la protection du salarié dans l'avant projet d'acte uniforme ohada portant droit du travail( Télécharger le fichier original )par Bibiane Irène Deya université de Douala - DESS juriste conseil d'entreprise 2006 |
CHAPITRE PREMIER:L'ELABORATION DES MESURES DE PROTECTION DU TRAVAIL DU SALARIE. Au principe même du droit du travail, figure le dessein d'assurer la protection du salarié contre les abus possibles de l'autonomie de la volonté. Cette protection du salarié emporte dans sa signification, l'intervention depuis l'origine, des mesures d'ordre public dont on ne peut déroger par la volonté contraire des parties. Laquelle autonomie de la volonté voudrait que les différents partenaires sociaux soient libres de contracter ou non, choisir la personne de son contractant, déterminer librement le contenu de son contrat. Cette liberté contractuelle qui voudrait que le seul échange de consentement suffise pour créer l'obligation27(*). Le législateur OHADA dans cette même logique de garantir au salarié une sécurité juridique à toute épreuve, va instituer un corps de règles qui lui seront appliquées. L'objectif premier est d'élaborer des mesures assurant au salarié la conservation de son emploi (section I) et l'obtention de la contre partie du travail fourni, surtout lorsque l'on sait que la rémunération est le principal moyen de subsistance du salarié (section II). SECTION I : LA PROTECTION DE L'EMPLOI DU SALARIE.Protéger l'emploi du salarié signifie à notre sens la prise des mesures nécessaires assurant la conservation de cet emploi. Le droit du travail Camerounais, a institué un arsenal de mesures de garantie de l'emploi du salarié de la conclusion de son contrat aux suites de la cessation du contrat de travail28(*). Ce même objectif est repris par le législateur communautaire dans son processus d'harmonisation des législations de la sous région dont le futur acte uniforme portant droit du travail est encore en phase d'Avant-projet. Pour ce faire, l' APAUDT institue des mesures de protection de l'emploi du salarié dans un cadre général (para I) ; et élabore des mesures spécifiques de protection pour une catégorie précise de salariés (para II). PARAGRAPHE I : LES MESURES DE PROTECTION DE L'EMPLOI DUSALARIE DANS UN CADRE GENERAL. Dans la relation contractuelle de travail, les forces en présence sont d'inégale valeur. Le salarié dont la situation économique est peu reluisante, se trouve face à l'employeur dont la suprématie économique sur le salarié n'est plus à démontrer ; Car il est le détenteur de l'emploi que le salarié recherche pour sa survie. A ce titre, sécuriser juridiquement l'emploi du salarié est le fait de prendre toutes les mesures nécessaires pouvant lui assurer la conservation de son poste de travail. Cette protection commence dès la mise en relation par un contrat dument signé (A) et par l'assurance au cours de l'exécution du contrat des conditions décentes du travail (B) A- LA CONTRACTUALISATION DE LA RELATION DE TRAVAIL. Il est clairement prévu dans l'APAUDT que : « le contrat est conclu librement»; de même « l'existence du contrat est constaté sous réserve des dispositions du présent acte uniforme, dans les formes qu'il convient aux parties contractantes d'adopter »29(*). Il ressort clairement de cet article que la relation entre partenaires sociaux tire sa source de la conclusion d'un contrat. Lequel contrat met ici en exergue la liberté contractuelle telle que découlant de la doctrine de l'autonomie de la volonté. La question de la contractualisation des relations du travail n'est pas une innovation du texte communautaire OHADA, car les Etats membres ont, non seulement déjà légiféré sur la question mais aussi la jurisprudence est abondante. Nous pouvons dans ce sens cité comme exemple le Cameroun en la matière.30(*) Le droit du travail constitue l'une des composantes essentielles de l'environnement juridique de l'entreprise. La relation individuelle du travail est régie par un cadre légal dont les dispositions sont d'ordre public. Le contrat du travail est important pour fixer les obligations du salarié mais les stipulations contractuelles ne pouvant priver ce dernier des dispositions protectrices prévues par la loi, les conventions collectives applicables aux relations entre parties et les principes dégagés par la jurisprudence. Il est donc aisé de comprendre que l'APAUDT puisse instituer les différentes formes sous lesquelles les contrats unissant directement employé et employeur doivent être conclus (1). Bien plus, dans le souci de flexibilité dans l'emploi et afin de permettre aux employeurs de faire face aux différents difficultés économiques ou en fonction de leurs activités économiques, une autre catégorie de contrat a été institué (2). 1- la protection du salarié dans un cadre individuel. Les relations individuelles du travail se développent au sein de l'entreprise et sont dominées par la liberté contractuelle même si parfois des priorités sont imposées à l'employeur31(*), C'est donc dire que c'est de la conclusion du contrat de travail que va débuter la relation de travail.. Le contrat du travail n'est conclu qu'à partir du moment où il y'a eu échange du consentement non vicié. Les caractéristiques principales du contrat de travail sont : la prestation de service, le lien de subordination et la rémunération qui est la contrepartie du travail effectué. En vertu du consensualisme qui est le principe de base de la liberté contractuelle, aucune forme n'est exigée aux parties au contrat. Mais, le principe comporte quelques exceptions dans la mesure où le législateur y est intervenu pour instituer différentes formes nouvelles de contrats de travail. Il s'agit d'abord du contrat à durée déterminée (CDD) qui doit être constaté par écrit à défaut d'être réputé conclu pour une durée indéterminée(CDI)32(*). Il en est de même de l'engagement à l'essai qui à peine de nullité doit être « expressément constaté par un écrit33(*)» ; du contrat à temps partiel34(*) , le travail de l'étranger que l'APAUDT renvoi aux législations de chaque Etat membre35(*). Ce qui à notre sens n'est pas louable dans la mesure où cette disposition fait échec à l'objectif d'harmonisation des législations nationales : objectif premier du traité OHADA. Il ne pourra de ce fait être appliquer au même salarié une législation de travail identique quand on sait que des différences existent au delà des frontières. Il est à noter que l'absence du formalisme dans la conclusion du contrat de travail a ainsi pour corollaire la liberté de preuve de celui-ci. Cette solution a une importance indéniable dans la mesure où elle empêche à certains employeurs qui ont pour habitude de ne pas s'engager par écrit même si on le sait que le salarié pourra prouver l'existence du contrat de travail à ce moment avec beaucoup de difficultés. Il appartient alors au juge de chercher qu'elle a été l'intention des parties. Il est judicieux de relever qu'en matière de contentieux social, le juge est très souvent amené à se prononcer sur l'existence ou la non existence d'un contrat de travail. Cet état de chose résulte du fait que les employeurs veulent se soustraire à leurs obligations et échapper aux conséquences juridiques relatives à la rupture du contrat de travail. La prudence voudrait que les parties passent des contrats écrits surtout qu'ils ne génèrent ni droit de timbre, ni droit d'enregistrement36(*). Les relations de travail sont essentiellement individuelles, issus de la conclusion des contrats unissant directement employeurs et salariés. Mais elles ne sont plus régies par le seul accord des volontés et sont considérablement influencées par les rapports collectifs de travail. 2- la protection du salarié dans un cadre collectif. Le contrat de travail est le point de départ de la relation individuelle de travail, qui s'inscrit elle-même dans les rapports collectifs de travail plus vastes auxquelles le contrat de travail est assujetti. Dans l'entreprise et dans la profession, les rapports entre employeur et salariés sont régies par des règles de portée collective : Règlement Intérieur, Représentation du Personnel, Accords Collectifs d'établissement ou d'entreprise, Conventions Collectives, et bien d'autres37(*). Il n'est donc pas étonnant que les législations des Etats membres de l'OHADA le prévoient et que l'avant-projet portant droit du travail le précise dans ses dispositions. Toutes ces mesures de portée collective qui participent de ce qu'on nomme « négociation collective », ont pour dénominateur commun l'amélioration de la situation du salarié au sein de l'entreprise et dans ses rapports avec son employeur. Les négociations collectives veulent aboutir à la conclusion d'une convention collective de travail38(*). Celle-ci peut être définie comme « un acte juridique de caractère contractuel, auquel une des parties au moins est un groupement, et qui a pour objet la réglementation des rapports de travail39(*). La convention ou l'accord collectif comme l'article 204 de l'Avant projet de travail le précise, est « un accord écrit relatif aux conditions de travail et aux garanties sociales conclu entre : - D'une part, les représentants d'une ou plusieurs organisations syndicales ou groupements de syndicats professionnels, et - D'autre part, une ou plusieurs organisations d'employeurs, ou un ou plusieurs employeurs pris individuellement ». La particularité ici, ou même l'innovation, résulte du fait que le champ d'application territorial ou professionnel de la convention ou l'accord collectif peut être aussi régional. Ainsi une même convention collective peut être appliquée aux entreprises d'un même secteur d'activité dans l'espace OHADA. Les conventions collectives et accords collectifs sont de véritables instruments de protection du salarié quelque soit le secteur d'activité dans lequel il exerce, De ce fait, lorsque les dispositions d'une convention collective ou d'un accord d'établissement sont plus favorables, elles priment sur les autres textes. La négociation collective qui est quant à elle reconnue aux syndicats, se situe « à mi- chemin de la simple liberté publique économique et de la délégation du pouvoir législatif»40(*). Les conventions collectives renforcent le rôle des syndicats et le caractère collectif des rapports de travail et jouent un rôle décisif dans la détermination des conditions de travail. B- L'ASSURANCE DES CONDITIONS DECENTES DE TRAVAIL. Au moment de la signature du contrat de travail, le travailleur seul est le plus souvent intéressé seulement par le montant de sa rémunération. C'est bien plus tard au cours de l'exécution de son contrat de travail qu'il va s'intéresser aussi bien à l'ambiance et au rythme du travail au sein de l'entreprise, à la durée du travail qu'il est tenu d'accomplir, au repos et aux congés qui lui seront dus, bref, aux conditions de travail. Assurer au salarié des conditions décentes de travail revient à lui fournir un travail décent dans des conditions d'hygiène, de santé et de sécurité ; bien plus l'atmosphère dans laquelle il va devoir travailler ne doit pas être lourde ; en sus il doit pouvoir travailler dans des conditions lui permettant d'exécuter son travail tout en s'épanouissant. Lors de la conclusion du contrat de travail, les parties fixent librement les conditions de travail. Mais quelle volonté peut avoir le salarié dans la situation de dépendance économique dans laquelle il se trouve et qui le conduit à de trop faciles abandons ? Quand bien même il aurait exprimé sa volonté à ce moment, sa subordination juridique peut pousser l'employeur pendant l'exécution du contrat, à le soumettre à certaines conditions de travail peu avantageuses à celles de départ. Dans cette situation le salarié est souvent tenté de refuser et cela à ses risques et périls, amenant ainsi l'employeur à prendre l'initiative de la rupture du contrat. Il est reconnu à l'employeur, le pouvoir d'élaborer les conditions de travail. Il le fait par un règlement intérieur affiché sur les lieux de travail. Malgré son caractère unilatéral41(*), le contenu du règlement intérieur doit être adapté aux règles générales édictées par les lois, règlements et conventions collectives aux caractéristiques techniques et économiques de l'entreprise considérée42(*). il ressort de l'article 112 de l'APAUDT que, le règlement intérieur,est un document par lequel l'employeur précise les règles relatives à l'organisation technique du travail, à la discipline, aux prescriptions concernant la santé et la sécurité au travail et aux modalités de paiement du salaire. La volonté de garantir au salarié des conditions de travail n'est certes pas une innovation de la législation communautaire, elle a été depuis longtemps codifiée par les législations nationales des Etats et se manifeste aussi bien dans l'organisation technique du travail (1) que dans la prescription des mesures de santé et de sécurité (2). 1- l'organisation technique du travail. L'organisation technique du travail concerne, d'une part les mesures d'organisation touchant aux horaires, à la discipline, à l'hygiène et à la sécurité, et d'autre part aux sanctions encourues en cas de violation de ces mesures43(*). Bien que ces mesures soient contenues dans le règlement intérieur, elles doivent être conformes à la prochaine législation communautaire sur le travail. D'après l'article 82 de l'Avant projet OHADA sur le droit du travail « la durée légale du travail ne peut excéder quarante (40) heures par semaine. La durée quotidienne du travail effectif par travailleur ne peut ne peut excéder dix (10) heures, sauf dérogation fixée par l'Etat Partie ». Exception faite cependant des exploitations agricoles44(*). L'APAUDT prévoit les dispositions légales d'une durée de travail effectif45(*). Bien plus, il est précisé en son article 82 al.2 in fine que la durée de travail est fixée à 2400 heures de travail par an, dont les dispositions particulières et dérogatoires de mise en oeuvre sont déterminées dans chaque Etat partie46(*). Il en est ainsi du titre III sur les conditions de travail ; lequel titre règlemente la durée de travail et repos (chapitre I), les congés payés (chapitre II) et des transports et voyages (chapitre III) ; Les horaires du travail sont des éléments importants dans les conditions de travail, parce qu'ils sont en relation directe avec la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs47(*). 2- La réglementation des mesures de santé et de sécurité. La santé et la sécurité sont des éléments importants en entreprise, un peu plus dans les entreprises industrielles. Les employeurs ont tendance à vouloir éluder l'application de ces mesures de santé et de sécurité à cause de leurs nombreuses obligations en la matière et du fait qu'elles sont la cause de dépenses financières considérables. On comprend dès lors la volonté du législateur à faire respecter avec rigueur les mesures de santé et de sécurité prescrites ; l'objectif de la réglementation étant d'offrir aux travailleurs les meilleures conditions d'hygiène et de sécurité au travail48(*) L'APAUDT, dans ce même souci de protéger la santé et la sécurité des travailleurs vient réglementer avec minutie la santé et la sécurité sur les lieux du travail en 30 articles précis sur la question49(*). De ce fait il institue des obligations impératives à l'employeur permettant d'assurer tout d'abord la protection des salariés contre toute atteinte à la santé résultant des conditions dans lesquelles le travail s'effectue ; ensuite, de contribuer à l'adaptation des postes, des techniques et des rythmes de travail à la physiologie humaine, à l'établissement et au maintien du meilleur degré possible de bien être physique et mental des salariés et enfin de contribuer à l'éducation sanitaire des salariés par un comportement conforme aux normes et consignes de santé et de sécurité. Toutefois, les modalités d'application sont du ressort de pour ce qui est chaque Etat partie, précise l'art.136 de l'APAUDT. * 27Voir sur la question les développements faits in Le principe de l'autonomie de la volonté à l'épreuve des contrats de consommations, mémoire de DEA HAMOA Hamidou p.12 * 28 Loi n° 92/007du 14 Août 1992 portant code du travail du Cameroun. * 29 Art. 14 APAUDT * 30 CS arrêt n°143/S du 17sept. 1987 (SF CAT C/ Arnaud Blaise) p53, CS arrêt n°133/Sdu16 juillet. 1987 CHE Company C/ Ekono Attong Alphonse p54pour ne citer que ceux là la liste étant exhaustive, jurisprudence sociale annotée Tome2 P.G. POUGOUE, V. TCHOKOMAKOUA éd.86-87 p.53 * 31 L'entreprise doit être entendue au sens générique du terme c'est-à-dire, le lieu où le travailleur exerce son activité, ou se déroule sa carrière et où se nouent les rapports travailleur employeur cf. GOUTE Masson & Cie, droit du travail,Paris 1974 pp16-17 cité par P. G.POUGOUE p. 71 op. cit. * 32 Art. 21 al.2 APAUDT * 33 Art.17 APAUDT * 34 Art.25 al.2 APAUDT * 35 Décret n°93/571/PM du 15 juillet93 fixant les conditions d'emplois des travailleurs de nationalité étrangère pour certaines professions ou certains niveaux de qualifications professionnelles * 36 Art 14 al.1 APAUDT * 37 Par exemple au Cameroun nous avons le Décret n°93/577/PN du 15 juillet. 93 fixant les conditions d'emplois des travailleurs temporaires, occasionnels ou saisonniers * 38 Les conventions collectives sont une des instituions les plus originales et les plus importantes du droit de travail contemporain * 39Pierre D - Ollier, le droit du travail collection U Armand collin, Paris 1972 p.319 * 40 En ce qu'ils créent le droit, édicte les règles et sont en quelque sorte inviolables * 41 Le règlement intérieur est du seul ressort de l'employeur qui édite les règles de discipline et les sanctions encourues en cas d'indiscipline * 42 G.H CAMERLYNCK., G.CAEN LYON, droit de travail op. cit. n° 376 p630 cité, par P.G POUGOUE, V. TCHOKOMAKOUA, Jurisprudence sociale annotée tome2,an. 86-87, col. Droit, économie et sociologie du travail et des relations professionnelles p.9 * 43 Il s'agit de la durée du travail et repos, de l'aménagement du temps de travail de nuit, de repos quotidien, hebdomadaire, des jours fériés, des congés payés chap. 1 & 2 APAUDT * 44 La durée de travail est fixé ici à 2400 heures de travail par an, art. 82 al.2 in fine APAUDT * 45 La durée de travail effective est le temps pendant lequel le travailleur est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles * 46 Décret n° 68/DF/250 du juillet. 1968 fixant les modalités d'application de la durée du travail et déterminant le régime des dérogations dans les entreprises agricoles et assimilés pour le Cameroun * 47 Section 2 de l' APAUDT sur l'aménagement du temps de travail. Il s'agit des articles 88 à 92 * 48 L'arrêté n° 039/MTPS/IMI du 26 nov. 1984 fixe les mesures générales d'hygiène de sécurité sur les lieux de travail au Cameroun * 49 De l'art. 135 à 164 de l'APAUDT. |
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