Les garanties-propriétés( Télécharger le fichier original )par Dieynaba Sakho Université Gaston Berger de Saint-louis - Maîtrise es sciences juridiques 2007 |
Paragraphe 2/ Les conséquences relatives au droit des procédures collectivesLa prise en compte des garanties-propriétés n'a pas seulement produit des conséquences au niveau du droit des sûretés. Le droit des procédures collectives a lui aussi subi les effets de cette nouvelle catégorie de sûretés notamment en ce qui concerne son rôle de désintéressement des créanciers (A) et le rang des créanciers (B) préalablement établi par les actes uniformes sur les sûretés et les procédures collectives. A- Le désintéressement des créanciers, une finalité non exclusive des procédures collectives L'ouverture d'une procédure collective du débiteur, qu'elle ait pour but de redresser l'entreprise ou de la liquider, constitue les créanciers en une masse. La masse est une technique de classification des créanciers mais surtout une technique d'organisation de ceux-ci. Lorsqu'il s'agit d'une procédure de redressement de l'entreprise, la survie de l'entreprise est en général l'effet de moratoires consentis par les créanciers et les banques, et surtout des aides financières qui peuvent être apportées par le secteur privé ou le secteur public. La justice n'a aucun pouvoir d'injonction, sauf en ce qui concerne les créances antérieures à la décision et pour lesquelles le moratoire résulte de la suspension des poursuites. Encore que malgré la suspension des poursuites, certains arrivent à se faire payer. En effet, la recherche de garanties efficaces caractérise le financement par les banques de l'acquisition de matériel par l'entreprise. Alors diverses techniques pour se prémunir des effets de la procédure sont utilisées dont les garanties-propriétés. Aussi, sous l'angle de la fonction de paiement des procédures collectives, il semble bien que la consistance du caractère égalitaire des procédures de redressement ou de liquidation des biens ne soit pas réelle. "La procédure collective devient alors une enveloppe vide"81(*). En d'autres termes, à travers l'usage des garanties-propriétés, la fonction de paiement se réalise sélectivement en dehors de la procédure collective. La généralisation de ce procédé de paiement aboutit à faire des procédures de règlement judiciaire et de liquidation des biens "un piège pour créancier maladroits ou malchanceux pour n'avoir pas pu ou su en sortir rapidement ou éviter d'y entrer"82(*). Les procédures collectives ne permettant plus le paiement intégral des créanciers, le paiement accordé à certains d'entre eux constitue un mode d'exclusion du champ processuel des catégories considérées. Ce phénomène doit absolument être pris en compte dans une analyse des résultats financiers des procédures collectives. Ces résultats seront d'autant plus décevants que l'actif de l'entreprise sera diminué par le jeu des mécanismes extérieurs au droit des procédures collectives. Or, pour la plupart, le résultat des procédures collectives est particulièrement faible. Globalement, les sommes récupérées sont faibles et le nombre de clôture pour insuffisance d'actifs est considérable. C'est donc de manière globale, l'ensemble des créanciers qui se trouvent privés de tout ou partie de leurs créances par le jeu des procédés de paiement hors la procédure. Au vu de tels résultats, la proposition faisant du droit des procédures collectives un procédé de paiement n'est plus soutenable, du moins pas satisfaisante. B- Les incidences sur le rang des créanciers Les différentes catégories de créanciers et leurs droits constituent une question complexe en raison de l'opposition d'intérêts entre les créanciers en fonction des sûretés qu'ils possèdent, de la variété des sûretés qu'on peut rencontrer dans les procédures collectives et du nombre souvent important de créanciers pouvant se prévaloir du même genre de sûreté. L'acte uniforme sur les procédures collectives et celui sur les sûretés ont essayé de clarifier et de simplifier la situation des créanciers d'une manière générale et dans les procédures collectives en particulier. A la lecture de ce classement83(*), on note que le créancier propriétaire n'est pas pris en compte. Cependant il peut entrer en conflit avec d'autres créanciers titulaires de sûretés spéciales mobilières sur le même bien. Les sûretés spéciales mobilières sont celles comportant droit de rétention, en l'occurrence le gage et le droit de rétention. Elles semblent être celles qui confèrent le plus de garanties quant au paiement ponctuel. Bien que ne figurant pas dans la liste des créanciers dressée par l'acte uniforme sur les procédures collectives, le créancier propriétaire participe à la procédure collective. En effet, l'introduction des garanties-propriétés dans le tissu des sûretés réelles a contribué à créer une nouvelle catégorie de créanciers qui peuvent obtenir paiement hors la procédure collective; mais ce paiement reste soumis à l'obligation de vérification et de production de la créance. Cette nouvelle catégorie de créanciers peut entrer en conflit avec d'autres créanciers dont la sûreté porte sur le même bien. En France, un arrêt du 2 octobre 1987 de la Cour d'appel de Paris a décidé que le créancier gagiste, dès lors qu'il possède de bonne foi, peut opposer son droit de gage au créancier bénéficiaire de la propriété.84(*) En outre, un arrêt de la Cour de cassation française85(*) a estimé que le banquier détenant un nantissement pouvait l'opposer au créancier revendiquant si de bonne foi, il ignorait que le débiteur n'est pas propriétaire du bien objet du nantissement. L'acte uniforme organisant les sûretés, en ses articles 41 à 43, fait du droit de rétention une sûreté d'application générale, parfaite et achevée. Il confère au rétenteur la situation d'un créancier gagiste aussi bien pour le droit de suite que pour le droit de préférence86(*). Un arrêt de la Cour de cassation française a jugé que le droit de rétention peut être opposé au propriétaire revendiquant87(*). Malgré toutes ces difficultés que peut poser l'utilisation de la garantie-propriété, la méthode est largement consacrée et les créanciers y recourent de plus en plus. De la rétention de propriété au transfert de propriété, les manifestations des garanties-propriétés sont diverses. * 81 Sarr O., Les entreprises en difficulté et la justice, discours prononcé lors de l'audience solennelle de rentrée des cours et tribunaux du 8 novembre 1995, p.85 * 82 Sarr O., op.cit., p.85 * 83 V. articles 148, 149 de l'acte uniforme sur les sûretés et articles 166, 167 de l'acte uniforme sur les procédures collectives * 84 CA Paris, 2 octobre 1987, Revue banque, n° 478, décembre 1987, p. 1208 et s. * 85 Cass. Com., 2 octobre 1987, Dalloz 1988, p. 521 * 86 V. Issa-Sayegh J., Le droit de rétention en droit sénégalais, Revue Penant, n° 810, octobre-décembre 1992, p.261 * 87 Cass. Com., 26 mars 1985, Dalloz 1985, p. 425 |
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