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L'Etat, l'UEMOA et la souveraineté fiscale: la cession partielle de souveraineté

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par Dit Justin Wenyaoda Yaméogo
Ecole Nationale des Régies Financières - Diplôme Superieur d'Administrateur des Services Financiers 2008
  

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Section 1: La portée fiscale des principes fondamentaux et des libertés communautaires

100. Les libertés communautaires comme les principes fondamentaux ont une portée fiscale.

101. Les libertés communautaires, consacrées par le Traité UEMOA, peuvent être considérées comme les piliers de l'intégration sous-régionale. En effet, elles tendent à favoriser la mobilité des facteurs de production dans l'espace communautaire. Ces libertés sont énoncées à l'article 4-c du Traité de l'UEMOA qui stipule que l'Union vise, entre autres objectifs, à « créer entre les Etats membres un marché commun basé sur la libre circulation des personnes, des biens, des services, des capitaux et le droit d'établissement des personnes exerçant une activité indépendante ou salariée, ainsi que sur un tarif extérieur commun et une politique commerciale commune ».

102. Les principes fondamentaux (Principe d'égalité et de non discrimination), non spécifiquement cités dans le corps du Traité, sont contenus dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et dans la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, déclarations auxquelles le Traité fait référence comme devant être respectées par l'Union68(*).

103. Ces principes et libertés n'ont évidemment au départ aucun lien avec la fiscalité. Cependant, il est raisonnable de penser que les Etats sont ténus, dans la conduite de leur politique fiscale, de s'abstenir de toute action susceptible de porter atteinte à ces principes et libertés69(*) .

104. La reconnaissance de la primauté des principes fondamentaux et libertés communautaires sur les législations fiscales des Etats membres (portée fiscale des principes fondamentaux et libertés communautaires) est l'oeuvre du juge communautaire. Il appartient à la CJ UEMOA de contrôler la compatibilité des législations fiscales des Etats membres avec les libertés communautaires. C'est donc la CJ UEMOA qui forge cette portée fiscale à travers le contrôle qu'elle exerce sur la politique fiscale des Etats membres. Elle s'inspire à cet effet de la jurisprudence de la CJCE,. Ceci implique que si la fiscalité directe relève de la compétence des Etats membres, il n'en demeure pas moins que ces derniers doivent l'exercer dans le respect des principes fondamentaux (Paragraphe 1) et des libertés communautaires (Paragraphe 2).

Paragraphe 1: La potée fiscale des principes fondamentaux

105. Il convient d'indiquer d'abord les fondements de l'applicabilité de ses principes à la fiscalité (A) avant d'expliciter leurs portées fiscales (B).

A - L'applicabilité du principe de non discrimination et du principe d'interdiction des entraves fiscales en droit communautaire fiscal70(*)

106. Les principes fondamentaux, souvent désignés par l'expression "principes généraux du droit", sont souvent proclamés par des textes de valeur universelle. Ces principes, dont le caractère principal est d'être applicables par le juge (le juge administratif, le juge judiciaire, ou le juge communautaire) même en l'absence de tout texte imposant leur respect, existent dans plusieurs branches de droits notamment en droit administratif, en droit constitutionnel et en droit international public.

En droit administratif, ces principes fondamentaux (appelés principes généraux du droit), constituent la principale source d'obligation pour l'administration. Elles sont non écrites et ont été affirmées de façon prétorienne par le juge administratif71(*). Leur respect s'impose à toutes les autorités administratives. On dit de ses principes qu'elles sont infra législatifs et supra- règlementaires.

En droit constitutionnel, ces principes (appelés principes de valeurs constitutionnels) désignent des règles qui, bien que n'étant pas explicitement consacrées par la constitutions, sont reconnus par le conseil constitutionnel, comme s'imposant au législateur avec la même force que les principes constitutionnels.

En droit international public, ces principes fondamentaux sont considérés comme l'une des principales sources des obligations des Etats au plan international. Ils (ses principes fondamentaux) sont constitués de principes juridiques non écrits, mais de portée générale et quasi universelles.

107. Le juge communautaire, dans l'appréciation de la conformité des législations fiscales nationales avec les textes communautaires, fait souvent référence aux principes fondamentaux, tel que relevés dans les trois entendements invoqués plus haut (du point de vu du droit administratif, du droit constitutionnel ou du droit international). Il (le juge communautaire) fait le plus souvent référence au principe de non discrimination et au principe d'interdiction des entraves fiscales.

1) L'applicabilité du principe de non discrimination

108. L'applicabilité du principe de non discrimination en droit communautaire de la fiscalité a été consacré pour la première fois par la CJCE dans l'affaire Schumaker, affaire dans la quelle le juge communautaire a décidé qu'il est interdit aux administrations de traiter différemment des personnes se trouvant dans la même situation. Toute fois, pour le juge communautaire, certaines conditions sont requissent pour qu'une disposition fiscale instaurant une discrimination entre les ressortissant communautaires puissent être sanctionnée. Pour être sanctionnée, l'atteinte au principe de non-discrimination doit être combiné soit avec une entrave à la libre circulation, soit avec la violation d'une règle de concurrence.

v Combinaison du principe de non-discrimination et des libertés de circulation

109. Traité UEMOA, interdit toute forme de discrimination fondée sur la nationalité lorsqu'elle (cette discrimination) constitue en même temps une atteinte à une liberté communautaire. Ainsi, selon les articles 91 et suivants du Traité UEMOA, les discriminations suivantes sont interdites :

- les discriminations fondées sur la nationalité, en ce qui concerne la recherche et l'exercice d'un emploi, à l'exception des emplois dans la Fonction Publique

- les discriminations fondées sur la nationalité, en ce qui concerne l'accès aux activités non salariées et leur exercice ainsi que la constitution et la gestion d'entreprises, dans les conditions définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres ressortissants.

- les discriminations fondées sur la nationalité en ce qui concerne les conditions de fournitures des prestations des services.

Selon la CJCE ces interdictions concernent particulièrement les dispositions fiscales qui se fondent sur la nationalité72(*) ou la résidence des assujetties pour leur accorder des avantages fiscaux par rapport aux non résidents.

v Combinaison du principe de non-discrimination et des dispositions relatives à la concurrence

110. En plus des règles relatives à la libre circulation des personnes, les règles fiscales qui instaurent des discriminations fondées sur la nationalité ou la résidence peuvent être sanctionnées si, elles se conjuguent avec la violation d'une règle de concurrence. Ainsi, le Traité interdit les aides publiques susceptibles de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions73(*). L'utilisation par le Traité de l'expression « certaine » permet à la C.J UEMOA de sanctionner les règles fiscales qui instaurent des discriminations fondées sur la nationalité ou la résidence des entreprises lorsque ses discriminations se conjuguent avec une règle de concurrence. Sur ce point, il ressort des conclusions de L'avocat général de la CJ UEMOA, Malet Diakité, dans l'affaire « société des ciment du Togo contre commission », que le fait d'accorder à des entreprises qui ne sont pas dans la même situation les mêmes avantage fiscaux constitue une discrimination interdite lorsque ceci constitue en même temps une atteinte à une règle de concurrence74(*).

2) L'applicabilité du principe de l'interdiction des entraves fiscales

111. Alors que le principe de non discrimination limite la liberté des Etats d'instituer des obstacles fiscaux à l'entrée des ressortissants des autres Etats membres sur leurs territoires, les règles relatives aux entraves fiscales limitent la liberté de ses Etats d'instituer des barrières fiscales à l'installation de leurs propres résidents sur les territoires des autres Etats membres. C'est dans l'arrêt ICI que la CJCE a consacré pour la première fois, le principe de l'interdiction des entraves fiscales. Dans cette affaire, la CJCE a estimé que le mécanisme britannique de compensation entre les pertes et les bénéfices d'une société mère et les pertes subies par ses filiales, à la condition que les filiales en questions résident en Grande Bretagne, constituait une entrave fiscale à la sortie des société et par ricochet une entrave à la libre circulation.

B- Les conséquences de l'application des principes fondamentaux sur la souveraineté fiscale des Etats membres.

1) Le principe de la non-discrimination

112. Selon certains auteurs, « elle (la CJCE) condamne deux types de discriminations. La première catégorie est l'application de règles différentes à des situations comparables, la seconde catégorie est l'application de la même règle à des situations différentes75(*) ».

Mais la plus par des auteurs estiment que seule la première catégorie de discrimination est véritablement condamnée76(*). Celle-ci (l'application de règles différentes à des situations comparables) comporte deux branches :

113. La première branche de discriminations prohibées est constituée des avantages fiscaux accordés par les Etats membres dans un but interventionniste. Lorsqu'ils imposent les revenus ou les capitaux de leurs ressortissants, les Etats membres peuvent les inciter à adopter certaines politiques en leurs proposant en contre partie des avantages fiscaux. La difficulté réside dans le fait que ses avantages sont souvent accordés en considération de la nationalité ou de la résidence ce qui crée une certaine discrimination en défaveur des non nationaux ou des non résidents.

114. La seconde branche de discrimination prohibée est constituée des règles fiscales applicables aux succursales ou filiales de sociétés étrangères. Elle consiste à imposer plus lourdement la filiale d'une société installée dans un Etats membre et dont la filiale se trouve dans un autre.

Ces deux types de discrimination sont interdits par le juge communautaire. Celui-ci considère que de telles pratiques sont contraires aux règles communautaires. Lorsque les Etats instituent de telles dispositions, le Traité permet à la commission de contester la légalité de ces règles (recours en manquement) devant la CJ UEMOA. Lorsque la CJ UEMOA juge que les dispositions fiscales d'un Etat membre sont contraires aux règles communautaires celui-ci est tenu de les abroger. Ce mécanisme constitue une limitation à la souveraineté fiscale des Etats membres dans la mesure ou il permet à la CJ UEMOA (autorité étrangère à l'Etat) de contrôler les législations fiscales des Etats membres.

Dans le droit positif burkinabé, on peut relever certaines dispositions qui semblent incompatibles au principe de non-discrimination et qui pourraient être sanctionnées par le juge communautaire. En effet, le droit fiscal burkinabé à l'instar de la plus part des législations des pays membres de la sous région applique le critère de la territorialité des impôts de telle sorte que tous les assujettis sont généralement traités de manière identique lorsqu'ils sont dans des situations comparables. Seules certaines dispositions ont recours au critère de nationalité comme condition pour bénéficier de certains avantages fiscaux. Au nombre de ceux-ci ont peut citer la TPA qui institue une discrimination entre les entreprises assujetties selon que leurs personnels sont ou non des burkinabé. Autre fois justifiée par la nécessité de la promotion de la main d'oeuvre nationale, le maintien d'un taux différent des droits à verser au titre de la TPA, selon que l'employé est de nationalité burkinabé ou étrangère semble incompatible avec le contexte et la finalité du traité et même purement anachronique. Ce texte peut être considéré comme incompatible au droit communautaire par ce que contraire au principe de la non discrimination et aux règles relatives la libre circulation des personnes77(*).

2) Le principe d'interdiction des entraves fiscales

115. En dehors, des dispositions discriminatoires, certaines autres bien que n'instituant aucune discrimination de facto ou de jure en fonction de la nationalité, peuvent être incompatibles avec la construction du marché commun, parce que constitutive d'entraves fiscales.

Le mécanisme du recours en manquement décrit plus haut permet au juge communautaire de condamner toute disposition fiscale d'un Etats membre qui constituerait une entrave fiscale à la liberté de circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux. L'application du principe d'interdiction des entraves fiscale constitue une limite à la souveraineté fiscale des Etats dans la mesure ou ils ne peuvent plus règlementer leurs systèmes fiscaux en toute liberté.

116. Dans le droit positif burkinabé ont peut relever des dispositions constitutives d'entraves fiscales. Au nombre de ces dispositions, on peut citer l'article 11 du Code des Impôts qui fixe les conditions de déduction des revenus des valeurs mobilières (RVM) et des revenus des créances (RC), de l'IBICA. Cette disposition, sans instaurer une inégalité de traitement lié à la nationalité ou à la résidence est de nature à porter atteinte à la construction du marché commun. En effet, en exigeant que les revenus des valeurs mobilières et des créances soient déjà soumis à l'impôt sur les valeurs mobilière (IRVM) ou à l'impôts sur le revenu des créances (IRC) au Burkina Faso, pour être déductible de l'impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux (IBICA) au Burkina, l'article 11 CI instaure une discrimination en fonction de la résidence du bénéficiaire de l'investissement et constitue de ce fait une entrave fiscale à la libre circulation des capitaux.

En plus de la reconnaissance de la portée fiscale des principes fondamentaux, le juge communautaire reconnaît que les libertés communautaires ont une portée fiscale qui s'impose aux Etats membres.

* 68 Article 3 du traité modifié de L'UEMOA

* 69 Article 7 du traité modifié de L'UEMOA

* 70 Pour la distinction entre droit communautaire de la fiscalité directe et droit de la fiscalité directe communautaire, on fait le parallèle avec la distinction entre droit international fiscal et droit fiscal international qui se réfère à la source de la règle

* 71 V. Lexique des termes juridique

* 72 C'est dans l'arrêt commission contre France dans l'affaire relative à l'avoir fiscal que la CJCE a consacrer cette interdiction V. arrêt commission contre France

* 73 Article 88 du Traité UEMOA

* 74 V. Arrêt de la CJ UEMOA du 20 juin 2001 entre société des ciments du Togo contre commission.

* 75 V. Philippe Martin, « la portée fiscale des libertés communautaires de la circulation : réflexion au regard du droit interne », Droit fiscal, 2000, N°44 P. 144

* 76 V. A Maitrot de la Motte, « Souveraineté Fiscale et construction communautaire » LGDJ, Paris 2005 P.160

* 77 Voyez F. M. Sawadogo et S. Dembélé, Précis de Droit fiscal burkinabé P. 259

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote