire par le biais du concept même « partie
prenante » les intérêts économiques, sociaux et
environnementaux et par conséquent de retrouver à
l'échelle de l'entreprise les trois (3) objectifs du
développement durable indissociables : respecter l'environnement
physique, améliorer l'équité sociale et
améliorer l'efficacité économique. Enfin, sur
l'articulation entre approche instrumentale et approche éthique qui
suscite de controverses parmi les scientifiques, il semble qu'il s'agit bien
d'un concept d'intention apportant malheureusement une contribution modeste
voire médiocre.
CHAPITRE 4 : UN SURVOL DANS LA LITTÉRATURE
SCIENTIFIQUE SUR LA GESTION DE PROJET
La gestion de projet devient un domaine de connaissances
nouveau. Elle est devenue très complexe voire exigeante, comparativement
il y a plus de deux décennies. Dans une large mesure, la réussite
des projets d'aujourd'hui nécessite non seulement un
développement accéléré de techniques et outils,
mais également d'habiletés de gestion et de communication, afin
de maîtriser cette nouvelle discipline. D'où le défi actuel
de la profession de gestion de projet.
4.1.- Définition (s)
Dans le petit Robert, un « projet » se
définit comme étant : « tout ce que nous avons
l'intention de faire ou de réaliser ». Cette définition
ne correspond que partiellement à la définition donnée
généralement au terme projet dans les ouvrages
spécialisés en gestion. Selon Pierre Ménard (1995) une
définition de projet est donc « un ensemble d'activités
interdépendantes qui mènent à la livraison d'un produit ou
d'un service clairement identifié et généralement dans un
contexte de temps et de ressources limitées ». O'Shaughnessy
(1992) l'a défini lui-même comme suivant « un projet est un
processus unique de transformation de ressources ayant pour but de
réaliser d'une façon ponctuelle un extrant spécifique qui
répond à un ou plusieurs objectifs précis, à
l'intérieur de contraintes budgétaires, matérielles,
humaines et temporelles ». Ayant un objectif précis, il est
divisible en sous-tâches qui doivent être réalisées
pour atteindre cet objectif. Sa complexité implique que ces sous-
tâches doivent être coordonnées et contrôlées
au niveau échéancier, de préséance, de coûts
et performance. Le projet lui-même doit souvent faire l'objet d'une
coordination avec d'autres projets de l'entreprise. La gestion de projet est
l'application de connaissances, de compétences, d'outils et de technique
aux activités du projet afin d'en respecter les exigences (Guide PMBOK,
2004). Elle est accomplie par l'application et l'intégration des
processus de management de projet groupés en : processus de
démarrage ; de planification ; d'exécution ; de surveillance et
de maîtrise ; et de clôture. La
gestion de projet est aujourd'hui devenue un domaine
professionnel et scientifique à part entière et distinct de la
gestion traditionnelle. Ce nouveau paradigme est fondé sur deux (2)
hypothèses selon PMBOK (2004):
· La gestion de projet est différente de la
gestion d'activités continues en raison des caractéristiques
particulières des projets. Il s'agit d'activités non
répétitives et planifiées sur une période de temps
limitée.
· La même approche générale peut
être utilisée pour tout projet, quelque soit le domaine
d'application.
Quant à Ménard, la gestion de projet est
« une façon la plus efficace d'organiser le travail pour en
arriver aux résultats désirés ou exigés par un
client. Elle est donc un outil utile pour tous et applicable par tous
». Le développement de ce nouveau paradigme est
étroitement associé à la naissance en 1969 du «
Project Management Institute », association internationale regroupant les
professionnels et académiciens qui oeuvrent dans la gestion de projet
(Cadieux, 2005). Dans le référentiel Project Management Institute
(2004), la gestion de projet se définit comme étant : «
L'art de diriger et de coordonner les ressources humaines et matérielles
tout au long du cycle de vie d'un projet en utilisant des techniques de gestion
modernes et appropriée pour atteindre des objectifs
prédéterminés «... ».
· D'envergure du produit ou service;
· De coûts;
· De délais;
· De qualité;
· De satisfaction du client et des participants.
Dans ce contexte, le chef de projet est responsable de
l'atteinte de ces objectifs. La qualité d'un projet va dépendre
du bon équilibre entre trois (3) facteurs, dont le contenu, le
délai et le coût. Un projet de haute qualité donne un
livrable ou un résultat exigé et respecte « cette triple
contrainte ». La relation entre ces facteurs précédemment
cités est telle que si l'un d'eux varie, il affectera vraisemblablement
au moins l'un des deux autres. Même si un
estimé de coûts du projet est établi,
alors le coût réel de celui-ci ne sera connu qu'après la
fin des travaux. Le développement d'un projet a toujours des
incertitudes, compte tenu de son caractère original et unique de
celui-ci. Pour un projet ayant été conçu dans le but de
reduire les pertes agricoles par hectare dans une région, la
rentabilité d'un tel investissement ne serait alors connue
qu'après un certain nombre d'années. Il est donc évident
que le degré de succès d'un projet est fonction de celui onbtenu
lorsque les objectifs de celui-ci ont été atteints
entièrement.
4.2.- Évolution de la gestion de projet 4.2.1.-
Évolution
Même si le domaine de la gestion de projet n'a vraiment
pris son essor comme discipline distincte que depuis ces 25 dernières
années, il n'en demeure pas moins que des projets de même de
taille ont été réalisés depuis des temps
immémoriaux et que ceux-ci ont dû être gérés.
Citons par exemple le projet de construction de la pyramide de CHEOPS en
Égypte, qui date deux mille ans avant notre ère. Cette
construction a toutes les caractéristiques d'un mégaprojet
actuel, a souligné12 :
· hauteur de 138 mètres; base de 227 mètres
de côté;
· deux (2) millions de bloc de pierre de plusieurs
tonnes;
· durée de 20 ans;
· impliquant 40,000 personnes pour la construction et plus
de 100,000 pour la carrière et le transport.
L'analyse de ce projet porte à croire comment
était complexe sa gestion, compte tenu de l'énormité des
problèmes de logistique sur le chantier d'une telle envergure, ainsi que
des réalisations. Puisque, le chef du projet ne possédait pas
à l'époque les techniques et outils dont on dispose
d'aujourd'hui. Mais, en revanche, il n'était pas soumis aux mêmes
contraintes :
12 Cité par Pierre Cadieux. Synthèse et
compilation de notes de cours « La gestion de projet et son contexte
». UQAR, automne 2005.
· Son environnement était stable et peu
générateur d'incertitude;
· Comme la construction d'une pyramide débutait
à la naissance de Pharaon dont elle devait éventuellement abriter
la dépouille, les délais ne représentaient pas une
contrainte critique;
· Les ressources étaient quasi-illimitées.
Les taches étaient en majeure partie réalisée par la main
d'oeuvre servile constituée d'esclaves, ce qui assurait sa
quantité et sa docilité et le client contrôlait toutes
matières premières requises.
Aujourd'hui, il est devenu certes beaucoup plus exigeant
d'exercer la profession de gestion de projet, comparativement il y a deux
décennies. En effet, il est possible d'identifier plusieurs raisons
selon les auteurs (O'Shaughnessy, 1992 p-15 et 16 ; Ménard, 1995
p-27).
· En raison des conditions économiques, les
objectifs de délais et de coûts sont devenus très critiques
dans la plupart des cas;
· La spécialisation et la complexité des
technologies ont entraîné l'apparition d'une multitude de nouveaux
intervenants et de nouvelles disciplines que le gestionnaire de projet doit
réussir à coordonner de façon efficace sans souvent
lui-même posséder les connaissances techniques requises;
· Les réglementations de toute nature
(environnement, travail...) se font de plus en plus envahissantes;
· Le chef de projet n'a très souvent aucune
autorité légale sur les ressources qui interviennent dans le
projet;
· L'environnement est de plus en plus instable et source
d'incertitude ;
· Les valeurs de la société moderne
entraînent la formation de groupes de mieux en mieux organisés qui
opposent de plus en plus leurs droits et privilèges aux
intérêts des projets.
· Les clients sont de plus en plus avertis et exigeants.
Les parties prenantes sont de plus fortes.