Placement des cadres béninois dans les organisations internationales: analyse diagnostique et prospective( Télécharger le fichier original )par Wilson GAKPETOR Université d'Abomey-Calavi (Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature) - Diplome de fin de cycle I en Diplomatie et Relations Internationales 2006 |
Paragraphe II : Mécanisme de promotion d'un cadre à un postede responsabilité internationale Il n'existe pas de procédure figée, de méthode infaillible, encore moins de formule mathématique pour réussir à hisser un national à la tête d'une Organisation Internationale. Chaque Etat met son génie en exergue pour `'inventer» une démarche en fonction des circonstances, l'essentiel étant d'atteindre le résultat visé. Comme dans une course de fond, le résultat ne se mesure qu'à la fin, l'efficacité des procédés ne se juge qu'au terme de l'action. Cependant, en reconstituant le processus suivi à plusieurs reprises par certains Etats, avec plus ou moins de réussite, l'on peut déduire les grandes lignes d'une stratégie à appliquer. Elle recoupe pour l'essentiel les étapes fondamentales, sommairement révélées par Gérard Kamanda Wa Kamanda, ancien Secrétaire Général adjoint de l'OUA, lors d'une interview accordée au journal «Le soft international » n°827 en date du 30 août 2005110. Globalement, elle se décompose en deux grandes phases: un travail préliminaire (A) que vient parachever une offensive politique et diplomatique (B). 108 Mathieu Kérékou, (2003) « Discours d'ouverture du forum de réflexion géostratégique » In Forum de réflexion géostratégique, Cotonou :février 2003, Imp. CACI, P :23. 109 Ministère d'Etat chargé de la coordination de l'action gouvernementale, du plan, du développement et de la promotion de l'emploi, op. cit. P : 28. 110 Michel Mukebayi Nkoso, (2005), In «Sur l'international, l'ex-Zaïre est aux abonnés absents», [ En ligne] Disponible sur : < http://www.lesoftonline.net/phil.php?id=677> (Page consultée le 15 septembre 2006). A) Le travail préliminaire Il conditionne le résultat final et peut se subdiviser en deux sous phases : - celle du ciblage du poste et de la désignation du candidat (1) et - celle de l'acquittement des obligations du pays envers l'institution (2). 1) Cibler un poste et trouver un candidat compétitif Le candidat idéal, c'est celui qui possède les plus hautes qualités de travail, de compétence, dont la probité et l'intégrité lui permettent d'assumer des responsabilités sur le plan international. Le choix du candidat idéal suppose un préalable : celui du ciblage du poste à briguer plusieurs années avant la fin du mandat en cours. Cette étape apparaît comme l'une des plus fondamentales puisque tout choix hasardeux voue l'entreprise à l'échec. Le choix du poste électif devra être le résultat d'un exercice intellectuel concerté effectué au sein d'une commission d'experts. Ledit exercice appelle l'analyse de plusieurs facteurs incluant notamment : l'intérêt stratégique du poste pour le Bénin. Autrement dit, que gagne le pays à postuler à tel poste plutôt qu'à un autre ? les grandes tendances de l'opinion publique internationale. Ici, il sera question : o d'abord, de sonder les points de vue des puissances mondiales et/ou régionales (suivant le cas), des leaders d'opinion, des personnalités charismatiques du monde politique et diplomatique ; o enfin, d'évaluer la probabilité de succès de l'entreprise en tenant compte des rotations géographiques et en évitant les « chasses gardées »111. Ceci permet de «savoir ce que l'on peut, (...) se rendre compte des possibilités et définir une doctrine de leur emploi»112. Au bout de cet exercice de confrontation entre le souhaitable et le possible, s'il est rigoureusement suivi, se déduit assez aisément les postes susceptibles d'être convoités et le profil du candidat s'en déduit aisément. Etant donné que, pour occuper un poste de direction d'une OI, « le choix se fait d'abord en fonction d'un `'job description113» »114, il faudra rechercher, parmi les compétences nationales disponibles, tant de l'intérieur que de la diaspora, le cadre ayant le meilleur profil de départ. Ensuite suivra un véritable travail de diplomatie secrète en vue de parfaire son curriculum vitae. Mais encore, faudra-t-il auparavant, crédibiliser la démarche. 2) S'acquitter de ses obligations envers l'organisation Chronologiquement, il serait difficile de situer cette action. Elle se révèle comme un `'préalable» et s'étend sur la durée. Elle vise à rendre la candidature crédible en démontrant l'engagement du pays à défendre les idéaux de l'organisation visée et à oeuvrer à la réussite de sa mission. Cela s'avère d'autant plus important que, 111 Il est institué, tacitement, dans chaque institution internationale, un système de `'roulement bien ordonné» qui amène, tour à tour, au poste de responsabilité des personnalités venant des diverses zones géographiques constituant l'organisation. Ainsi par exemple, il était convenu que le secrétaire Général de l'ONU à compter du 1er janvier 2007 serait un asiatique, de sorte que les velléités de candidature de ressortissants européens ont été vite calmées. Quant aux chasses gardées, elles renvoient aux grandes institutions financières internationales qui (cela est de notoriété publique), ne sont dirigées que par les grands contributeurs. Le Fonds Monétaire International est contrôlé par les Européens tandis que les Etats-Unis d'Amérique s'arrogent la Banque Mondiale. Les données, à ce niveau, ne changeront pas du jour au lendemain. 112 Athanase Toudonou, «Cours de géostratégie des relations internationales», DRI3, 2005-2006. Cf. aussi : Pierre Osho, «Fondement et opportunité de la réflexion géostratégique », Forum de réflexion géostratégique, février 2003, Imp. CACI-Bénin, 335p. 113 Anglicisme fréquemment usité en gestion des ressources humaines et signifiant `'description de poste». 114 Kamanda Wa Kamanda, [En ligne] Disponible sur : < http://www.lesoftonline.net/phil.php?id=677> (Page consultée le 15 septembre 2006). 49 comme le souligne Kamanda Wa Kamanda, « (...) face à deux profils qui s'équivalent, le candidat du Chef d'Etat d'un pays en règle des cotisations, l'emporte [en principe] »1 15. De manière générale, les obligations d'un pays envers d'une OI sont de deux ordres : - financier, et - moral (ou administratif). Les obligations financières se résument au payement régulier des cotisations dues à l'institution en vue d'assurer son bon fonctionnement116. Les engagements moraux -qui ont toutefois des déclinaisons juridiques- se rapportent aux efforts à déployer par le pays pour remplir les responsabilités à lui confiées par l'organisation,117 ou pour ratifier et mettre en application les principaux textes juridiques régissant l'institution (protocoles additionnels par exemple) ou encore pour participer aux réunions des organes et aux conférences organisées par l'organisation. A ce sujet, le Bénin a presque toujours rempli ses engagements depuis 1990. Comme l'attestait Monsieur Xavier Darcos, ancien Ministre français délégué à la Coopération, au Développement et à la Francophonie à l'occasion de la réunion de la commission mixte franco-béninoise tenue à Paris le 10 mai 2004, «Le Bénin jouit d'une image très favorable (...) auprès des OI. (...) Tous ses engagements internationaux sont scrupuleusement respectés»118. Mieux, il est considéré comme l'un des rares pays africains «bon payeur de ses contributions»119 : ce qui lui vaut la palme d' «enfant chéri»120 de la communauté internationale. Cependant, ces atouts à eux seuls se révèlent comme des facteurs improductifs dès lors qu'ils ne sont pas utilement capitalisés, dès lors que, une fois le poste repéré et 115 Kamanda Wa Kamanda, op. cit. 116 Voir Supra, P : pp : 32 et 33. 117 Le pays pourrait être chargé de conduire des missions de bons offices, par exemple. 118 Cellule de communication de la Présidence de la République du Bénin, « La diplomatie béninoise en marche », In La Marina n°002, juillet août 2004, p. 30 et suivantes. 119 Il convient toutefois se souligner qu'il arrive encore que le Bénin cumule quelques arriérés de contribution souvent vite épongés dès qu'intervient la décision politique. 120 Cellule de communication de la Présidence de la République du Bénin, ibidem. 50 le candidat choisi, ces potentialités ne sont pas exploitées à bon escient, à travers une offensive politique et diplomatique savamment orchestrée. B- L'offensive politique et diplomatiqueElle permet de mettre le candidat sur orbite (1) et d'assurer sa réussite à l'aide d'un lobbying bien bâti (2). 1) Mettre le candidat sur orbite Si le choix du poste et du candidat représente la fondation sur laquelle repose la démarche, la mise en orbite en est la pierre angulaire. De fait, mettre sur orbite un candidat revient à lui forger le profil idéal en adéquation avec le `'job description». C'est une véritable entreprise nationale dont la réussite commande de consentir des sacrifices et de faire preuve de vision et de cohérence dans l'action sur une période de temps plus ou moins longue. C'est à ce stade qu'il faut renforcer le curriculum vitae du futur candidat en : le promouvant à des postes clés de responsabilité (conseiller, directeur, ministre etc.) en rapport étroit avec les objectifs de l'institution afin d'asseoir sa réputation et son envergure121 ; l'aidant à améliorer sa bibliographie122 ; lui confectionnant un programme futuriste prenant en compte les grands défis que l'organisation aura à relever les années à venir. Aussi, s'agira-t-il d'assurer la promotion internationale du postulant. Ici 121 Untel pourrait être nommé ministre de la Santé pour être compétitif au poste de responsable d'une institution oeuvrant dans cette branche d'activité. 122 Ceci permet de lui assurer l'ascendance théorique sur ses concurrents. En 1989, avant de se porter candidat à la direction générale de la FAO, pour ne citer que ce seul exemple, Jacques Diouf avait publié «The Challenge of Agricultural Development in Africa », ouvrage dans lequel il exposait sa vision futuriste de l'Organisation. Cette publication, grâce au succès médiatique qu'elle a connu, lui a assuré une certaine prestance sur la scène internationale. Dans le même ordre d'idées, l'apprentissage de plusieurs langues de travail de l'institution s'avère parfois déterminant pour susciter la sympathie de certains Etats. Ban Ki Moon, par exemple, a suivi des cours intensifs de français en vue de séduire la délégation française lors de l'élection du successeur de Kofi Annan au Secrétariat général de l'ONU. Consulter : http://www. rfi.fr interviennent le charisme, l'entregent et l'influence du Chef d'Etat combinés à la mobilisation de toutes les forces vives pour introduire le candidat dans le milieu international et mettre en lumière ses potentialités. Il s'agit de «le vendre auprès des partenaires, surtout ceux qui ont la décision en les persuadant que celui-ci ferait le meilleur travail»123. Ce qui suppose des négociations politiques sous-tendues par un travail de «diplomatie secrète»124. Or, comme le souligne Alain Plantey, la négociation politique exploite le principe de la réciprocité. L'art de la diplomatie porte à la tractation et emprunte les moyens et méthodes du négoce commercial. Il passe par le marchandage qui commence par l'exagération des prétentions pour aboutir à des arrangements. L'ajustement des intérêts commande de faire des concessions sans toutefois céder aux compromissions. Car, précise-t-il, il est de l'essence même des relations interétatiques que «C'est compte tenu de ce qu'il a à retirer d'un accord que l'Etat joue sur la réciprocité. Aucun pouvoir ne consent à rien pour rien. Il ne prend un engagement effectif que quand il est sûr que ce qu'il reçoit en retour vaut ce qu'il concède»125. Cet élément caractéristique de la psychologie des Etats devra être minutieusement analysé afin d' «offrir des garanties»126, des mesures compensatrices aux Etats membres de l'institution afin de s'assurer leur soutien. Si la mise en orbite est menée avec rigueur et professionnalisme, la personnalité du candidat se confond aisément avec le décor de l'organisation. Il devient `'un habitué du cercle», une figure charismatique sur laquelle se porte `'instinctivement» le choix au moment de la décision. Il reste cependant une dernière étape qui conditionne le résultat de l'opération : le lobbying. 123Kamanda Wa Kamanda, op. Cit. 124 Ibidem. 125 Alain Plantey, (1987) « De la politique entre les Etats, principes de diplomatie », Paris, Pédone, P : 191. 126 Kamanda Wa Kamanda, idem. |
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