Paragraphe II- Au niveau du contenu
L'obligation d'information, en droit commun, suppose tout
d'abord la connaissance du contenu et ensuite son importance aux yeux du
contractant. Il s'agit, en droit des assurances, d'une part, la connaissance de
risque (A) et d'autre part, l'importance des circonstances à
déclarer et leur influence sur l'opinion de l'assureur (B).
A- La connaissance des risques
Il s'agit, d'une part, la connaissance des circonstances par
l'assuré et son assureur. La connaissance du risque par ce dernier
réside dans le périmètre de ses questions. A ce titre,
l'assuré n'est tenu de déclarer que les circonstances connues de
lui et qui ont fait l'objet d'une question posée par l'assureur.
55- Quant à la connaissance du risque par
l'assuré, le principe est qu'on ne peut pas être tenu de
révéler ce que l'on ignore65. La Cour de cassation a
admet deux exceptions sur ce principe. Il s'agit d'une présomption
irréfragable de connaissance de l'information par le professionnel,
dès lors que celle-ci entre dans le domaine de sa
spécialité. Quant à la seconde exception, elle est
fondée sur l'existence, à la charge du professionnel, d'une
obligation de s'informer pour informer66. Cette technique est
désormais bien connue en matière de vente, où une
jurisprudence constante assimile le vendeur professionnel à un vendeur
de mauvaise foi; c'est-à-dire à celui qui connaissait les vices
cachés de la chose vendue67.
En droit des assurances, l'article L.113-2 du Code des
assurances, dans sa
64 V. Traité de droit des assurances, op, cit, p.71 5.
65 V Thèse de Mme FABRE-MAHNAN, De l'obligation
d'information dans les contrats. Essai d'une théorie : LGDJ 1992,
N° 244.
66 Sur cette obligation, v. spécialement Mme.
FABRE-MAHNAN, op. Cit, n° 246 s. - J. GHESTIN, op. Cit. N° 640.
67 V. spécialement Cass. 1re civ. 21 nov. 1972 : JCP G
1974, II, 17890, note J. GHESTIN.
rédaction issue de la loi du 13 juillet 1930,
précisait que l'assuré est tenu de déclarer les
circonstances connues de lui. Cette expression a disparue à l'occasion
de la réforme du 31 décembre 1989, la loi n° 89-1014.
L'intérêt d'ignorer un fait peut ici être observé.
Parfois, l'idée de conscience intervient 68: on peut
connaître un fait, mais ne pas être conscient de sa correspondance
avec la question posée par l'assureur, qui ne peut pas, ensuite,
reprocher une inexactitude dans la déclaration69.
56- La preuve de la connaissance des circonstances par
l'assuré incombe sur l`assureur. Ce dernier doit prouver que
l'assuré avait connaissance des circonstances qu'il aurait dû
avancer à l'occasion de certaines questions posées. En effet, il
doit prouver qu'il a effectivement posé les questions
nécessaires, mais que l'assuré n'y a pas répondu
correctement70.
57- S'agissant la connaissance des circonstances par
l'assureur, elle réside dans la rédaction du formulaire de la
déclaration. A cet égard, les circonstances doivent faire l'objet
d'une question de la part de l'assureur. Par conséquent, la
déclaration de l'assuré est provoquée et guidée par
l'assureur selon la jurisprudence71.
En l'espèce, une société de gestion de
portefeuilles, a souscrit un contrat d'assurance de responsabilité
civile professionnelle après avoir été informée,
d'une action engagée à son encontre par la Commission des
opérations de bourse. Aucune question ne lui ayant été
posée sur cette circonstance, la société s'abstint d'en
informer l'assureur, moyennant quoi on ne peut pas dire qu'elle fut d'une
parfaite loyauté. Une Cour d'appel lui a reproché de s'être
« abstenue, d'une manière qui n'a pu qu'être
délibérée et destinée à tromper la
société d'assurance, d'aviser celle-ci de la procédure de
contrôle en cours, réticence qui était de nature à
modifier l'opinion qu'elle se faisait du risque à assurer ».
58- En dépit de ce contexte défavorable pour la
société de gestion de portefeuilles, il est reproché
à la Cour d'appel de n'avoir pas constaté que l'assureur avait
posé une
68 Voir J. BIGOT, « Discrimination, droit européen et
national », R. du Courtage, Juillet 1993, n°673, p.675.
69 Cass. . 1re civ. 6 janv. 1994, n° 91-20.095,
n° 30, RGAT, 1994, p.474, note F. CHARDIN.
70 Cass. 1re civ. 7 Juill. 1987, D. 1988, p. 158.
71 Civ. 2ème 15 fève. 2007, Bull. civ. II n°
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question qui aurait dû conduire l'assuré à
déclarer les circonstances concernées72. La solution
peut apparaître drastique. Elle s'inscrit pourtant dans les objectifs de
la réforme de la loi du 31 décembre 1989. En effet, le
législateur a voulu substituer à la déclaration
spontanée de l'assuré, une déclaration encadrée et
guidée par les questions de l'assureur. C'est, donc, la justification de
la seconde condition relative à la déclaration du risque.
B- L'importance des risques
59- L'assuré doit seulement déclarer les
circonstances connues de lui et qui ont une importance aux yeux de son
assureur. Il s'agit de celles qui pourraient inciter l'assureur à
demander une prime plus élevée, à limiter la garantie, ou
même à la refuser, en raison de la probabilité de la
survenance du sinistre et de la possibilité d'invoquer la
responsabilité de l'assuré ou de voir la sienne engagée,
par exemple. Autrement dit, pour que le risque soit obligatoirement
déclaré, il faut que les circonstances connues par
l'assuré aient une incidence sur l'opinion de l'assureur. Cette
condition tient à la connaissance, par l'assuré, de l'importance
que revêt l'information chez son assureur.
60- Avant la réforme du 1989, c'était
l'assuré qui doit apprécier l'importance des circonstances et
leur influence sur l'opinion de l'assureur. L'ancien article L. 113-2 du code
des assurances, dans sa rédaction issue de la loi du 13 juillet 1930,
précisait que l'assuré est tenu de déclarer les
circonstances connues de lui. Dans le cadre d'une déclaration
spontanée, c'est à l'assuré qu'il incombe de
déterminer si telle ou telle circonstance connue de lui a ou non une
incidence sur l'appréciation du risque par l'assureur. L'objet
même de déclaration, lors de la souscription et en cours de
contrat, dépend de cette incidence73.
61- En conséquence, les sanctions d'une
déclaration inexacte ou incomplète, avec ou sans mauvaise foi,
supposent toujours que l'inexactitude ou l'omission ait porté sur une
circonstance qui avait une telle incidence. Par contre, il importera peu que le
risque omis n'ait pas eu d'influence sur le sinistre, dès lors que
dès l'origine, l'opinion du risque de l'assureur a été
faussée. L'assuré doit, donc, lors de la déclaration du
risque,
72 Civ. 2e, 15 fevr. 2007, n° 05-20.865, Bull.
civ. II, n° 36; D. 2007. Jur. 1635, note D. NOGUERO; RDI 2007. 320, obs.
P. Dessuet; RCA 2007, Comm. N° 172, note H. GROUTEL; RGDA 2007. 327, note
S. ABRAVANEL-JOLLLY.
73 P. FIL, L'obligation d'information et de conseil en
matière d'assurance, op, cit, p.82.
tenir compte de l'opinion de l'assureur74.
L'inconvénient de ce système réside dans le fait que
l'assuré n'étant pas, le plus souvent, un juriste ou un
spécialiste de la matière dans ses enjeux techniques. Il lui
était difficile de remplir son obligation de manière
satisfaisante. C'est la raison pour laquelle la commission des clauses abusives
a lutté contre ce système.
62- Depuis la loi du 31 décembre 1989, la
déclaration rendue obligatoire par les dispositions légales n'est
plus spontanée. Elle est cantonnée aux circonstances qui
correspondent aux questions posées par l'assureur. C'est donc à
ce dernier qu'il appartient de préciser les circonstances qui lui
permettent d'évaluer correctement le risque à garantir. En effet,
il ne saurait être fait grief à l'assuré en l'absence
d'interpellation précise de ne pas avoir spontanément
déclaré l'existence d'incidents ou de sinistres antérieurs
à la souscription du contrat. L'assureur qui n'a pas posé des
questions, en ce sens, ne peut, à l'appui de sa demande en
nullité du contrat d'assurance pour fausse déclaration
intentionnelle ou réticence, se prévaloir des conditions
générales du contrat
d'assurance75.
63- En droit commun, l'article 1315 du Code civile oblige
celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la
prouver76. Dans ce sens, l'assureur qui demande l'application de
l'une des sanctions prévues par les articles L. 113-8 ou L. 113-9 du
Code des assurances, doit prouver l'incidence des circonstances non
déclarées sur son opinion. C'est à lui qu'il incombe de
prouver que la circonstance non déclarée ou inexactement
déclarée était de nature à lui permettre
d'apprécier le risque77. Il doit prouver que s'il avait eu
connaissance de la circonstance en cause, il n'aurait pas accordé sa
garantie ou il aurait appliqué une prime plus élevée. Il
convient de s'attacher ici à deux cas différents. Le juge du fond
est en principe tenu de répondre aux moyens de l'assureur qui
soutiennent la réalité d'une telle incidence. Si sa
décision, positive ou
74 V. n° 26 et s.
75 Voir Cass. 2em civ. 15 Fève., 2007, Dalloz, 2007, p.
1635, note DAVID ; CA Paris, 19e ch., sect. B, 24 janv. 2002 : Juris-Data
n° 2002-16669.
76 Dans un sens large, établissement de la
réalité d'un fait ou de l'existence d'un acte juridique. Dans un
sens plus restreint, procédé utilisé à cette fin.
Lorsque les moyens de preuve sont préalablement déterminés
et imposés par la loi, la preuve est dite légale. Dans le
contraire, elle est dite libre. V. R. GUILLIEN et J. VINCENT, 13me éd.,
2001, p. 434.
77 Cass. Crime., 13 novembre 1986, n°8592. p. 67 note J.
BIGOT.
négative, ne fait pas apparaître la recherche de
celle ci, elle doit être cassée78.
En outre, le problème de l'incidence surgit quand
l'assureur se prévaut soit de la nullité du contrat pour fausse
déclaration intentionnelle, soit de la réduction proportionnelle
pour une déclaration inexacte de bonne foi (les articles L. 113-8 et
L. 113-9 de code des assurances), soit de la première à
titre principal et de la seconde à titre subsidiaire. Or, s'il ne fonde
sa demande que sur l'art. L. 113-8 du Code des assurances, sans viser l'article
L. 113-9 du dit Code, il est tenu de prouver, en premier lieu, que la
circonstance en cause avait un incidence sur l'opinion du risque, et en second
lieu, que la fausse déclaration a été
réalisée de mauvaise foi. Si le juge estime que la mauvaise foi
n'est pas démontrée, la sanction légale devient
inapplicable pour ce seul motif. C'est à dire, pour certain qu'il est
inutile de chercher la réalité de l'incidence de la circonstance
sur l'opinion du risque79.
64- En effet, il n'est guère possible de
procéder à une classification efficiente des critères qui
conduisent le juge du fond à déterminer si la circonstance
litigieuse avait ou non une incidence sur l'opinion que l'assureur pouvait se
faire du risque. Il convient de rappeler une distinction classique qui tient au
caractère objectif ou subjectif de cette incidence80.
De ce qui précède, il est possible d'affirmer
que la déclaration du risque est une obligation d'information
spécifique. D'une part, c'est une déclaration formelle dans la
mesure où le législateur, en organisant les modalités de
cette déclaration a voulu plus de transparence et plus
d'efficacité. D'autre part, c'est une déclaration encadrée
et guidée par le questionnaire élaboré par l'assureur. En
effet, l'exécution de cette déclaration suppose, non seulement la
sincérité de l'assuré mais aussi le concours de l'assureur
dans la mesure où l'exactitude des réponses du déclarant
doit s'apprécier en fonction des questions posées, de leur
clarté et de leur précision81.
78 Cass. 1re civ. 22 juillet. 1986, n°85-10.751,
RGAT 1987, p.146, note J. KULLMANN; Cass. 1re civ. 24 nov. 1999,
n°97-19.488, Resp. Civ. Et assur. 2000, comm. n°102.
79 J. KULLMANN et al, op.cit, p. 177.
80 V. PICARD et BESSON, Traité général des
assurances terrestres, tome I, LGDJ, 1938, n° 139, p. 280.
81 Cass. 1re civ. 17 mars 1993, RGAT 1993, p.547,
note R. MAURICE ; 6 janv. 1994, RGAT, 1994,
p.474, note F. CHARDDIN ; 16 fév. 1994, RGAT, 1994, p.466,
note A. FABRE ROCHEX.
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