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la protection du salarié dans l'avant projet d'acte uniforme ohada portant droit du travail

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par Bibiane Irène Deya
université de Douala - DESS juriste conseil d'entreprise 2006
  

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PARAGRAPHE II : LA SECURITE JURIDIQUE DE LA CREANCE DE

SALAIRE.

Au sens de l'article 128 de l'Avant Projet OHADA portant droit du travail, le salaire s'entend, « outre le salaire proprement dit, des appointements ou commissions, de l'allocation de congés, de tous les accessoires du salaire, des indemnités de préavis et de licenciement de toutes sommes dues à l'occasion de la résiliation du contrat de travail ». Le salaire étant la principale source de revenus de l'employé et moyen de subsistance de sa famille, il est interdit à l'employeur de prendre des sanctions privatives de salaire en dehors de la mise à pied qui ne doit excéder huit (8) jours. Le salarié doit percevoir régulièrement son salaire sans craindre une saisie par ses propres créanciers, ni les effets de cessions anticipées faites inconsidérablement par lui, ni des retenues par l'employeur, ni le concours des créanciers de cet employeur.

Il est cependant important de préciser que les seules retenues sur salaire, sont les prélèvements obligatoires, prévus par le futur acte uniforme, les conventions et accords collectifs; art.130 de l'APAUDT71(*). Les retenues sur salaire obéissent à un principe spécial de saisie et de cession (A) et la créance de salaire bénéficie de certains privilèges (B).

A- LE PRINCIPE DE LA REPARTITION.

Le salaire est très souvent le seul revenu du travailleur grâce auquel il assure sa subsistance et celle de sa famille. L'Avant projet de l'acte uniforme OHADA portant droit du travail a expressément renvoyé à la législation de chaque Etat partie, le soin de fixer les quotités cessibles et saisissables et précise que les clauses d'une convention, d'un accord collectif ou bien même d'un contrat de travail permettant des prélèvements autres que ceux là sont nulles de plein droit72(*).

Le salarié ne peut céder l'intégralité de son salaire à son créancier. La législation camerounaise sur le droit du travail n'a pas permis une totale saisissabilité afin de permettre au salarié de pouvoir acheter à crédit. Ainsi, seule une partie du salaire peut faire l'objet d'une cession ou d'une saisie. La quotité saisissable ou cessible s'applique à tous les salariés quels que soient le montant, la nature et la forme de la rémunération73(*).

1- L'insaisissabilité et l'incessibilité du salaire.

Le législateur a été amené à définir une fraction du salaire particulièrement protégée en raison de son caractère alimentaire : c'est la quotité incessible et insaisissable. La fraction insaisissable du salaire est considérée comme le nécessaire alimentaire et ne peut faire l'objet d'aucune retenue.

D'après la convention n° 95 de l'OIT, le salaire a été divisé en deux parties : l'une insaisissable, qui doit être directement versée au travailleur et ne pourrait même pas être retenue même avec son accord, donc incessible, l'autre qui peut faire l'objet d'une saisie, même la cession peut être consentie par avance. La loi pose ainsi le principe de l'incessibilité et ses dispositions sont strictement parallèles à celles qui régissent l'insaisissabilité. Cette restriction est destinée à mettre le travailleur à l'abri de sa propre imprévoyance.

Pour le calcul des quotités cessibles et saisissables, il est tenu compte du salaire proprement dit et de tous les accessoires représentant l'ensemble des gains de l'année.

2- Les quotités cessibles et saisissables.

L'Avant-projet de l' OHADA en son article 131 laisse la détermination des quotités cessibles et saisissables, ainsi que l'assiette de calcul des retenues à la charge de chaque Etat Partie. Etant donné que la rémunération repose sur le principe de la progressivité, la quotité saisissable varie pour chaque tranche de salaire.

Au Cameroun, le décret n°94/197/PM du 09 mai 1994 relatif aux retenues sur salaire, pris après avis de la commission nationale consultative du travail à l'issue de sa séance du 30mars 1993 détermine la fraction cessible et/ou saisissable de la manière suivante :

- Un dixième (1/10) sur la portion au plus à dix huit mille sept cent cinquante (18,750) francs CFA par mois ;

- Un cinquième (1/5) sur la portion supérieure à dix huit mille sept cent cinquante et inférieure ou égale à trente sept mille cinq cents (37, 500) francs CFA par mois ;

- Un quart (1/4) sur la portion supérieure à trente sept mille cinq cent et inférieure ou égale à soixante quinze mille (75000) francs CFA par mois ;

- Un tiers (1/3) sur la portion supérieure à soixante quinze mille et inférieure ou égale à cent douze mille cinq cents (112,500) francs CFA par mois ;

- La moitié (1/2) sur la portion supérieure à cent douze mille cinq cent et inférieure ou égale à cent quarante deux mille quatre cents (142500) francs CFA par mois;

- La totalité sur la portion supérieure à cent quarante deux mille quatre cent francs.

L'employeur est tenu lui-même de respecter ces portions pour tous les prêts et avances consenties au travailleur. Toutefois, les acomptes sur salaire sont intégralement prélevés sur le salaire du mois74(*).

Il est important de préciser qu'en cas de prêt ou de location vente d'immeubles destinés à l'habitation et consentis par un établissement public ou un organisme du secteur parapublic intervenant dans le cadre de la promotion immobilière, la quotité saisissable ou cessible du salaire peut en vue du remboursement par les salariés des prêts et/ou des dettes de location vente être portés au quart (1/4) pour la fraction au plus égale à soixante quinze mille (75000) francs CFA par mois. En outre, en matière de paiement de dettes alimentaires conformément à la législation en vigueur par voie de cession volontaire du salaire ou de saisie-arrêt sur salaire, le mensuel courant de la pension alimentaire est à l'occasion de chaque paie prélevée intégralement sur la fraction insaisissable du salaire. Le cas échéant, la fraction saisissable dudit salaire peut être retenue en sus pour sûreté des termes arriérés et des frais, au profit des créanciers ordinaires opposants ou cessionnaires.

B- LES PRIVILEGES DE LA CREANCE DE SALAIRE.

Le privilège est le droit appartenant à un créancier, d'être payé sur le prix de vente d'un ou de plusieurs biens du débiteur par préférence à d'autres créanciers. Au sens stricte, le privilège est une sûreté accordée par la loi, à certains créanciers en raison de la qualité de leur créance75(*).Compte tenu du caractère alimentaire de l créance de salaire, le législateur en a organisé la protection contre le salarié lui-même, l'employeur et contre les tiers qui peuvent être des créanciers de l'employeur.

Il faut éviter que l'employeur, de par sa position privilégiée que lui confère sa situation économique, ne prive le travailleur de son moyen de subsistance. Aussi, c'est contre l'employeur que les règles de protection sont les plus nombreuses. En outre, le salarié risque de se retrouver sans moyen de subsistance si ses créanciers et même ceux de son employeur pouvaient saisir son salaire.

En cas d'insolvabilité de l'employeur, le salarié court le risque de ne pas être payé. De ce fait, le législateur accorde des garanties de paiement en faveur du salarié par rapport aux autres créanciers. Ces garanties peuvent être constituées du privilège général du salaire, du super privilège du salaire et des actions directes. Ces dernières permettent de demander le paiement non du débiteur défaillant, mais d'un tiers partenaire contractuel de ce dernier.

La créance de salaire bénéficie d'un privilège préférable à tous les autres privilèges généraux ou spéciaux, en ce qui concerne la fraction insaisissable dudit salaire telle qu'elle est définie par les textes législatifs ou règlementaires76(*). L'Avant projet de l'OHADA précise en son article 128 alinéa2 que les privilèges et garanties de la créance de salaire s'exercent conformément aux dispositions de l'Acte uniforme du 17 Avril 1997 portant organisation des sûretés et celles de l'Acte uniforme du 10 Avril 1998 portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif.

1 - Le privilège général du salaire.

Selon l'article 107 de l'acte uniforme portant organisation des sûretés, les créances de salaire bénéficient d'un privilège général sur les meubles et immeubles de l'employeur. Ce privilège, dispensé de publicité vient en troisième (3ème) rang après :

- Les frais d'inhumation, les frais de la dernière maladie du débiteur ayant précédé la saisie des biens ;

- La fourniture de subsistance faite au débiteur pendant la dernière année ayant précédé son décès, la saisie des biens ou la décision judiciaire d'ouverture d'une procédure collective ;

Il s'agit du privilège accordé au salarié en cas de redressement judiciaire de l'employeur, garantissant pour les six (6) derniers mois le paiement du salaire et de ses accessoires ainsi que des différentes indemnités dues au cas de rupture du contrat de travail.77(*)

Pour éviter le risque d'insolvabilité de l'employeur, la fraction insaisissable du salaire bénéficie d'un privilège préférable à tous les autres privilèges généraux ou spéciaux. Cette fraction est alors payée avant toute créance y compris celle du trésor78(*).

Il convient de préciser que dans l'article 107 ci-dessus visé, il ne s'agit que du salaire annuel mais de tout le salaire annuel. Du fait de la faiblesse de ce privilège qui ne vient qu'en troisième (3ème) rang79(*) et passe après les privilèges spéciaux, le législateur communautaire a institué un super privilège pour renforcer la garantie du paiement du salaire.

2 - Le super privilège du salaire.

L'institution du super privilège du salaire résulte des faiblesses du privilège général institué par le législateur OHADA. Non seulement il vient au troisième rang, mais il passe après les privilèges spéciaux. Pour renforcer la garantie du paiement du salaire, le super privilège a été institué. Il est accordé pour une brève période à une fraction du salaire, en cas de faillite ou de liquidation des biens de l'employeur. De ce fait, la créance de salaire bénéficie d'un privilège préférable à tous les autres privilèges généraux ou spéciaux, en ce qui concerne la fraction insaisissable dudit salaire telle qu'elle est définie par les textes législatifs ou règlementaires.

La portion insaisissable du salaire est celle qui reste après prélèvement des quotités cessibles et saisissables telles que prévues le décret n°94/197/PM du 09 Mai 1994 relatif aux retenues sur salaire. Ce privilège s'étend aux indemnités liées à la rupture du contrat de travail et aux dommages et intérêts prévus à l'article 39 du code du travail camerounais80(*). Il faut préciser que la portion du salaire super privilégié doit être payé dans les dix (10) jours qui suivent le jugement déclaratif de la faillite ou de la liquidation judiciaire sur simple ordonnance du juge commissaire. Il faut simplement que le syndic ou le liquidateur ait les fonds nécessaires. A défaut, la fraction de la rémunération super privilégiée doit être acquittées sur les premières rentrées de fonds81(*).

L'Avant Projet de l'acte uniforme OHADA portant droit du travail prend des mesures de protection du salarié tant au niveau de son emploi qu'en ce qui concerne sa rémunération. Ce sont là deux aspects important dans la situation du salarié qui sont rigoureusement règlementé. Cependant la tendance à laisser certaines questions à la libre disposition des Etats parties, peut contribuer à léser le salarié dans sa relation contractuelle avec son employeur. Le troisième aspect important de la situation du salaire est le moment de la cessation de sa relation du travail surtout du fait de son employeur.

Le principe de la liberté contractuelle permet certes aux parties de fixer le moment et les modalités de la rupture du contrat. Mais dans les rapports sociaux, ce régime place au sein des travailleurs une insécurité de leur condition. C'est contre cette insécurité que le droit du travail va vigoureusement règlementer les conditions et les conséquences de la rupture de la relation de travail.

* 71 Il s'agit des retenues sur salaire tel que les prélèvements obligatoires que sont les cotisations syndicales, les remboursements de cession volontaire de salaire régulièrement consentis dans le cadre des dispositions en vigueur et les consignations

* 72 Art. 132 al. 1 APAUDT

* 73 OP cit p113

* 74 Art. 130 de l'Avant-projet et article 68 du code du travail camerounais.

* 75Gérard CORNU vocabulaire juridique ed. 2000.

* 76 Art.70 CTC annotée Paul Gérard Pougoué ed. PUA 1997 p111

* 77 L'acte uniforme de l'OHADA portant organisation des sûretés.

* 78 Voir acte uniforme sur les sûretés

* 79Ce sont les sommes dues au travailleur et apprenti pour exécution et résiliation de leur contrat durant la dernière année ayant précédé le décès du débiteur la saisie des biens ou la décision judiciaire d'ouverture d'une procédure collective OP cit par 119

* 80 Il s'agit des dommages et intérêts accordés à la victime d'une rupture abusive du contrat de travail

* 81 OP cit p120

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