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Comment intégrer les Questions d'environnement et de développement durable dans l'ensemble des méthodologies de la gestion de projet. Une démarche conceptuelle orientée vers un modèle de planification de projet basé sur l'Approche Cadre Logique.

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par Jean Gynse Bolivar
Université du Québec à  Rimouski - Maà®trise en gestion de projet 2008
  

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3.3.2.- Limites et dérives du concept

Comme pour tout concept, le développement durable a aussi des limites. En effet, la société capitaliste, dans laquelle nous sommes, a su redistribuer les dividendes de la production à l'économie (sous la forme de réinvestissements) et au social (la hausse du niveau de revenu des salariés) pendant toute son existence. La balance entre ces deux pôles s'est réalisée au gré des diverses luttes sociales et des convictions politiques des dirigeants. Une question s'impose: comment prendre en compte l'environnement dans cette balance alors que l'équilibre entre le social et l'économique est déjà actuellement dans une impasse?

Le concept de développement durable peut dériver vers d'autres concepts et modèles (Serge Latouche, 1989; André Comte-Sponville, 2006). À ce propos, ils ont rapporté plusieurs remarques importantes. Ici pour ce travail, nous les groupons en huit (8) rubriques, ce qu'ils ont présentées et argumentées:

· Le concept de développement durable peut aussi dériver vers une vision malthusienne de notre société. Ces auteurs, à travers leurs études, se demandent, pourquoi les pays riches, maintenant développés, imposeraient-t-ils aux pays en voie de développement une vision limitative de leur développement ? Le concept est bon, ses objectifs louables, mais il sert peut-être à justifier une politique protectionniste de certains pays qui craignent une trop grande concurrence. En pratique, les pays développés ne se privent de commercer avec la Chine, l'Indonésie et le Brésil, malgré les risques de dérive de leur empreinte écologique.

· Un deuxième risque est celui d'une communication mal équilibrée. Soit la communication ne serait pas suivie d'actions, dans le domaine de l'innovation par exemple, et l'entreprise se fragiliserait par rapport à ses concurrents plus importants. Soit au contraire la communication dévoilerait trop d'informations, confidentielles. Dans les deux cas, la cohérence de l'organisation et la compétitivité de l'entreprise en pâtiraient dans le contexte de la révolution Internet.


· Un troisième risque est celui d'une dérive vers les modèles de durabilité faible, c'est- à-dire admettant la substitution du capital naturel par un capital de connaissances. Ce modèle est celui des organismes nord-américains particulièrement les États-Unis d'Amériques, surtout au niveau fédéral ou de leurs ramifications mondiales. Ce risque se traduit par la constitution de réseaux d'innovation pilotés en dehors du continent européen qui risqueraient de déstabiliser les institutions européennes et les États de l'Union européenne, telles que la recherche, les universités, ...).

· Un quatrième risque, plus pernicieux encore, est souligné par le philosophe français André Comte-Sponville (2006). Celui-ci craint que l'éthique d'entreprise criée haut et fort dans les colloques, au nom de l'intérêt de l'entreprise ne masque en réalité le manque d'une morale plus large. En pratique, la fluidité des flux d'informations et financiers de la mondialisation aboutit à une multiplication des investissements étrangers qui sont non contrôlés. Cela risque de court-circuiter les actions coordonnées européennes, dans le domaine politique et juridique en particulier, du fait de biais culturels et de rigidités administratives des États. En 2006, le philosophe français Comte-Sponville en a conclu à la nécessité d'une morale dépassant le cadre de l'entreprise. Une réorganisation du droit paraît en outre nécessaire.

· Un cinquième risque vient de l'accaparement, par les puissances qui maîtrisent les technologies de l'information, des procédures de normalisation et de régulation internationaux. De ce fait, les plus riches risquent d'imposer un modèle qui aboutit de fait à une répartition encore plus injuste des savoirs, et par conséquent des ressources naturelles. Les sociétés développées ont favorisé la mise en oeuvre d'un groupe de logitiels dits « Open source » pou réduire ce risque.

· Un sixième risque est que les critères d'évaluation soient mal équilibrés et croisés entre l'environnement, le social, et l'économique, ou bien la mise en oeuvre de modèles globaux biaisés. Ce qui nous dirige vers une sorte d'utopies et de certaines formes d'idéologies. Par exemple, le biais environnemental peut masquer d'autres carences.


· Un septième risque est que le label « développement durable » soit récupéré pour

appuyer de plus en plus de politiques ou d'actes n'ayant aucun rapport avec la notion même, ou s'y rattachant d'une façon très superficielle. Par exemple, le « tourisme durable », application au tourisme du concept de développement durable, a tendance à être un tourisme d'élite qui, au nom du respect de l'environnement, dresse une barrière sociale en augmentant le tarif des séjours afin de « préserver l'environnement », oubliant le volet social.


· Enfin, un huitième risque est que les analystes financiers chargés d'évaluer les rapports de développement durable des entreprises ne disposent de la formation nécessaire sur les concepts de développement durable, et qu'ils ne disposent pas des outils d'analyse, d'où un manque de structuration.

3.4.-Les problèmes autour de l'intégration de l'environnement et du développement durable au sein d'une entreprise

Formé historiquement comme un projet politique, le développement durable a également émergé comme projet managérial dans de nombreuses entreprises au fil des années. La demande en matière d'évaluation de performance environnementale dans les milieux d'affaires n'a cessé cependant de s'accroître ces dernières années (Guay, 2004). Cette situation traduit l'intérêt et les préoccupations du public en général, des gouvernements et des entreprises pour un meilleur développement des projets et programmes. La plupart des bilans environnementaux ont été produits dans la foulée du rapport Brundtland qui recommandait de faire de la protection de l'environnement une priorité internationale (ONU, 1988). Ces bilans environnementaux s'inspirent généralement du modèle pression-étatréponse utilisé pour les examens des performances environnementales9. Ce modèle comporte des lacunes importantes, notamement pour la représentativité à divers niveaux de perception. Il repose sur la notion de causalité : les activités humaines exercent des

9 Tiré du livre de Guay et al. (2004), publié sur le Développement durable. Il s'agit d'un modèle ou cadre conceptuel utilisé pour les examens des performances environnementales des pays de l'OCDE.

pressions sur l'environnement et modifient la qualité des ressources naturelles. La société répond à ces changements en adoptant des mesures de politiques d'environnement, économiques et sociales (OCDE, 1994).

Quoiqu'il y ait plusieurs similarités dans la réalisation des bilans environnementaux, il n'existe aucune normalisation des méthodes utilisées, ni du choix des indicateurs pris en compte ou de modèles de structurations des rapports sur le développement durable (Guay et al., 2004, p-201). Les efforts pour le respect de l'environnement varient d'une entreprise à l'autre et les bilans environnementaux quant aux activités se prêtent peu aux comparaisons. L'idée d'une convergence entre économie et environnement est, aujourd'hui, largement acceptée au sein du monde des affaires. La variable environnementale se range au niveau des éléments contraignants pour une majorité de dirigeants d'entreprises ou de chefs de projets (Walley, 1994). La quête de l'excellence durable est devenue un veritable credo pour de nombreuses firmes qui cherchent à exercer un leadership dans leurs domaines de production. Rapporté par le chercheur Éric Persais (2004), la déclaration de B. Collomb est significative de cette évolution des mentalités, lorsqu'il a souligné : « La performance environnementale et sociale vient appuyer et renforcer la performance économique ». Une situation qui fait naître un débat permanent entre consultants, auditeurs et certificateurs qui évaluent la performance sociétale des entreprises, labellisent des produits éthiques et proposent leurs offres de conseils. Le chef de projet responsable doit évaluer toute décision à l'aune de ces trois performances sans en privilégier aucune : la performance économique, la performance environnementale et la performance sociétale. Dans plusieurs études scientifiques, il a été rapporté que leur juxtaposition ne va pas de soi et se trouve au centre des grands débats quant aux problèmes de l'intégration des questions d'environnement et de développement durable dans les grandes décisions stratégiques (Lauriol et al., 2003).

À cette aune, le projet managérial du développement durable présente deux caractéristiques principalement : il concerne potentiellement tous les domaines d'activités de l'entreprise - la stratégie générale, la communication, la gouvernance d'entreprise, la

conception de produits, les activités productives, etc. - ; il repose sur la promesse d'un capitalisme oeuvrant à sa réconciliation avec l'ensemble de la société en faisant siennes les préoccupations de cette dernières comme la responsabilité environnementale et l'équité sociale au sein du processus de développement économique.

3.5.- Les fondements théoriques de notre refléxion : l'approche des parties prenantes

L'étude des phénomènes organisationnels, en relation avec le terme de l'environnement, offre la possibilité aux chercheurs d'intégrer un courant majeur de pensée stratégique : l'approche des parties prenantes. Dans cette approche, il s'agit de montrer qu'un projet, en tant que système ouvert, est en relation avec de multiples parties prenantes et que la prise en compte de leurs intérêts est un des éléments majeurs de sa réussite (Freeman, 1984 ; Caroll, 1993 ; Clarkson, 1995 ; Donaldson & Preston, 1995 ; Freeman, 1999 ; Persais, 2004). Bien que cette vision est sujette de controverses entre plusieurs auteurs, il faut penser qu'elle est susceptible de s'enrichir mutuellement et de permettre une meilleure compréhension de la manière dont les chefs de projets doivent intégrer l'environnement et le développement durable dans leurs stratégies de gestion.

Dans le but de disposer d'un cadre de réflexion opératoire, Freeman a développé la théorie des parties prenantes. Selon la définition la plus large, le terme partie prenante , se traduisant en anglais par « stakeholders », désigne : « tout groupe ou tout individu qui peut affecter ou être affecté par la réalisation des objectifs d'une organisation »(Freeman, 1984). Donaldson (1995) a identifié deux apports dans celle-ci. Sur le plan descriptif, il a considéré l'entreprise comme une constellation d'intérêts convergents ou divergents, voire contradictoires (Donaldson et Preston, 1995). Sur le plan instrumental, il a montré le lien qui existe entre les pratiques sur lesquelles se sont fondées l'approche des parties prenantes et les performances de l'entreprise. Sur le plan normatif, l'entreprise est étudiée suivant l'angle éthique et la théorie des parties prenantes s'impose par devoir moral, puisqu'il n'est pas éthiquement tenable de servir en priorité les intérêts des actionnaires.

Cette approche présente donc des vertus d'opérationnalisation et plus particulièrement pour l'environnement et définit un cadre de réflexion qui s'inscrit dans le prolongement de l'approche en trois piliers ; en identifiant les individus et les organisations qui ont, dans l'entreprise, un intérêt environnemental, économique ou social (Dontenwill, 2005, p-88). L'aspect traditionnel s'en tient aux parties prenantes contractuelles que sont les actionnaires, les clients, les fournisseurs et les salariés. L'originalité de l'approche consiste donc à élargir ce périmètre à des parties prenantes secondaires qui n'ont pas de relations formelles officielles ou contractuelles (Caroll, 1989, p-58). L'approche des parties prenantes est naturellement la plus associée à la notion du développement durable et est de plus en plus utilisée dans les rapports de développement durable publiés par les chercheurs et par les organismes. Eu égard de la problématique environnementale, elle trouve donc un champ d'application de l'organisation en tant que lieu de relations, d'influences et de conciliations d'intérêts multiples. Mercier (2001) a montré que celle-ci constitue un outil d'analyse tout à fait intéressant pour :

· proposer une vision alternative de la gouvernance des entreprises ;

· aborder les problèmes de respect de la personne, en matière d'équité et de justice organisationnelle en gestion des ressources humaines ;

· concrétiser la notion de développement durable et de respect de l'environnement ;

· puis d'analyser les mécanismes de gestion des parties prenantes qui sont introduits dans les organisations : adoption de code de conduite, création de comités éthiques, publication de bilans environnementaux et sociaux.

Dans le temps, les parties prenantes « porteurs d'enjeux » se réduisaient aux actionnaires, aux clients, puis au personnel et enfin à la communauté. Certains considéraient que ce dernier acteur appartenait à l'extérieur de l'entreprise. Cette vision dépasse la mode et appartient au passé. Le périmètre « extérieur » à l'entreprise sous-entend en effet un périmètre délimité et connu par avance pour et par l'entreprise. Or celui-ci évolue et varie, bien sûr selon les produits, les marchés, les pays, les contextes géopolitiques ou culturels,

les événements locaux ou mondiaux, et surtout en fonction des intérêts patrimoniaux des parties prenantes, comme nous allons l'aborder plus loin dans ce travail de recherche. Il est plus juste de parler d'un périmètre à géométrie variable. Une partie prenante est jugée interne lorsqu'elle partage une partie des enjeux induits par l'activité de l'entreprise sur le « contrat d'équilibre »10 , même si traditionnellement cette partie prenante était considérée comme externe. L'importance de la relation entre l'entreprise et cette partie prenante se définira par l'occurrence et l'importance des impacts mutuels. Dans ce contexte, une partie prenante est en quelque sorte l'« actionnaire » de la responsabilité de l'entreprise, en matière du développement durable. Le hic est qu'il existe une interdépendance étroite entre l'entreprise et l'ensemble de ses parties prenantes. C'est un fait objectif pour ces acteurs stratégiques qui demandent souvent d'être entendus et revendiquent leur droit de savoir et de participation aux activités de l'entreprise. Cette mission leur rend une cible vitale pour la performance, l'attractivité et la pérennité de l'entreprise. Cette reconnaissance va pousser celle-ci à tenter de répondre à leurs besoins et à leurs aspirations. L'entreprise est amenée en conséquence à prendre compte des impacts économiques, sociaux et sociétaux, environnementaux de son activité quotidienne. Mais les difficultés pour une entreprise résident dans l'identification des parties prenantes les plus influentes, de l'ensemble du pays qui expriment leur droit de savoir et de participer activement dans la gestion des processus décisionnels.

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera