Les garanties-propriétés( Télécharger le fichier original )par Dieynaba Sakho Université Gaston Berger de Saint-louis - Maîtrise es sciences juridiques 2007 |
Paragraphe 2/ Les limites à la situation sécuritaire du créancier propriétaire
La situation sécuritaire du créancier propriétaire connaît des limites. D'une part il existe des limites relatives au délai dans lequel l'action est insérée (A) et d'autre part des limites matérielles tenant à l'état du bien lors de l'exercice de l'action (B). A- Les limites relatives à la prescription de l'action en revendication L'exercice de l'action en revendication est enfermé dans un délai de trois mois. Ce délai est un délai préfix. Il n'est susceptible d'aucune suspension ou interruption. La brièveté du délai s'explique par la nécessité d'éviter la multiplication des actions en revendication au cours de la procédure car l'actif du débiteur doit être connu avec précision. A cet effet, il faut noter que dans les semaines qui suivent l'ouverture de la procédure collective, un tri doit être effectué parmi les biens qui se trouvent entre les mains du débiteur. Dans cette perspective, les tiers s'estimant propriétaires d'un bien doivent le revendiquer dans de brefs délais, faute de quoi ils perdront leur droit et le bien sera compris dans l'actif de la procédure. Cette réglementation s'explique par le rôle de l'apparence dans les relations commerciales. La possession crée une apparence de solvabilité. La loi en tire les conséquences en exigeant que les propriétaires fassent vérifier leur droit de propriété par les organes de la procédure. A défaut, elle aligne le droit sur l'apparence qu'ils ont contribué à créer. A cet effet, l'article 78 alinéa 3 dispose "les titulaires d'un droit de revendication doivent également produire en précisant s'ils entendent exercer leur droit de revendication. A défaut de cette précision ils sont considérés comme créanciers chirographaires." Le régime des revendications concerne tous les meubles y compris les meubles incorporels126(*). En principe, il s'impose à tous les propriétaires de meubles127(*) se trouvant entre les mains du débiteur, à quelque titre que se soit: dépôt, prêt à usage, location, vente avec clause de réserve de propriété. Ainsi les revendications admises par le syndic, le juge-commissaire ou la juridiction compétente doivent être exercées à peine de forclusion dans un délai de trois (3) mois à compter de l'information prévue à l'article 87 alinéa 3 de l'acte uniforme relatif aux procédures collectives, ou de la décision de justice admettant les revendications. Pour les contrats en cours, le délai de revendication ne commence à courir qu'à partir de la résiliation ou du terme du contrat128(*). Par ailleurs, les actions en revendication ne peuvent être reprises ou exercées que si le revendiquant a produit et respecté les formes et délais prévus par les articles 78 à 88 relatifs à la production et à la vérification des créances. L'action en revendication peut aussi être limitée par des paramètres tenant à la nature du bien lors de l'exercice de l'action en revendication. B- Les limites tenant à l'état du bien lors de l'exercice de l'action en revendication L'acte uniforme portant organisation des procédures collectives précise que le bien revendiqué doit se retrouver en nature dans le patrimoine du débiteur. Le bien ne doit pas avoir fait l'objet de transformation. Dans ce sens, l'acte uniforme relatif aux procédures collectives précise que peuvent être revendiqués "s'ils se trouvent encore dans le portefeuille du débiteur, les effets de commerce ou autres titres non payés remis par leur propriétaire pour être spécialement affectés à des paiements déterminés"129(*). En droit français, la question est plus complexe. L'article L. 621-122 alinéa 3 du code de commerce admet très clairement la revendication des "biens mobiliers incorporés dans un autre bien mobilier lorsque leur récupération peut être effectuée sans dommage pour les biens eux-mêmes et le bien dans lequel ils sont incorporés". Le dommage en question doit être entendu dans le sens d'une dégradation matérielle suffisamment importante et pas seulement d'un dommage économique130(*). En outre le bien doit être individualisé. Quid alors du vendeur de biens fongibles? En France, depuis la loi du 10 juin 1994, la revendication en nature peut également s'exercer sur des biens fongibles lorsque se trouvent entre les mains de l'acheteur des biens de même espèce et de même qualité. L'application de cette disposition suppose établie la fongibilité. Un arrêt récent exige, pour qualifier des biens de fongibles, qu'ils ne soient pas identifiables131(*). La fongibilité s'entend-elle de la parfaite similitude des biens ou bien requiert-elle de surcroît l'impossibilité ou en tout cas, l'absence d'identification des biens? A cela Le Pr. Laude répond: "L'individualisation d'une chose n'est pas en effet un obstacle dirimant à la fongibilité. Ce n'est pas parce qu'une chose porte des numéros ou des marques qu'elle cesse d'être fongible"132(*). Le créancier propriétaire peut exercer une action en revendication à condition que les biens se retrouvent en nature133(*) et soient individualisés. La revendication des objets mobiliers est pleine de nuances pour tenir compte des droits du propriétaire, du vendeur qui ne s'en n'est pas encore dessaisi et des créanciers qui sont fondés à croire à l'apparence de propriété créée par la détention de ces biens par le débiteur. Avec l'acte uniforme, l'efficacité retrouvée de la clause de réserve de propriété est subordonnée à deux conditions: sa stipulation dans un crédit et sa publication régulière au registre du commerce et du crédit mobilier. A ce titre, l'acte uniforme portant droit commercial général traitent en ses articles 59 et 60, traitent de l'inscription des clauses de réserve de propriété. Du reste, l'injonction de délivrer ou de restituer, réglementée aux articles 19 à 27 de l'acte uniforme portant organisation des sûretés devrait trouver à s'appliquer si la clause de réserve de propriété est valide et n'est pas volontairement exécutée. * 126 Cass. Com. 21 novembre 1995, JCP E 1996, I, p.554 * 127 Cette opération ne fait l'objet d'aucune réglementation en ce qui concerne les immeubles. Mais les propriétaires d'immeubles détenus par le débiteur ont la faculté de revendiquer leur bien, de faire reconnaître leur droit de propriété sans aucune restriction particulière si ce droit leur est contesté. * 128 Cass.com 3 avril 2001, JCP E 2001, n° 38, p. 1472 * 129 V. article 102 Acte uniforme relatif aux procédures collectives * 130 Com. 11 mars 1997, JCP E 1997, I, 681, n° 11 * 131 CA Paris, 12 mai 2000, Dalloz 2000, p. 329 * 132 V. Laude A., La fongibilité, RTD com. 1995, 307, n° 14 * 133 Juan R., Quatre ans de jurisprudence sur la clause de réserve de propriété, Cahiers droit de l'entreprise. 1987, p.4 |
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