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la protection du salarié dans l'avant projet d'acte uniforme ohada portant droit du travail

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par Bibiane Irène Deya
université de Douala - DESS juriste conseil d'entreprise 2006
  

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CHAPITRE PREMIER :

LA PRISE EN COMPTE DE LA SITUATION DE TRAVAIL DANS L'ESPACE OHADA.

L'on doit savoir que l'environnement dans lequel nous évoluons est un facteur non négligeable dans l'institution du régime juridique de la relation de travail dans l'espace OHADA. Pour peu que l'on se rappelle que l'harmonisation du droit de travail entreprise par le législateur communautaire intervient au moment de la globalisation et de la libéralisation des économies, on s'attend à ce que l'oeuvre du législateur OHADA soit le moteur permettant de générer des investissements, socle sur lequel s'appuieraient bon nombre d'étrangers pour investir en Afrique. De ce fait l'accent qui doit être mise sur la prise en compte des mutations technologiques (sect. II), doit avant tout être précédé d'un ultime réaménagement du cadre de travail dans l'environnement OHADA (sect.I).

SECTION I : LE REAMENAGEMENT DU CADRE DE TRAVAIL DANS L'ESPACE

OHADA.

Le cadre du travail est pris ici comme l'ensemble des différents aspects qui entoure le travail salarié moyen de subsistance d'une partie importante de la population des Etats membres de l'OHADA. Lorsqu'on parle de réaménagement du cadre de travail dans l'espace OHADA, il ne faut pas voir en ce titre une négation de ce qui a été déjà fait119(*), mais un apport modeste soit il sur les questions considérées comme « sensibles » et qui méritent d'être encadrées minutieusement par le législateur.

A la lecture de l'Avant projet on se rend bien compte que le seul secteur pris en compte ici est le secteur formel et que le secteur informel a été, peut être pas expressément oublié, mis à l'écart même dans les codes de travail de certains pays que nous avons consulté pour en faire une comparaison avec celui du Cameroun120(*). Or l'économie de la quasi-totalité de ces Etats repose sur les activités du secteur informel121(*). Aussi, réaménager le cadre du travail dans l'espace OHADA revient à tabler sur les activités hors normes du secteur informel (Para II) après une étude sur la revalorisation du travail dans le secteur formel (Para I).

PARAGRAPHE I : LA REVALORISATION DU TRAVAIL DANS LE SECTEUR

FORMEL.

Le secteur formel est le cadre normal au sein duquel se déroulent les activités économiques dans le respect des règles qui les régissent. D'un point de vue du droit du travail, le secteur formel est le cadre du travail régi par la législation de travail122(*). Faire allusion à une revalorisation du travail dans le secteur formel, revient à notre sens, à instituer des mesures qui encadrent les relations de travail en tenant compte de l'environnement actuel qui prévaut dans la région OHADA. Aussi vrai que les mesures instituées par l'Avant projet sont issues des règles contenues dans les différents codes du travail des Etats membres, il est aussi vrai que les mesures instituées le sont dans le but de favoriser le développement des investissements, la sécurité juridique des entreprises et des travailleurs, un outil pour la création d'emplois dans la sous région123(*). Alors, il serait inopportun d'instituer des mesures sans tenir compte de ces trois éléments. Les rédacteurs de l'Avant projet OHADA sont interpellés sur la mise sur pied des mesures dont l'applicabilité serait efficiente par une nécessaire redynamisation des conditions de travail (A) et un réaménagement des conditions de rémunération (B).

A - LA REDYNAMISATION DES CONDITIONS DE TRAVAIL.

A cause de l'existence d'un important chômage, les employeurs embauchent lorsque les salaires et les charges sociales sont suffisamment bas, pour qu'ils y trouvent leur intérêt. Cette baisse qui est provoquée par l'excès de la demande d'emploi sur l'offre124(*), est le fil conducteur aux formes souples d'embauchage et de facilités de rupture du contrat de travail, qui constituent l'essentiel du régime juridique du travail salarié. Un tel régime qui introduit plus de flexibilité dans les conditions de travail ne peut procurer au salarié un « véritable emploi » synonyme de stabilité.

L'employeur détenteur du pouvoir de direction s'arroge le droit de décider seul et en toute liberté de l'organisation de l'entreprise et du travail, de ses conditions matérielles et de sa durée dans le respect de la législation en vigueur en matière de travail. Celle-ci tempère le pouvoir patronal à partir des textes limitant le temps de travail ou visant l'amélioration de la santé, de l'hygiène et de la sécurité dans le but de protéger l'intégrité physique et morale du salarié. Il en est de même de la législation sur la représentation et la négociation collective qui sont le contre point du pouvoir patronal et doivent s'exercer dans le respect des libertés du salarié.

L'Avant projet n'a pas dérogé à ce principe étant entendu que le législateur communautaire a institué des mesures allant dans ce même objectif. Seulement, ce qui doit en principe être un instrument de protection risque de créer des malaises à cause des disparités qui peuvent naître entre les partenaires sociaux dans les relations individuelles de travail (1) et dans leurs relations collectives de travail (2).

1- La redynamisation des conditions de travail dans les relations individuelles de travail.

Les relations individuelles de travail se nouent à la base par le contrat de travail et prennent par la suite une coloration institutionnelle au niveau de son exécution par l'encadrement des conditions de travail par des règles préétablies.

Le contrat de travail qui est la porte d'entrée aux relations individuelles de travail, se forme par le seul échange des consentements125(*). Seulement, une fois conclu, le contrat amène les parties à se soumettre à un ensemble de règles institutionnalisées pour la détermination de leurs conditions de travail.

L'exécution du contrat de travail peut se dérouler normalement sans heurts ou encore se heurter aux vicissitudes qui peuvent être la cause des incidences d'exécution entraînant ainsi ou non la cessation de la relation de travail.

Aussi, le législateur communautaire dans le souci de protéger le salarié à institué des mesures liées à la conclusion, à l'exécution et la rupture du contrat de travail. Le fait pour le législateur OHADA de toujours renvoyer à la législation de chaque Etat partie les mesures d'application de ces dispositions, peut causer une disparité entre les conditions de travail applicables au salarié. C'est le cas par exemple lorsqu'une même disposition est appliquée différemment pour un salarié d'une entreprise gabonaise, que pour un salarié d'une entreprise Tchadienne.

Il serait important à notre humble avis d'harmoniser également des mesures d'application de ces conditions de travail ; de même en ce qui concerne les relations collectives de travail. On éviterait ainsi de tomber sous le coup d'une harmonisation qui n'en est véritablement pas une.

2- La redynamisation des conditions de travail dans un cadre collectif.

La particularité du droit du travail ne tient pas seulement à la manière dont il règle le rapport d'emploi, mais aussi du fait qu'il institue des relations professionnelles. A s'en tenir à l'article 204 de l'avant projet OHADA portant droit du travail, on peut croire que « les relations collectives entre employeurs et salariés » se réduisent à la négociation de conventions et d'accord collectifs de travail. Le dispositif juridique des procédés de défense des intérêts, constitue avec le contrat de travail et la reconnaissance des pouvoirs patronaux, l'armature de l'ordonnancement juridique des relations de travail126(*).

A la lecture du texte communautaire nous pouvons faire un constat : la volonté du législateur OHADA de protéger le salarié par des mesures plus favorables qui sont contenues dans les conventions et accords collectifs. Seulement on se rend bien compte que la pratique de ces mesures peut poser de véritables difficultés si toutefois rien n'est fait dans le sens de leur applicabilité et de leur renouvellement127(*).

En effet, il serait à notre humble avis, difficile d'instaurer une égalité entre les conventions collectives des Etats parties pour une même branche d'activité. C'est dire que malgré le texte harmonisé l'on se retrouverait avec des conventions collectives aux dispositions désuètes. Il en est de même pour ce qui est conditions de rémunération.

B - UN NECESSAIRE REAMENAGEMENT DES CONDITIONS DE

REMUNERATION.

La rémunération du salarié est la contrepartie de son travail. Celui qui exécute un travail doit obtenir le salaire qu'il mérite, comme on le dit souvent « l'ouvrier a droit à son salaire ». La rémunération du salarié est l'un des éléments essentiels qui caractérisent le contrat de travail. C'est sans doute à cet effet que beaucoup de mesures ont été prises pour entourer et garantir au salarié son moyen de subsistance128(*). Toute la législation qui entoure la rémunération du salarié, a été ressortie dans notre première partie où nous lui avons consacré tout un paragraphe129(*). Toutefois, à cause des insuffisances que nous n'avons pas manqué de noter, il serait important pour y pallier, du moins à notre humble avis, d'instituer d'obligations nouvelles dans le paiement du salaire (1) que nous allons essayer de développer. Par la suite nous proposons un essai sur un circuit de paiement du salaire qui pourrait mieux le garantir.

1-- L'institution d'obligations nouvelles dans le paiement du salaire.

Dans les relations directes entre employeurs et salariées, le problème des salaires se pose constamment. On voit bien que c'est le thème de loin le plus fréquent dans les conflits sociaux. Même les conventions collectives sont loin, de la réalité des entreprises130(*). Les conflits sociaux sur le salaire sont le plus souvent animés par le problème du rapport entre l'évolution des prix et celle des salaires qui se posent constamment.

Pour tenter de résoudre ce problème du rapport prix salaire, une revalorisation de l'indice salariale et du salaire a été pratiquée au Cameroun par exemple131(*) et se veut en « constante évolution »132(*). Ceci dit les augmentations ainsi instituées dans une situation de crise, restent relativement limitées. En outre l'applicabilité de ces mesures semble compromise à cause du peu de moyens que détiennent les organes de contrôle. Ce qui signifie que les taux de salaires tels que institués après avis de la Commission Nationale Consultative de Travail (CNCT) et par les Conventions Collectives et Accords d' Etablissement (CCAE), ne sont pas toujours respectés par les employeurs, faute de contrôle efficient. Il semble, à notre humble avis, procédé à d'autres moyens pour remédier aux problèmes des conflits que pose la question du salaire. A notre sens, le législateur communautaire pour résoudre la question peut adopter un système d « échelle mobile » des salaires133(*) (système qui se pratique déjà dans les pays tels que la Belgique, l'Italie, le Danemark). C'est un moyen qui permet de garantir le pouvoir d'achat des travailleurs même si certains employeurs y voient un facteur d'inflation. En plus, pour assurer au salarié une garantie efficiente du paiement de son salaire il est nécessaire d'opter pour un circuit de paiement au contrôle efficace.

2- Essai de proposition d'un circuit de paiement du salaire.

Le travail est aujourd'hui pour la grande majorité des individus, la source principale du leurs revenus et partant de leur autonomie134(*). Le salaire est alors censé rémunérer le travail fourni ou la force de travail consommé135(*). Le principe de la « méritocratie »136(*) est une des caractéristiques principales qui distinguent la société capitaliste des autres formes de société. Pour assurer une garantie effective du paiement de son salaire à l'employé nous proposons le circuit suivant que certaines entreprises devraient utiliser.

En effet, pour certaines entreprises minoritaires malheureusement, le paiement du salaire ne s'effectue pas par les banques. Nous estimons à notre humble avis que l'élargissement de cette pratique à toutes les institutions financières (microfinance et l'établissement de crédits) serait un moyen de contrôle efficace du paiement des salaires partant du taux arrêté par les partenaires sociaux. Ce système de contrôle implique à coût sur les organisations syndicales, les pouvoirs publics et les représentants du personnel qui doivent veiller au respect de la norme.

Bien évidemment le contrôleur installé dans l'établissement financier est chargé de veiller à la disponibilité du salaire exacte de l'employé et d'en informer aussitôt les partenaires (employeur et salarié). Cette mesure non seulement est créatrice d'emplois, mais elle permet aussi un meilleur contrôle du paiement du salaire. Et cela pourrait s'étendre jusqu'au secteur informel qui n'est pas encore codifié sur le plan de la masse salariale.

* 119 Aussi bien les codes du travail des Etats membres, aussi bien l'avant projet sur le droit du travail on institué des mesures en ce sens.

* 120 Il s'agit des codes des Etats comme le Gabon, le Congo, la RDC, du Sénégal, du Mali, de la Côte d'Ivoire etc.

* 121 Cette notion sera largement abordée dans notre paragraphe II

* 122 Définition tirée du lexique des termes juridiques 13è ed. Dalloz 2001

* 123 Motor Boris, Thouveno Sébastien, Pilkingen Nanetle, David Sellers le droit uniforme des affaires issus de l'OHADA du juris classeur, 2004, p. 27

* 124 PELLISSIER J., SUPIOT A., JEANMAUD A., op.cit P.3-4

* 125 Le consentement est l'une des conditions essentielles pour la validité d'un contrat quel qu'il fut. Voir pour les développements le Code civil applicable au Cameroun 2ème éd.JUS AND DATA 1998, p.278

* 126A. JEANMAUD, M. LE Friant, A. LYON-CAEN L'ordonnancement des relations du travail D. 1988 Chron. 359 Cité par J. PELISSIER, A. SUPPIOT., A. JEANMAUD, Droit du travail ed. Dalloz 2004 P. 645

* 127 Au Cameroun aucune convention collective nouvelle n'est conclue et sur le terrain la fixation des catégories professionnelles et salaires obéit à la classification professionnelle nationale type élaborée depuis 1970

* 128 Le salaire ne peut dépasser un certain seuil, il existe un temps précis pour le paiement du salaire, le salaire ne peut être saisi, ni cédé que sous certaines conditions, le salaire bénéficie de certains privilèges.

* 129 Il s'agit du paragraphe I de la section II du chapitre I de la première partie de notre mémoire.

* 130J. FOURNIER, N. QESTIAUX, traité du social luttes, situations, politiques, institutions 4 ed. Dalloz 1984

* 131 Décret n° 2008/245 PM du 24 juin 2008 pour le SMIG qui passe de 23514 FCFA à 28216 FCFA

* 132 Propos du Ministre du travail et de la Sécurité sociale du Cameroun lors d'un point de presse, in Cameroon Tribune du 04 juillet 2008 P.19

* 133 Pour les développements voir J. FOURNIER op. cit. P.213

* 134 Pour les développements voir J. FOURNIER op. cit.213

* 135 Jean Louis CAYATTE, qualification et hiérarchie des salaires ed. Economica, 1983. p7.

* 136 La « méritocratie » CAYATTE la désigne comme un principe selon lequel les individus doivent être rémunérés en fonction de la part qu'ils prennent à la production op cit 97.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille