II- Historique
16- Pour certains auteurs, la loi de 1930 était une
bonne loi, et même novatrice tant qu'elle recherche un juste
équilibre entre l'assureur et l'assuré. En effet, il semble que
les auteurs de cette loi, tout en codifiant les usages suivis par les
compagnies et les règles techniques posées par la jurisprudence,
ont essayé de protéger les assurés contre les abus des
compagnies26. D'autres, au contraire, avaient des doutes sur la
conformité de cette loi aux intérêts des consommateurs des
assurances. Il s'agit, notamment, des associations de consommateurs et de la
Commission des clauses abusives.
17- La Commission des clauses abusives a examiné,
maintes fois, les contrats d'assurances élaborés par les
compagnies d'assurance pour certains types de risques. Cet examen a
donné lieu à quatre recommandations27 qui ont
été adressées aux pouvoirs publics dans l'objectif de
prendre l'initiative pour opérer des modifications
législatives.
25 C. ELISHBERG, Risques et assurances de responsabilité
civile, 4ème éd. L'Argus, Paris, 2002, p. 16.
26 Le contrat d'assurance est l'exemple type du contrat
d'adhésion. En effet, en raison de la puissance économique de
l'assureur, l'assuré ne peut, bien souvent, qu'adhérer à
l'ensemble des clauses des polices types qui lui sont proposées. Or ces
contrats types rédigés par les compagnies peuvent comporter des
clauses draconiennes pour l'assuré.
27 Il s'agit des quatre recommandations suivantes :- une
recommandation du 20 septembre 1985 en matière de contrats multirisques
habitation;- une recommandation du 19 mai 1989 en matière de
contrats automobile;- une recommandation du 10 novembre 1989 en
matière d'assurances complémentaires à un contrat de
crédit; - une recommandation du 10 novembre 1989 en matière de
contrats « dommages ouvrages »
La Commission a adressé plusieurs critiques très
sévères, car plus d'une cinquantaine de clauses
rédigées par les compagnies ont été jugées
abusives. Autrement dit, ces clauses « ont pour objet ou pour effet de
créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un
déséquilibre significatif entre les droits et obligations des
parties au contrat »28.
18- Un seul exemple suffira pour illustrer notre propos. Il
s'agit de celui de la déclaration du risque. En effet, l'ancien
système, issu de la loi de 1930, invitait l'assuré à
déclarer à son assureur tout ce qui pouvait être utile
à celui-ci pour avoir une idée exacte du risque à
garantir. La difficulté d'un tel dispositif étant que
l'assuré ne pouvait savoir quelles informations allaient se
révéler pertinentes pour l'assureur. Ce dernier découvrait
souvent, au moment de délivrer sa garantie, que des informations
importantes pour sa mutualité n'avaient pas été
délivrées par l'assuré et demandait alors la
nullité du contrat.
19- Le procédé était condamné par
la Commission des clauses abusives qui recommandait que l'assureur en tant que
véritable professionnel du contrat d'assurance, doit proposer à
chaque candidat à l'assurance un questionnaire comprenant autant de
questions claires et précises que nécessaires pour
lui29. De ce fait, l'assureur peut se faire une idée exacte
du risque à garantir pour chaque type d'assurance. En effet,
l'expérience des compagnies dans les diverses branches d'assurance,
permet à l'assureur d'établir des questionnaires de plus en plus
minutieux. C'est afin d'éviter qu'une question et, par voie de
conséquence qu'un risque ne soit pas omis de l'analyse.
20- En outre, la présence d'un questionnaire n'a pas
conduit la Cour de cassation à proclamer une suppression radicale de
l'exigence de la déclaration spontanée. En effet, le
questionnaire a permis d'évaluer l'exactitude des déclarations
faites à l'assureur. C'est dès 1985 que la Cour de cassation a
admis que les juges du fond sont en droit de considérer que l'exactitude
de déclarations faites par l'assuré doit s'apprécier en
fonction des questions posées par l'assureur dans son
questionnaire30.
28 V. art. L. 132-1 du code de la consommation.
29 Recomm. N°85-04, 20 sept. 1985 cité in Lamy
assurance, op.cit, p.41. V. aussi l'article L. 113-2 du Code des assurances
dans sa nouvelle rédaction après la réforme de 1989.
30 Cass. 1re civ, 2 juill. 1985, n°84-12.605,
RGAT 1985, p.534, note F. CHAPUISAT ; D. 1986, jur, p. 509, note C.-J. BERR et
H. GROUTEL ; Gaz. Pal. 1985, 2, pan. p. 355, note A. PIEDELIEVRE.
21- De plus, le fait que l'assureur s'abstienne de poser une
question peut permettre au déclarant d'être dispensé de
l'obligation de déclaration spontanée à ce propos
précis. En ce sens, la décision d'une Cour d'appel, qui avait cru
pouvoir retenir qu'il n'incombe pas à l'assureur de faire remplir un
questionnaire médical qui couvrirait toutes les hypothèses
d'état de santé de l'assuré, a été
cassée. En effet, pour cette Cour, ce dernier était tenu de
l'obligation de sincérité qui consistait à déclarer
toute circonstance connue de lui : en d'autres termes, cette obligation
impliquait de ne pas s'arrêter aux seules questions posées. La
cour de cassation a clairement dit qu'il ne peut être fait grief à
l'assuré de ne pas avoir fait de déclaration au-delà de la
seule question posée31. En assurances de dommages, cette
solution est confirmée par l'arrêt de principe de la
première chambre civile précité32.
22- C'est à travers de cette évolution
législative et jurisprudentielle que les règles spéciales
de la déclaration de risque dans les assurances de dommages sont
développées d'une façon plus ou moins dérogatoire
au droit commun des obligations d`information. Cette dérogation relative
trouve sa justification à la fois dans la nature du contrat d'assurance
et dans la qualité des parties.
Il serait pourtant légitime de savoir quelle est
l'incidence de cette évolution sur cette notion dans son aspect
théorique et pratique. Autrement dit, dans la mesure où
l'obligation de déclaration de risque est une déclaration
spéciale, quelles seront les incidences du droit commun des obligations
d'information sur l'obligation de déclaration de risque (Titre I) et les
conséquences du non respect de cette obligation (Titre II). Il s'agit
donc de cerner toutes les spécificités qui ont une incidence sur
l'exécution ou l'inexécution de cette obligation.
31 Cass. 1re civ. 17 mars 1993, n°91-10.041, RGAT
1993, p.547, note MAURICE.
32 Civ. 2e, 15 fevr. 2007, n° 05-20.865, Bull.
civ. II, n° 36; D. 2007. Jur. 1635, note D. NOGUERO; RDI 2007. 320, obs.
P. DESSUET; RCA 2007, Comm. N° 172, note H. GROUTEL; RGDA 2007. 327, note
S. ABRAVANEL-JOLLLY.
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