la protection du salarié dans l'avant projet d'acte uniforme ohada portant droit du travail( Télécharger le fichier original )par Bibiane Irène Deya université de Douala - DESS juriste conseil d'entreprise 2006 |
SECTION II : LA REVALORISATION DU REGIME DE REGLEMENT DESDIFFERENDS COLLECTIFS DE TRAVAIL. Le législateur communautaire a institué des mesures de protection du salarié certes, il nous semble cependant que l'accent doit être mis sur certaines questions relatives à la responsabilité des uns et des autres. Il s'agit pour nous de relever certaines suggestions dans le but d'attirer l'attention du législateur OHADA sur la question des règlements des différends collectifs de travail. Le droit de grève, droit reconnu au salarié pour le règlement d'un différend de travail peut s'avérer dangereux lorsqu'il n'est pas minutieusement encadré et contrôlé. Il nous parait de ce fait important d'y revenir afin d'apporter notre modeste contribution quant à l'organisation des mesures concernant le droit de grève (para I). Dans un but d'intérêt général, la nécessité d'un mode de règlement pacifique des différends de travail (para II). PARAGRAPHE I : LA REORGANISATION DES MESURES RELATIVES AUDROIT DE GREVE. La grève est la cessation collective et concertée du travail en vue d'appuyer des revendications professionnelles déjà déterminées auxquelles l'employeur n'a pas donné satisfaction. Telle est la définition que nous donne l'APAUDT en son article 242. S'il est bien vrai que la grève est un moyen légal pour le salarié de défendre ses droits acquis que l'employeur a violés, elle doit s'exercer dans le respect des règles qui régissent la relation de travail. De plus pour une meilleure protection du salarié par l'exercice de son droit de grève, celui-ci doit être encadré afin de ne pas conduire à la perte de l'emploi pour lequel le salarié est protégé. Cela signifie en d'autres termes que le droit de grève doit être minutieusement encadré (1) pour une meilleure prise en compte des intérêts de l'entreprise (1). A - L'ENCADREMENT DU DROIT DE GREVE. Le droit de grève est un droit fondamental reconnu par la constitution qui a fort heureusement trouvé son prolongement dans les lois et règlements en vigueur dans les Etats membres de l'OHADA187(*). La grève est un instrument d'expression et de défense essentiel pour les travailleurs mais peut lui être préjudiciable tant les mesures qui le régissent sont complexes. D'un côté, elle prive le salarié d'une fraction de sa rémunération et parfois même de son emploi, de l'autre côté, elle est préjudiciable à l'employeur dans la mesure où elle engendre des perturbations dans le fonctionnement de l'entreprise. En outre, la grève pousse l'employeur à négocier quelque soit sa situation économique, de conditions qui lui sont souvent défavorables. Cette situation pose le problème de son efficacité. Les mesures prises pour l'exercice du droit de grève sont générales et le plus souvent favorise des abus. D'où la nécessité à notre humble avis de limiter la grève dans le temps (1) et de l'adapter aux réalités de l'entreprise (2). 1- L'importance de la limitation du droit de grève dans le temps. Le fait pour le législateur de n'avoir pas limité dans le temps l'exercice du droit de grève est la cause des abus de nombreux partenaires sociaux. Elle est également source de graves préjudices. Aussi un simple arrêt concerté de travail pour des négociations peut entraîner le licenciement de certains salariés pour faute lourde188(*). Du fait de la précarité de l'emploi, le temps de grève doit s'exercer à notre humble pendant une période bien définie pour éviter au salarié revendiquant ses droits de se voir privé de son moyen de subsistance qui est son salaire issus de son emploi. Par ailleurs la grève qui s'étire dans le temps peut être la cause de pertes énormes pour l'employeur qui peut se retrouver dans une situation de redressement voire de liquidation judiciaire. Le législateur OHADA doit prédéterminer la durée de la grève comme il l'a fait précéder d'un préavis sans lequel la grève serait illicite189(*). De plus la grève doit s'exercer en fonction des réalités de l'entreprise. 2- L'adaptation du droit de grève à la réalité économique de l'entreprise. Le droit de grève est une liberté fondamentale du salarié ayant valeur constitutionnelle190(*). Cette liberté fondamentale trouve son prolongement dans les lois et règlements en vigueur. C'est un droit qui doit s'exercer en toute liberté et en toute licéité. Comme conditions essentielles pour son exercice, il faut que le droit de grève soit issu d'un mouvement collectif et concerté et soit fondée sur des revendications professionnelles avec cessation du travail pour faire pression sur l'employeur. La conséquence qui y découle est la suspension du contrat de travail qui peut entraîner soit la rupture du contrat de travail soit le paiement des indemnités191(*). Cette généralité qui entoure le droit de grève peut s'avérer très néfaste pour les relations entre les partenaires sociaux. En effet, la suspension du travail pour une entreprise qui doit fonctionner sans arrêt peut entraîner la fermeture de cette entreprise et la perte de l'emploi plongeant ainsi les travailleurs dans le chômage dont résulte la pauvreté. Il est à notre humble avis important que le législateur OHADA entoure le droit de grève des normes applicables dans les entreprises en tenant compte de leur réalité économique pour un meilleur équilibre entre la volonté de protéger le salarié et celle non négligeable de sauvegarder les intérêts de l'entreprise en tenant compte de ses intérêts. B - UNE MEILLEURE PRISE EN COMPTE DES INTERETS DE L'ENTREPRISE. Face au mouvement de grève, l'employeur n'est pas juridiquement désarmé. Il peut user de son pouvoir disciplinaire par la rupture des contrats de travail. Il peut user de son pouvoir de direction soit en assurant la continuité de l'activité de l'entreprise en faisant appel à la sous-traitance ou engager des travailleurs temporaires, soit recouvrir à la fermeture des lieux de travail encore appelé lock -out192(*) soit en saisissant la justice en demande d'expulsion des occupants, en invoquant la responsabilité des grévistes si grève illicite il y a. Ces actions de l'employeur s'organisent autour de ses prérogatives instituées pour une préservation des intérêts de l'entreprise. Dans ce cas les obligations de l'employeur sont assouplies (1) là où ses prérogatives accroissent (2). 1- L'élaboration des mesures alternatives d'organisation du travail. Usant de son pouvoir de direction, l'employeur s'efforce soit d'assurer la continuation de l'activité, soit de l'arrêter193(*). Selon les circonstances, soit il met tout en oeuvre pour que malgré la grève, l'entreprise continue de fonctionner avec par exemple un personnel d'appoint soit au contraire, il décide de fermer complètement tout ou partie de l'entreprise afin de ne pas avoir d'obligation de rémunération. Il est alors possible à l'employeur de trouver des mesures alternatives de travail. Il peut alors saisir le juge pour l'expulsion des grévistes. De même, il peut demander aux non grévistes d'accomplir des tâches qui n'entrent pas dans leur mission habituelle. Les grévistes à ce moment se rendent coupables de fautes lourdes s'ils s'opposent au fait que leur travail soit effectué par d'autres personnes ; cela doit se faire sous contrôle judiciaire194(*). Il est également admis à l'employeur de faire appel à la sous traitante ou d'embaucher des salariés par des contrats a durée indéterminée qui doivent être rompus à la fin de la grève (la nécessité de maintenir dans leur poste des anciens grévistes sera une cause réelle et sérieuse de licenciement pour ces travailleurs de remplacement). C'est une solution qui a été déjà utilisé en France195(*). S'il décide d'arrêter l'activité de l'entreprise, l'on parle de lock-out. Le look out se définit comme la fermeture de tout ou partie d'une entreprise ou d'un établissement décidée par l'employeur à l'occasion d'une grève des salariés de son entreprise196(*). Cette mesure légale exprime le refus de la part de l'employeur de mettre à la disposition des salariés les instruments de travail et de les payer. S'il s'avère cependant que le look out est déclaré illicite par le juge, l'employeur est tenu de payer à chaque salarié le salaires et les indemnités que celui-ci aurait perçus s'il avait travaillé normalement en plus de certaines déchéances197(*). Il est important à notre sens, pour un équilibre entre le respect du droit de grève et la nécessité de sauvegarder les intérêts de l'entreprise, de permettre à l'employeur d'exercer son pouvoir de direction en recourant au look out198(*). Dans ce cas, l'ordre et la sécurité sont mis en péril par la désorganisation de l'entreprise. C'est une solution adoptée par la jurisprudence française qui autorise par ailleurs l'employeur après réouverture des lieux de travail à exiger l'engagement individuel que le travail sera repris aux conditions normales199(*). La conséquence des mesures alternatives d'organisation du travail est la souplesse dans les obligations de l'employeur. 2- Un accomplissement des obligations de l'employeur. L'incidence de la grève sur les obligations de l'employeur est prévisible. Tant que dure la grève, l'employeur n'est pas tenu de fournir le travail. Il peut même suspendre le travail pour les non grévistes en invoquant la force majeure. Même si dans ce cas le juge serait amené à statuer sur la question de la licéité du look out. De même l'employeur n'est pas tenu de payer les salaires200(*). La grève empêche l'employeur d'exécuter ses obligations contractuelles avec ses clients. * 187 Au Cameroun il est régi par les arts.157-165 du C.trav. * 188 Voir pour les développements J PELISSIER., A.SUPIOT, A. JEANMAUD op. cit. p.1243 * 189 Le préavis doit préciser, les motifs du recours à la grève et doit parvenir vingt (20) jours francs avant le déclenchement éventuel de la grève à la direction de l'entreprise... art 244 APAUDT * 190 Loi constitutionnelle Camerounaise du 18 janvier 1996 qui a repris les dispositions de celle de 1972 en matière du droit de grève. * 191 Il s'agit du licenciement en cas de faute lourde du salarié et le paiement des indemnités est fait par l'employeur si le salarié perd son salaire à cause de la grève qui est déclanchée à la suite des manquements à ses obligations par l'employeur, art 245 APAUDT. * 192 Art 245 APAUDT * 193 Sauf dans les services publics ou la « fermeture » ne parait pas concevable et ou seule la première option est possible * 194 Pour les développements voir J.PELISSIER, A. SUPIOT, A. JEANMAUD op. cit. P1290 * 195 Soc 15 février 1975, Bull. civ. n°143) 1243 in J.PELISSIER, A.SUPIOT, Droit du travail 22è ed. Dalloz 2004 p.1291 * 196 Art 245 APAUDT. * 197 Art. 247 APAUDT. * 198 Soc 2 décembre 1964, 112 Bull civ. n°809 Grands Arrêts 3e ed. 2004 n° 194 * 199 Soc. 3 octobre 1963, D1964 Bull civ. V. n°246 P. 535 Cité par J..PELISSIER, A. SUPIOT, Droit du travail 22è ed. Dalloz 2004 p. 1297 * 200 Art 245 al.3 APAUDT |
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