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Placement des cadres béninois dans les organisations internationales: analyse diagnostique et prospective

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par Wilson GAKPETOR
Université d'Abomey-Calavi (Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature) - Diplome de fin de cycle I en Diplomatie et Relations Internationales 2006
  

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Section I : Evolution de la situation des cadres béninois

dans les OI de 1960 à nos jours

L'évolution de la situation des cadres béninois dans les OI sera analysée au regard des grands découpages de l'histoire politique du pays ; d'une part la période allant de 1960 à 1990 (paragraphe I), d'autre part, celle du renouveau démocratique (paragraphe II).

Paragraphe I : La période de 1960 à 1990

Aux premières heures des indépendances, grâce à la conjonction de facteurs tant endogènes qu'exogènes, les cadres béninois jouissaient d'un prestige certain au sein des OI (A); avant que l'intermède révolutionnaire ne sonne la glas de cette ère de gloire (B).

A- De 1960 à 1972

La période pré-révolutionnaire a été celle d'une présence considérable des cadres dahoméens dans les OI (1), exception faite toutefois du Secrétariat général de l'ONU (2).

1) Situation dans les institutions interafricaines et le

système des Nations Unies

Les cadres dahoméens ont connu leurs heures de gloire au sein des institutions internationales à l'époque où l'Afrique de l'indépendance commençait à faire ses premiers pas sur la scène internationale. Cet état de fait peut s'expliquer par plusieurs facteurs.

En effet, contrairement aux autres Etats africains qui possédaient à l'époque de ressources humaines limitées12, le Dahomey disposait d'une élite dynamique et enviée. Au rang des francophones d'Afrique, les Dahoméens jouissaient de l'estime que leur conférait leur parfaite maîtrise de la langue française. Déjà, durant la période coloniale -et cela perdurera jusqu'aux premières années des indépendances, ils étaient les

12Guy Ossito Midiohouan : «Le phénomène des littératures nationales en Afrique » [En ligne] Disponible sur : < http://www.arts.uwa.edu.au/mongobeti/issues/pnpa27/pnpa27 07.html> (Page consultée le 10 novembre 2006).

12 collaborateurs de premier cercle des administrateurs coloniaux. Du Congo à la Côte d'Ivoire en passant par le Niger, ils assumaient les plus hautes responsabilités dans la hiérarchie administrative. Les spécialistes les plus appréciés dans les secteurs d'activité les plus pointus (médecine, architecture, enseignement supérieur etc.) provenaient du Dahomey. C'est ainsi qu'ils participèrent, au titre de la coopération technique, à la mise sur pied des administrations nationales dans plusieurs Etats africains. C'est de cette époque que date la réputation de `'quartier latin de l'Afrique» attribuée au Dahomey.

Ahmadou Kourouma écrira à cet effet, en 1968, dans son ouvrage intitulé `'Les soleils des indépendances» :

« Avec les colonisateurs français, avaient débarqué des Dahoméens (...) qui savaient lire et écrire (...), des nègres plus malins, plus civilisés, plus travailleurs que les originaires du pays (...) Les colonisateurs toubabs leur confièrent tous les postes (...) Quand il y avait un nouvel emploi, on faisait venir un Dahoméen (...) c'était comme ça : les Toubabs en haut, après les Dahoméens (...)»13.

De plus, «les gouvernants d'alors (...) savaient prendre les moyens nécessaires pour promouvoir l'ascension des cadres sur le plan international»14. Logiquement, de 1960 à 1972, en dehors du retrait, en 1963, du docteur Emile Derlin Zinsou de la course au poste de premier Secrétaire Général de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) au profit du Guinéen Diallo Telli15, la diplomatie dahoméenne a réussi des prouesses en matière de placement de cadres. Au nombre des figures illustratives de cette ère de gloire, il y a entre autres :

- Feu Ignacio Pinto, juge à la Cour internationale de Justice;

- Monsieur Albert Tévoèdjrè, premier Secrétaire de l'Union Africaine et Malgache puis Directeur Adjoint du Bureau International du Travail;

- Feu Docteur Alfred Quenum, Directeur Régional de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pour l'Afrique;

- Monsieur Servais Akogni à l'Organisation des Nations Unies pour le Développement Industrielle (ONUDI).

13 Ahmadou Kourouma, (1968), « Les soleils des indépendances », Paris, seuil, PP : 86-87.

14 Joseph Hounton, «Communication sur la diplomatie béninoise: grandeur et décadence (Séminaire sur l'évaluation de la politique extérieure et la diplomatie à l'heure du Renouveau)», Cotonou: 20-23 avril 1990, P:4.

15 Diallo Telli devint ainsi le tout premier Secrétaire général de l'OUA.

- Monsieur Gratien Pognon, Secrétaire Général Adjoint de l'OUA

- etc.

Cependant, même si au sein de certains organes principaux et subsidiaires de l'ONU, le Dahomey n'était pas en mal de représentativité et qu'il rayonnait au plan régional grâce à ses cadres, la situation était moins satisfaisante au Secrétariat Général de l'ONU.

2) Cas particulier du Secrétariat Général des Nations Unies

Le Bénin a mis longtemps à être convenablement représenté au Secrétariat général de l'ONU. Cette situation prévaut depuis la période d'avant les indépendances. A l'époque, certains Etats africains avaient déjà des ressortissants dans le système des Nations Unies16. En 1948, sur 979 fonctionnaires que comptait l'institution, il y avait 9 Sud africains et 8 Egyptiens17. A la veille des indépendances (en 1959), sur un total de 35 fonctionnaires africains18, le Dahomey n'en comptait aucun. Mais à y voir de plus près, le problème de sous représentation ne se posait pas seulement au niveau du Bénin mais de l'ensemble des Etats francophones d'Afrique.

En effet, en 1963 par exemple, sur les 117 fonctionnaires que comptait l'Afrique pour un total de 1434 au SG/ONU, les pays anglophones se taillaient la part la plus importante: Egypte (21), Afrique du Sud (14), Ethiopie (11), Ghana, Kenya, Nigeria (9 chacun), Soudan (6), Tanzanie (4), Libéria, Somalie (2 chacun). Pendant ce temps, dans le rang des pays francophones, les mieux représentés, le Togo et la Tunisie ne pouvaient se prévaloir respectivement que de 6 et 5 postes. Ils sont suivis du Cameroun et de la Côte d'Ivoire qui comptaient chacun 3 fonctionnaires. Le Dahomey, logé à la même enseigne que le Sénégal ou encore le Gabon, le Mali et le Maroc n'en comptaient que deux (2) chacun tandis que la Guinée, la Libye, le Rwanda, la Sierra Léone ou encore l'Ouganda se contentaient d'un seul poste19. Ces statistiques démontrent que la suprématie des Etats anglophones était manifeste : les dix (10) Etats anglophones fournissent 84 fonctionnaires sur 117, soit 71.79%. En outre, ils s'octroyaient le privilège de la majorité des postes de responsabilité. Il n'y eut, à l'époque,

16Certains cadres africains s'étaient fait recruter sur le quota de la métropole.

17 André Lewin (2006) : « Les fonctionnaires africains dans le système des Nations Unies, In Les Africains à l'ONU », [En ligne] Disponible sur : < http://www.droitsfondamentaux.prd.fr/codes/modules/articles/article.php?idElem=962617925> (page consultée le 15 novembre 2006).

18 Le Secrétariat général de l'ONU comptait à l'époque 1200 fonctionnaires dont 15 Egyptiens, 13 Sud Africains, 3 Ghanéens, 1 ressortissant de chacun des pays suivants: Ethiopie, Libéria, Maroc, Soudan, Sénégal, Togo.

19 André Lewin, ibidem.

14 que le Togolais Macaire PEDANOU comme membre du cabinet de U THANT20, pour défendre l'étendard des anciennes colonies françaises21.

Telle était globalement la situation des Dahoméens dans les OI lorsqu'intervint la révolution du 26 octobre 1972.

B- De 1972 à 1990

L'effectif des cadres béninois en poste dans les OI s'est réduit entre 1972 et 1990 (1). Cette tendance baissière pourrait s'expliquer par les déviances constatées dans l'application de la politique marxiste (2).

1) L'exposé des données

La «diplomatie de type nouveau »22 inspirée par le régime révolutionnaire fera son époque avec un bilan peu glorieux en termes de placement des cadres. Quelques mois seulement après l'avènement au pouvoir du Gouvernement Militaire et Révolutionnaire (GMR), lors de la réunion au sommet de l'Union Monétaire Ouest Africaine tenue à Lomé en 1973, les autorités dahoméennes «s'étaient vu refuser plusieurs postes de décision au sein de l'institution financière»23 pour avoir dénoncé les méfaits de « l'impérialisme africain »24.

La situation n'était guère plus reluisante au SG/ONU. L'année 1975 marque le point de départ de l'amélioration, en termes quantitatif et qualitatif, de la représentation des Africains. Cette année-là, sur les 275 fonctionnaires africains au SG/ONU, les pays les mieux représentés étaient : l'Egypte (27), la Tunisie (16), le

20 À la mort du secrétaire général de l'ONU, Dag Hammarskjöld, en 1961, U Thant (de nationalité birmane) fut élu pour finir le mandat de celui-ci, et fut réélu en 1966 ; il démissionna en décembre 1971.

21 André Lewin, op. cit

22 Décret n°76-81 du 16 mars 1976 portant fondements, principes directeurs et implications de la diplomatie nouvelle à l'usage des représentations externes du Bénin.

23 Isidore Bio, Robert Djimon Zantan (1987), « Evaluation de la participation du Bénin aux OI de 1973 à 1987: cas des organisations du système des Nations Unies et des institutions interafricaines de coopération », Mémoire de fin de formation en Diplomatie et relations internationales, Cycle II, ENA, UNB, P : 17.

Ce n'est que plus tard, en 1982, que la présidence de la Banque Ouest Africaine de Développement, banque d'investissement de l'Union, sera concédée à un Béninois (en la personne de M. Aboubacar Baba Moussa).

24 Dans son Discours Programme du 30 novembre 1972, le Président Mathieu KEREKOU avait mis en doute l'intérêt pour le pays de continuer à faire partie des organisations sous-régionales qu'il considérait comme des prolongements des instruments de domination des puissances coloniales de sorte qu' « au lendemain de cette déclaration, plus d'un s'attendaient au retrait imminent du Dahomey des ensembles incriminés ». Cf. Isidore Bio, Robert D. Zantan, ibidem. Lire aussi Discours Programme du 30 novembre 1972, «[En ligne] Disponible sur : < www.gouv.bj/prpb/discours1.php> (page consultée le 20 octobre 2006).

15 Ghana (14, dont Kofi Annan25), l'Ethiopie, l'Afrique du Sud, le Nigeria (13 chacun), l'Algérie, le Kenya, l'Ouganda, la Tanzanie (11 chacun), le Maroc (9), le Mali et la Sierra Léone (8 chacun)26. Les six postes de secrétaires généraux adjoints concédés à l'Afrique étaient occupés par des ressortissants de l'Algérie, de l'Egypte, du Niger, du Rwanda, de la Somalie et de la Tunisie, pendant que le service du personnel était dirigé par le Tunisien Mohamed Gherab, celui de la coopération technique par le Nigérien Issoufou Saïdou Djermakoye. Le protocole était dirigé par l'Egyptien Ali TEYMOUR, le centre de planification économique et social par le Tanzanien Paul MWALUKO pendant que le cabinet du SG était animé, entre autres, par le Somalien Abdulrahim FARAH et le Sierra Léonais James JONAH qui se sont forgés une expérience qu'ils capitaliseront et monnayeront ensuite à des postes de responsabilité plus élevés.

En somme, si le Bénin a connu des heures de gloire au sein des OI, ce ne fut certainement pas au cours de cette période. Les cadres béninois sont « boudés »27 sur la scène internationale et les échecs se sont multipliés de 1982 à 1987 où «[les] meilleurs candidats sont passés à côté des postes internationaux aussi importants que la Direction Générale du Bureau International du Travail (BIT), la Direction Générale de l'Union Internationale des Télécommunications (UIT), la Présidence de la Banque Africaine de Développement (BAD) et la Direction Générale de la FAO»28.

Les causes de ces contre-performances sont à rechercher, entre autres, dans l'idéologie politique qui guidait la gestion de l'Etat ou, plus précisément, dans les revers observés dans sa mise en oeuvre.

2) Les motifs des contre-performances

Historiquement, le «déclin»29 des cadres béninois au sein des OI se situe au coeur des années rigides de la période révolutionnaire à cause des travers constatés

25 Secrétaire Général sortant de l'ONU. Il assume cette responsabilité depuis le 1er janvier 1997. Il est entré dans l'institution dès 1969 où il s'est occupé longtemps des ressources humaines, du contrôle financier et de la coordination de la sécurité avant de passer aux opérations de maintien de la paix ; mais il a travaillé depuis 1962 à l'OMS, à la CEA à Addis Abeba, à Force d'Urgence dans le Sinaï et au HCR.

26 André Lewin, op. cit.

27 Joseph Hounton, op. cit, P: 17.

28 Ibidem

29 Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération, « Séminaire sur l'évaluation de la diplomatie béninoise sous le Renouveau démocratique : compte rendu des travaux », Cotonou : 06-09 août 1998, P : 4.

16 dans la mise en oeuvre du marxisme-léninisme30. Ces revers pourraient être liés à un triple facteur.

Le premier facteur réside dans la perte de sympathie31 du Bénin d'alors dans le milieu international et constitue la résultante de ce que le séminaire sur la diplomatie béninoise à l'heure du renouveau démocratique d'avril 1990 a diagnostiqué comme « les principales erreurs diplomatiques »32 du pays sous l'ère de la révolution. Ce qui était mis à l'index par la communauté internationale (Moscou y compris !)33, c'était moins le choix idéologique en lui-même, que «la façon de porter et de présenter ce changement de cap idéologique sur la scène internationale »34. Durant cette période en effet, le gouvernement a fait l'option de confier la conduite de sa politique extérieure aux idéologues convaincus, aux `'diplomates de type nouveau» dont la virulence et la verve contrastaient avec la pondération et la réserve qui caractérisent le diplomate. Or, comme le fait observer à juste titre Rogatien BIAOU, les Etats «se méfient des ambassades qui sont "envahies" ou dirigées par des militants zélés d'un parti politique ou des idéologues dogmatiques... .»35. La méfiance ainsi nourrie à leur égard se révèle préjudiciable à l'image du pays tout entier et, par ricochet, à la réputation de ses cadres. D'ailleurs, les autorités politiques d'alors prenaient des positions publiques comme si «le Bénin pouvait se mettre en porte-à-faux avec un autre Etat, quelque puissant que fût celui-ci, sans qu'une telle situation conflictuelle eût des répercussions jusqu'au sein des OI»36.

Le deuxième facteur se réfère au système managérial instauré par le GMR, caractérisé par une forte concentration du pouvoir. Toutes les décisions concernant la

30 Le concept révolutionnaire en lui-même n'était pas dénué de préceptes nobles. Les historiens s'accordent en effet, sur la valeur intellectuelle des idéaux ayant présidé à son avènement. Ce n'est que sur ce fondamental que l'unanimité semble acquise ; car dans sa mise en oeuvre, le marxisme-léninisme a étalé ses contre performances, ses dérives.

31 S. Th. Houessinon : «Quelle politique extérieure et quelle diplomatie pour le renouveau démocratique au Bénin? » Communication présentée au cours du séminaire sur la politique extérieure et la diplomatie à l'heure du renouveau , Cotonou : 20-23 avril 1990, p:5.

32 S. Th. Houessinon, ibidem, p: 5.

33 « Même le bloc de l'Est [dont l'URSS était le chef de fil] n'était pas convaincu de l'adhésion réelle de la République Populaire du Bénin à l'idéologie [marxiste-léniniste] ». S.Th. Houessinon, idem. Lire aussi, Honorat Hountogbédé (1993) : «La diplomatie béninoise sous le renouveau », Mémoire de fin de formation en Diplomatie et Relations Internationales, cycle I, ENA, UNB, p: 24 et suivantes.

34 S. Th. Houessinon, idem, p:6

35 Rogatien Biaou : « L'information dans les relations diplomatiques », Communication présentée pendant le séminaire sur la politique extérieure et la diplomatie du Bénin à l'heure du renouveau, Cotonou : 20-23 avril 1990, P : 6.

36 Isidore Bio, Robert Djimon Zantan, Op. Cit, P: 61.

17 carrière des cadres - fût-ce pour les nommer à des postes de responsabilité dans l'administration nationale ou pour les positionner au sein des OI - relevaient du pouvoir discrétionnaire du Bureau politique. Ainsi, les parrainages politiques, les recommandations des éminences grises du régime en place prévalaient sur les critères de qualification professionnelle et de compétence. Le prototype du cadre idéal, seul susceptible de bénéficier de l'appui des autorités politiques pour des mandats internationaux, est celui convaincu de la négation de l'impérialisme et proclamant le triomphe de l'internationalisme prolétarien37. Il en résulte que «la sélection au niveau national des candidats ne repose pas toujours exclusivement sur des critères objectifs»38.

Le troisième facteur, qui n'est que le corollaire du précédent, tient à la volonté affichée par le GMR d'unifier la pensée politique et de liquider le système préexistant à travers ses hommes39. Consciemment ou non, la mise en oeuvre de cette vision s'est muée en une «politique d'humiliation de l'intelligence»40 ; les cadres étant considérés et traités comme des `'intellectuels tarés». En toute logique, il eût été paradoxal de déployer des efforts pour positionner un `'intellectuel taré» quand on sait que la fonction publique internationale n'emploie que des cadres « (...) qui jouissent dans leur pays d'une considération éprouvée et d'une large influence»41. En d'autres termes, en procédant à ce qui fut connu sous la dénomination de `'chasse aux sorcières», la révolution a aussi sacrifié les cadres béninois dont plusieurs, non seulement se sont exilés mais aussi et surtout ont contribué à construire et/ou renforcer le prestige des Etats hôtes. Certains y ont acquis la nationalité et ont servi leur `'Etat adoptif» dans l'Administration internationale42. Le cas des diplomates partis «se chercher un poste aux Nations Unies sur le quota français»43 en est une illustration.

Cependant, s'il n'y avait eu que les revers du marxisme-léninisme pour expliquer la sous représentativité du Bénin dans les OI, la situation aurait

37 L'une des pièces les plus importantes du dossier de candidature à soumettre au Bureau politique du PRPB de la Révolution était le certificat du service civique, patriotique, idéologique et militaire.

38 Isidore Bio, Robert Djimon Zantan, op. cit, P: 16.

39 Le GMR avait pris l'option de «liquider définitivement l'ancienne politique à travers les hommes, les structures et l'idéologie qui la portent ».

40Joseph Hounton, op. cit, P: 12.

41 Cf. rapport Noblémaire, (1921).

42 Il serait pratiquement impossible de dresser le répertoire de ces valeurs perdues. Lire à ce propos, Joseph Hounton, ibidem

4 3 Ibidem P : 7.

18 considérablement évolué depuis l'avènement du renouveau démocratique. Ce qui semble ne pas être le cas. Pour s'en convaincre, il suffira de dresser l'état actuel des lieux.

Paragraphe II : L'état des lieux actuel de la présence des cadres béninois dans les OI

L'état des lieux actuel des Béninois dans les OI se fera d'une part au niveau des organisations à caractère universel, le système des Nations Unies principalement (A), d'autre part au niveau des institutions interafricaines (B).

A- Au sein du Système des Nations Unies

Il semble primordial, pour apprécier à sa juste valeur la situation actuelle des cadres béninois dans le système des Nations Unies (2) de procéder à un rappel des règles générales régissant le recrutement des fonctionnaires internationaux44 (1).

1) Bref rappel des critères de recrutement

Le principe appliqué en matière de recrutement par les institutions ayant adopté le «régime commun des Nations Unies» c'est celui qui se décline à travers l'article 101 paragraphe 3 de la charte de San Francisco aux termes duquel :

«La considération dominante dans le recrutement et la fixation des conditions d'emploi du personnel doit être la nécessité d'assurer à l'organisation des services des personnes possédant les plus hautes qualités de travail, de compétence et d'intégrité. Sera dûment prise en considération l'importance d'un recrutement effectué sur une base géographique aussi large que possi ble»45.

Cette disposition distingue clairement deux ensembles de critères :

4 4 Ces règles sont valables pour toutes les institutions qui appliquent le régime commun des Nations Unies et ne diffèrent pas substantiellement de celles que reconnaissent les autres organisations internationales.

4 5 Charte de l'ONU (1945).

Les critères techniques :

Le premier ensemble de critères qui a un caractère obligatoire se réfère aux qualités de travail, à la compétence et à l'intégrité du postulant. Ces exigences conduisent à prendre en compte le comportement général de l'intéressé, ses qualités individuelles d'honnêteté, de bonne foi, de probité et d'incorruptibilité. Généralement, il est exigé des candidats :

- d'abord, une formation universitaire (au minimum) ;

- ensuite, une parfaite connaissance de plusieurs langues étrangères dont obligatoirement l'anglais et si possible l'espagnol et/ou le portugais. La maîtrise de l'arabe, du russe et/ou du chinois constituent actuellement un atout dans certaines organisations ;

- enfin, une expérience professionnelle de durée variable en fonction du poste à pourvoir46.

 

Les critères de répartition géographique

C'est cette deuxième catégorie de critères qui permet d'assurer la représentation de toutes les sensibilités idéologiques, politiques, de tous les systèmes juridiques, bref, de toutes les nationalités47. Le système de calcul de la répartition géographique des postes se fonde sur trois composantes pondérées comme suit : appartenance à l'organisation: 40% ; contribution: 55%, population: 5%48.

Ce rappel étant fait, il s'agira de présenter le point numérique des Béninois au sein du système des Nations Unies.

46 Pour de plus amples détails, lire Alain Plantey, François Loriot (2005) : « Fonction publique internationale », Paris, CNRS, 496 p.

47 En raison de son caractère abstrait et imprécis, ce critère a connu un destin singulier, faisant l'objet d'une diversité d'interprétation. Il a fallu attendre la résolution 1852 (XVI) de l'Assemblée Générale en 1962 pour en fixer les contours et en unifier la compréhension.

48Cependant, il convient de faire remarquer qu'il existe un certain nombre de postes qui, en raison des connaissances techniques spéciales requises pour les assumer, ne sont pas soumis à la répartition géographique (interprêtes-traducteurs par exemple). Le recrutement à ces postes se fonde uniquement sur le premier ensemble de critères. Il revient chaque année à la Commission de la Fonction Publique Internationale de déterminer dans chaque institution du Système des Nations Unies le nombre de postes soumis à la répartition géographique.

2) Point numérique

Riche de ses 30.548 fonctionnaires originaires de 182 pays49 à la date du 30 juin 200650, le Secrétariat général51 de l'ONU incarne de nos jours l'Administration internationale, dans sa forme la plus anoblie. On ne saurait donc ne pas y consacrer une analyse particulière avant d'aborder les autres institutions d'envergure universelle.

 

Les cadres béninois au Secrétariat Général des Nations Unies

Le Bénin, avec environ 7.200.000 habitants, participe à hauteur de 0,002% au budget de fonctionnement de l'ONU. Suivant les estimations du Secrétaire Général des Nations Unies contenues dans son rapport 2006 sur la composition du Secrétariat, le Point Médian (la moyenne) des postes lui revenant est évalué à 6 (six) sur un total de 2.631 soumis à la répartition géographique52 à la date du 30 septembre 2006. A cette même date, on compte 5 cadres béninois au Secrétariat (répartis dans les différents grades comme suit: P5: 2 ; P4: 1 ; P3: 1 ; P2: 1).

Conclusion séquentielle n°1 : Au titre des postes soumis à la répartition géographique, le Bénin n'est pas sous représenté au Secrétariat général de l'ONU.

Lorsque l'on considère l'effectif total du Secrétariat (30.548)53, le Bénin y compte 44 ressortissants (soit 0,14%), bien loin des Etats-Unis d'Amérique (7,44%), de la Serbie Monténégro (7,37%), de la République Démocratique du Congo (6,48%), de la France (4,4 1%), du Soudan (4.28%) et du Kenya (3,53%) qui y ont chacun plus

49 A la date du 30 septembre 2006, l'ONU compte 192 Etats membres. Mais on en considèrera 191; les données spécifiques concernant le Monténégro qui a fait son adhésion à l'ONU le 28 juin 2006 après sa sécession d'avec la Serbie n'étant pas encore disponibles. On retient que 9 pays ne sont pas représentés au Secrétariat général. Il s'agit du Kiribati, du Liechtenstein, de Monaco, de Nauru, du Palaos, de la République populaire démocratique de Corée, de Vanuatu, des Emirats arabes unis et des Iles Marshall.

50 Ce chiffre ne prend pas en compte les 144 fonctionnaires en congé spécial sans traitement et les 74 détachés auprès d'autres organismes.

51 En vertu de l'article 101 al. 1 de la Charte de l'ONU, le personnel affecté à plusieurs institutions du système des NU (dont la liste se trouve en annexe) fait partie intégrante du personnel, de telle sorte que seuls quelques organismes disposent d'un personnel à régime particulier.

52 Les autres fonctionnaires sont recrutés uniquement sur la base du premier ensemble de critères.

53 En application de l'article 101 alinéa 2 de la charte de l'ONU, le personnel en service dans la plupart des organismes du système des Nations Unies (tels que la CNUCED, le Programme des Nations Unies pour les Etablissements Humains, la Commission Economique pour l'Afrique, le Haut Commissariat aux Droits de l'homme, le Programme des Nations unies pour l'Environnement, la cinquantaine de Bureaux, Commissions et Départements) fait partie intégrante des agents du Secrétariat général.

Tableau n°1 : Nombre de fonctionnaires africains occupant des postes de responsabilité au
SG/ ONU à la date du 30 septembre 2006

Pays

CLASSES

SGA

SSG

D2

D1

H

F

H

F

H

F

H

F

1

Algérie

 
 
 
 
 
 
 

1

2

Bénin

0

0

0

0

0

0

0

0

3

Botswana

1

 
 
 
 
 
 
 

4

Burkina Faso

 
 
 
 
 
 

1

1

5

Cameroun

 
 
 
 
 
 

1

 

6

Côte d'Ivoire

 
 
 
 
 
 

1

 

7

Egypte

1

 
 
 

1

 
 

1

8

Ethiopie

 
 

1

 
 
 

1

1

9

Gambie

1

 
 
 

1

 

1

 

10

Ghana

 
 
 
 

1

 

2

 

11

Kenya

 
 
 
 
 
 

1

1

12

Mali

 
 
 
 

1

 

2

 

13

Mozambique

 
 
 
 
 
 

1

 

14

Namibie

 
 

1

 
 
 
 
 

15

Niger

 
 
 
 
 

1

 
 

16

Nigeria

1

 
 
 
 
 

3

 

17

Ouganda

 
 
 

1

1

 

2

 

18

Tanzanie

 

1

 
 
 
 
 
 

19

Sénégal

 
 
 
 

2

 

2

 

20

Sierra Léone

 
 
 
 
 

1

 

1

21

Soudan

 
 
 
 
 
 

1

 

22

Tunisie

 
 
 
 
 
 

1

1

23

Zambie

 
 
 
 
 
 

2

 
 

TOTAL

5

1

2

1

7

2

22

7

Source : Données extraites du rapport (2006) du Secrétaire général de l'ONU sur la composition du Secrétariat (Tableau réalisé par nous).

Tableau n° 2 : Nombre de fonctionnaires béninois en poste dans les organisations à caractère
universel (à titre indicatif)

INSTUTUTIONS

EFFECTIF PAR CLASSE

D1

P1 à P5

Autres

Total

M

F

M

F

M

F

UNICEF

 
 

15

3

 
 

18

HCR

1

 

7

3

1

 

12

OMS

 
 

4

1

7

5

17

UIT

 
 

2

1

 
 

3

OMPI

 
 
 
 

1

 

1

OMM

 
 

1

 
 
 

1

OMI

 
 
 
 

2

 

2

FIDA

 
 

2

 
 
 

2

PAM

 
 

2

 

2

1

5

AIF

 
 

5

2

2

2

11

FAO

 
 

3

1

 
 

4

OIT

 
 

3

 
 
 

3

Source : D'après les données extraites des rapports (2006) sur le personnel des organisations, les réponses aux requêtes adressées au Secrétariat des institutions concernées et les fichiers disponibles à la CAS/MAE ( tableau réalisé par nous).

Légende : SGA : classe des Secrétaires généraux Adjoints SSG : classe des Sous Secrétaires Généraux ; D1 et D2 : classes de Directeurs ; P : classe des professionnels ; autres : experts consultants

de mille (1.000) de leurs nationaux54. La situation au niveau des postes de responsabilité est encore moins reluisante.

Le tableau n°1 présente la situation des pays africains représentés à des postes de responsabilité. Il démontre qu'il n'y a aucun ressortissant béninois au sommet de la pyramide administrative du Secrétariat à la date du 30 septembre 2006, que l'on considère la classe des Secrétaires généraux adjoints (SGA), celle des sous-secrétaires généraux (SSG) ou des directeurs (D1 et D2). Les postes de Secrétaire général adjoint revenant à l'Afrique sont occupés par le Botswana, l'Egypte, la Gambie, le Nigeria et la Tanzanie.

Conclusion séquentielle n°2 : Le Bénin est sous représenté, qualitativement, au Secrétariat général des Nations Unies.

 

Les cadres béninois au sein des institutions et organismes dotés d'un
statut spécial

Le tableau n°2 présente la situation des cadres Béninois au sein des institutions à caractère universel dotées d'un statut spécial (les fonctionnaires de la plupart des autres organismes étant considérés comme faisant partie du Secrétariat général de l'ONU). Il témoigne du faible niveau de présence des cadres Béninois aux postes de direction des organisations considérées.

Au total, selon les données disponibles, seuls deux ressortissants béninois ont actuellement le grade D au sein des institutions d'envergure universelle;

- l'un, Directeur au Département Afrique du Fonds Monétaire International;

- l'autre, sous-directeur général au Département Afrique de l'UNESCO.

Conclusion séquentielle n°3 : Le Bénin est sous représenté, numériquement et qualitativement, au sein des organismes à caractère universelle.

B- Dans les institutions interafricaines

Les cas de l'Union africaine (1), de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest et de l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (2) permettront de se faire une idée générale de la situation des cadres béninois dans les institutions interafricaines.

1) Les cadres béninois à l'Union Africaine (UA)55

Le nombre de cadres de nationalité béninoise dans les organes administratifs de l'UA est passé de neuf (9) au début des années 1990 à quatre (4) en 2000, bien loin du quota de dix (10) fonctionnaires par pays membre fixé par le statut du personnel de l'organisation panafricaine. Grâce aux efforts déployés par le MAE pour assurer un appui-conseil aux postulants à des postes de l'Union, ce nombre s'est substantiellement accru. On y dénombre, à la date du 30 novembre 2006, 15 hauts fonctionnaires béninois. Numériquement, le problème semble résolu quoique qualitativement, il demeure entier. Car, une analyse de la composition de la Commission de l'Union Africaine (qui fait office d'instance dirigeante), révèle qu'aucun ressortissant béninois n'y siège56. Les seuls postes de responsabilité qu'y occupent des Béninois sont ceux de :

- Représentant Spécial (du Président de la Commission) sur le Mercenariat ; - Directeur des Infrastructures et de l'Energie ;

- Fonctionnaire du personnel.

Conclusion séquentielle n°4 : Le Bénin est sous représenté, qualitativement, au sein de l'UA. Toutefois, la diplomatie déploie des efforts pour y favoriser le recrutement de cadres de haut niveau.

2) La situation dans les institutions sous-régionales Le point se fera d'abord à la CEDEAO puis à l'UEMOA

Tableau n°3 : Répartition du personnel des organes de la CEDEAO par

catégorie et selon

Catégories Pays

les nationalités

Statutaires

au 30 novembre Professionnels

2005.

Total

1

Bénin

0

7

7

2

Burkina Faso

1

14

15

3

Cap Vert

0

1

1

4

Côte d'Ivoire

0

6

6

5

Gambie

2

3

5

6

Ghana

2

10

12

7

Guinée équatoriale

1

4

5

8

Guinée Bissau

0

1

1

9

Libéria

0

1

1

10

Mali

3

10

13

11

Niger

1

7

8

12

Nigeria

2

34

36

13

Sénégal

1

10

11

14

Sierra Léone

0

3

3

15

Togo

1

10

11

Tableau n°4 : Répartition du personnel des organes de L'UEMOA par catégorie
et selon les nationalités au 30 novembre 2005

Pays

Catégories

Bénin

Burkina
Faso

Côte
d'Ivoire

Guinée
Bissau

Mali

Niger

Sénégal

Togo

Total

Agents
d'encadrement
supérieur

11

19

8

2

10

12

13

11

86

Agents
d'encadrement
moyen

2

33

0

0

3

3

3

4

48

TOTAL

13

52

8

2

13

15

16

15

134

Sources :

Direction de l'Intégration Régionale du Ministère du Développement, de l'Economie et des Finances § Direction de l'Intégration Africaine du Ministère des Affaires Etrangères

A la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO)

Actuellement, sur les quatorze (14) postes statutaires de la CEDEAO, le Bénin n'en occupe aucun tandis que l'on y dénombre trois (3) Maliens et que la Gambie, le Ghana et le Nigeria ont chacun deux (2) représentants (Confer tableau n°3). On compte sept (7) ressortissants béninois dans la catégorie des professionnels, pour un total de cent vingt et un (121), pendant que le Nigeria et le Burkina Faso y ont, respectivement, trente quatre (34) et quatorze (14) de leurs nationaux. Les postes stratégiques qu'y occupent des Béninois sont ceux de :

 

- directeur des affaires juridiques et;

- directeur des politiques commerciales et douanières. A l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA)

Le Bénin compte onze (11) cadres supérieurs sur un total de quatre vingt six (86) au 31 décembre 2005. Ce nombre de postes, qui représente juste la moyenne, est inférieur à celui de certains Etats comme le Burkina Faso ou encore le Sénégal (comme l'illustre le tableau n°4). Toutefois, ce déficit numérique est compensé par un gain qualitatif. En effet, au sein de cette institution à vocation économique et financière, le Bénin compte des ressortissants à des postes assez stratégiques comme ceux de : Président de la Cour de Justice ; Commissaire chargé du Développement Rural et de l'Environnement ; Directeur du Commerce et de la Concurrence ; Directeur des Infrastructures de Transport et de l'Aménagement du Territoire.

La représentation du Bénin au sein de l'UEMOA était encore plus satisfaisante avant la démission de la Présidence de la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD)57, du Docteur Thomas Boni YAYI, en janvier 200658.

Conclusion séquentielle n°5 : Au sein de l'UEMOA, le Bénin n'est pas sous représenté. Bien au contraire, il y compte des cadres à des postes stratégiques.

57 La BOAD est une institution de l'UEMOA.

58 Au surplus, nous pourrions évoquer les cas du Conseil de l'Entente et de l'Autorité du Bassin du Niger où le Bénin compte respectivement un (1) et quatre (4) ressortissants

En somme, l'analyse des données révèle que, au sein des institutions internationales faisant l'objet de cette étude, le Bénin est globalement sous représenté, notamment aux postes de direction. Cette constatation suscite une interrogation: quels sont les facteurs explicatifs de cette situation ?

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