la protection du salarié dans l'avant projet d'acte uniforme ohada portant droit du travail( Télécharger le fichier original )par Bibiane Irène Deya université de Douala - DESS juriste conseil d'entreprise 2006 |
SECTION II : LA PROTECTION DU SALARIE CONTRE LE LICENCIEMENTECONOMIQUE. Les articles 53 à 60 de l' APAUDT traitent du licenciement pour motif économique. Le licenciement pour motif économique obéit à un régime différent du licenciement pour motif personnel. Le motif économique est différent du motif personnel. Le motif économique est tout ce qui ne tient pas intimement à la personne du salarié.104(*) C'est du moins ce qui ressort de l'article 53 qui donne la définition du licenciement pour motif économique comme « tout licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du travailleur et résultant d'une suppression ou transformation d'emploi, ou d'une modification substantielle du contrat de travail, consécutive à des difficultés économiques, à des mutations technologiques ou à des restructurations internes. La suppression d'emploi n'est donc pas la seule condition indispensable au licenciement pour motif économique puisque le texte précité le précise. Le motif économique peut tout aussi bien tenir de la transformation sans disparition d'emploi ou même à une modification substantielle du contrat. L'on s'accorde à observer qu'en droit positif, le motif économique peut exister alors même que l'entreprise n'est pas en difficulté mais en période de croissance, partant des mutations et parfois d'abandon d'emploi105(*). Le licenciement pour motif économique obéit à un régime bien particulier que le législateur OHADA n'a pas manqué de souligner. Il s'agit d'une part, des mesures spécifiques entourant ce type de licenciement (para I) et d'autre part de son régime juridiques (para II). PARAGRAPHE I - LE REGIME DU LICENCIEMENT ECONOMIQUE.Le licenciement pour motif économique ne peut intervenir qu'à la suite de la réunion de certains éléments fondamentaux sans lesquels on serait en face d'une irrégularité ou d'un abus sanctionné par la loi106(*). Ainsi pour qu'il y ait licenciement pour motif économique deux conditions doivent exister. Les conditions de fonds du licenciement pour motif économique sont celles qui résultent des difficultés économiques sérieuses qui doivent être dressées in limine litis dans un projet de licenciement tandis que les conditions de forme ressortent de la procédure qui lui est propre. A- LES FACTEURS DETERMINANTS. Le licenciement pour motif économique obéit à des facteurs déterminants. En effet, l'Avant projet de l' OHADA est clair sur la question, le motif ne doit pas être inhérent à la personne du salarié. L'originalité du licenciement pour motif économique provient de ses motivations qui sont essentiellement économique. Ces motivations doivent exprimer l'idée selon laquelle l'entreprise doit impérativement connaître de graves difficultés économiques pour pouvoir procéder à des licenciements pour motif économique. Le ministère du travail, et de la prévoyance sociale avait par ailleurs indiqué que toute rupture de contrat de travail motivée par les difficultés économiques de l'entreprise doit impérativement donner lieu à un licenciement pour motif économique. Ces facteurs sont aussi bien d'ordre structurel que d'ordre conjoncturel. 1- Les facteurs d'ordre structurel. Par facteurs d'ordre structurel, il faut entendre des raisons internes à l'entreprise. Les difficultés économiques rencontrées par un établissement ne peuvent justifier le licenciement du personnel qui y est attaché. Cependant, le licenciement des salariés est possible si ces difficultés s'étendent à toute l'entreprise et non au seul établissement auquel, cas l'employeur est tenu de reclasser les salariés dans les autres établissements107(*). Qu'il s'agisse d'un licenciement individuel ou collectif, le motif économique doit résulter des nécessités de restructuration internes des entreprises qui peuvent résulter des mutations technologiques108(*), de la réorganisation de l'entreprise avec réduction des effectifs, de la fusion des sociétés avec transfert des installations de l'une d'elles hors de son implantation d'origine entraînant une diminution d'activités, de la fermeture d'une succursale ou d'une agence. Les facteurs d'ordre structurel ne sont pas cumulatifs des motivations d'ordre conjoncturel. 2- Les facteurs liés à la conjoncture. Les facteurs conjoncturels conduisant au licenciement pour motif économique sont ceux la même qui sont externes et défavorables à l'employeur ou à l'ensemble de la branche d'activité à laquelle se rattache l'entreprise. Ces difficultés conjoncturelles peuvent provoquer une baisse d'activités ou des difficultés financières. On peut relever à titre d'exemples de facteurs d'ordre conjoncturel légitimant le licenciement pour motif économiques, ceux qui ont été définis sous une ancienne jurisprudence camerounaise, celle-ci nous paraissant tout à fait transposable sous l'empire de nouveaux textes étant entendu que l'Avant projet de l'OHADA ne les a pas expressément institués109(*). Constitue un facteur conjoncturel légitimant le licenciement pour motif économique, l'insuffisance de crédit, la baisse des résultats de l'entreprise, la réduction des débouchés, la baisse des commandes, l'évolution des charges sociales ou des rémunérations. La spécificité du fondement du licenciement pour motif économique lui confère un régime particulier. Encore faut il que l'employeur respecte la procédure prescrite. B- LA PROCEDURE SPECIALE DU LICENCIEMENT ECONOMIQUE. En matière de licenciement économique, la procédure est relativement lourde puisqu'elle fait intervenir les délégués du personnel, l'inspecteur du travail puis le ministre en charge du travail. L'Avant projet ne fait pas intervenir expressément le ministre en charge du travail et ne fait ressortir que les rôles des délégués du personnel et de l'inspecteur de travail qui est véritablement incontournable. L'article 53 soumet le licenciement pour motif économique au respect d'une procédure complexe comportant deux phases essentielles : la négociation tripartite et la phase de licenciement proprement dite. 1- La phase de négociation préalable. C'est la phase la plus importante. Il est question de rechercher des mesures alternatives pour limiter ou éviter le licenciement. Ces mesures doivent être dressées dans un projet de licenciement sur lequel les avis des délégués du personnel et de l'inspecteur du travail sont consignés. Ces mesures alternatives peuvent être par exemple, la réduction des heures de travail, le travail par roulement,le travail à temps partiel, le chômage technique, le réaménagement des primes, indemnités et avantages de toutes sortes, le reclassement des travailleurs concernés et éventuellement la réduction des salaires110(*). L'employeur dresse un projet de licenciement qui en plus des mesures alternatives contiennent également les motifs économiques et l'état des effectifs de l'entreprise, le nombre, la qualification, l'aptitude professionnelle, l'ancienneté, la nature du contrat et la situation de famille des travailleurs susceptibles d'être concernés. Ce projet est remis aux délégués du personnel, qui disposent d'un délai de quinze (15) jours pour formuler des observations écrites. Ledit projet est ensuite remis à l'inspecteur du travail pour avis dans un délai d'un (1) mois. Lorsqu'il s'agit d'un licenciement individuel pour motif économique, le délai de quinze jours pour la consultation des délégués du personnel est de quarante huit (48) heures et de huit (8) jours pour l'avis de l'inspecteur du travail. C'est du moins ce qui ressort en substance de l'article 54 de l'Avant projet. Lorsque les mesures arrêtées ne peuvent éviter les licenciements, l'employeur peut entamer la deuxième phase de la procédure après les délais impartis au bout desquels, il notifie les licenciements envisagés. 2- La phase de licenciement proprement dite. Cette phase intervient lorsque les parties n'ont pu aboutir à un accord ou lorsque les négociations pour tenter d'éviter le licenciement économique n'aboutissent pas ou malgré les mesures envisagées, certains licenciements s'imposent. De ce fait, l'employeur procède au licenciement sous réserve de respecter certaines règles de procédure. L'Avant Projet de l' OHADA a juste précisé le contenu du projet de licenciement et a laissé la possibilité à chaque Etat partie de procéder à l'établissement de la liste des salariés à licencier en tenant compte de certains critères. Ainsi, l'article 40 al.6 du CTC autorise l'employeur a établir la liste des personnes à licencier en tenant compte des aptitudes professionnelles, des charges familiales des travailleurs et de l'ancienneté dans l'entreprise, étant entendu que l'ancienneté est majorée d'un an par enfant à charge. L'arrêté n° 21 /MTPS du 26 mai 1993 fixant les modalités de licenciement pour motif économique précise en son article 2 que sont licenciés en premier lieu, les salariés présentant les moindre aptitudes professionnelles, pour les emplois maintenus, et à égalité d'aptitudes professionnelles la préférence doit être donnée aux salariés les plus anciens. Contrairement au code du travail camerounais, l'Avant projet de l' OHADA n'a pas prévu de phase d'arbitrage par le ministre en charge du travail. Or en cas d'arbitrage, le dossier de licenciement comportant la liste de l'employeur et les observations des délégués du personnel est transmis au ministre du travail pour arbitrage. Celui-ci peut alors refuser les licenciements envisagés au vu des pièces du dossier. Dès lors le licenciement pour motifs économique obéit à un régime particulier. * 104Cf..KENFACK P.E., la mobilité du capital de l'entreprise et le droit social au Cameroun, thèse de 3ème cycle U. Yaoundé 1994 p.151 & s. spec. P154 in POUGOUE P. G. CTC annoté,.p78. * 105C.S. arrêt n°11/S du 14 décembre 1978. Affaire Dimet C/Asecna J.S.A.T. * 106 Art.54 AVAUDT * 107 TCHOKOMAKOUA V., KENFACK P. E. op.cit.p.88 * 108 Il s'agit par exemple de l'introduction des procédés plus mécanisés tels que l'informatisation et la robotisation * 109 C.S. arrêt n°127/S du 6 novembre 1982.aff. Ngaleu Pierre c/ Scoa Super Gros. Revue cam.de droit, n°28 P.204 in Maître BOUBOU Pierre, Le code du travail, ed. Avenir 2006 p.52. * 110 TCHOKOMAKOUA V., KENFACK P. E. op.cit.p.88 |
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