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Le témoignage dans la procédure pénale au Cameroun

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par Jean-Marie TAMNOU DJIPEU
Université de Douala - DEA 2006
  

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Paragraphe II : L'éventualité d'une inculpation du témoin

Le témoin une fois devant la personne qui l'a convoqué doit déclarer tout ce qu'il sait des faits objets des poursuites. Mais il peut arriver qu'au cours de l'audition, le juge découvre que le prétendu témoin n'est rien d'autre qu'un coauteur ou complice de l'infraction poursuivie. Dans ces circonstances le juge est en droit de l'inculper. Mais une telle inculpation est de nature à soulever des difficultés d'ordre procédurales. En effet, le juge doit-il encore se fonder sur ses précédentes déclarations faites sous le sceau du témoignage pour l'inculper ? Cette problématique a été étudiée par la doctrine sous le thème d'inculpations tardives (A). Toutefois il est évident que si certaines conditions sont réunies, le témoin peut passer du statut de témoin à celui d'inculpé. ( B)

A- La problématique de l'inculpation tardive du témoin

La question des inculpations tardives est un sujet dans lequel la fertilité de la doctrine est un fait indéniable. En effet, plusieurs auteurs se sont penchés sur la question pour préciser tant la signification (1) que la sanction de la violation du droit à l'inculpation (2).

1- La notion d'inculpation tardive du témoin

La notion d'inculpation tardive du témoin peut être envisagée sous un double prisme. D'abord la personne qui a été entendue comme témoin peut-elle être inculpée par le Juge d'instruction en se fondant sur ces précédentes déclarations ? segundo la personne nommément visée dans le réquisitoire introductif du procureur de la république peut-elle être entendue comme témoin par le Juge d'instruction ?

En ce qui est du premier aspect de la question, il est important de rappeler que le Juge d'instruction est saisi in rem et non in personam. Ce qui veut dire qu'il est saisi d'un fait et non d'une poursuite contre une ou plusieurs personnes déterminées. On en déduit qu'il peut informer contre des personnes non désignées dans le réquisitoire. Si en interrogeant le témoin il n'avait aucun élément probant prouvant sa participation aux faits, il ne saurait l'inculper, mais si postérieurement il découvre son implication passive ou active dans la commission de l'infraction, il se doit de l'inculper.

Relativement au second aspect de la question, une vive controverse a opposé la doctrine sur le point de savoir si le Juge d'instruction pouvait entendre comme témoin la personne désignée dans le réquisitoire introductif d'instance.

Dans un article paru en 195371(*), Pierre CHAMBON soutient que le Juge d'instruction étant saisi in rem, s'il peut informer contre des personnes non désignées dans le réquisitoire introductif, il parait logique d'en déduire aussi et à l'inverse qu'il peut ne pas informer contre les personnes qui y sont désignées. « s'il n'est pas lié quant aux personnes, il peut aller au-delà du réquisitoire comme il peut rester en deçà. L'indication de la personne est secondaire et accessoire dans l'acte qui saisi le Juge d'instruction.

Pour VIDAL et MAGNOL, s'il est du pouvoir et du devoir du magistrat instructeur avant de prendre un individu dans les poursuites de recueillir des renseignements et de ne prendre partie sur les préventions qu'après s'être éclairé et s'être fait une opinion sur sa participation aux faits criminels relevés dans le réquisitoire, ce pouvoir et ce devoir cessent néanmoins lorsque l'information a été ouverte contre personne dénommée. On estime alors que le Juge d'instruction est saisi à la fois in rem et in personam72(*). Nous penchons beaucoup plus sur cette deuxième opinion et l'évolution du droit semble nous donner raison.

En France, le Juge d'instruction est lié par le réquisitoire introductif et ne peut entendre comme témoin la personne y désignée73(*). Mais exceptionnellement la procédure pénale française a introduit un statut intermédiaire entre celui du témoin et celui de l'inculpé : c'est le statut de témoin assisté74(*)

Au Cameroun aujourd'hui, nous sommes en droit de dire que le réquisitoire du Procureur de la République lorsqu'il est dénommé lie le Juge d'instruction qui est obligé d'informer contre cette personne. Aux termes de l'article 167 al. 1(a) du CPP lors de la première comparution devant le Juge d'instruction, le suspect est après vérification de son identité informé des faits qui lui sont reprochés et des dispositions de la loi applicable. Cet acte constitue l'inculpation. Et contrairement à la phase du jugement où le prévenu peut opter de déposer comme témoin, l'inculpé lui, ne le peut pas.

2- La sanction de la violation du droit à l'inculpation

Lorsque pèse sur une personne des charges graves et suffisamment concordantes établissant sa participation à l'infraction, le Juge d'instruction doit l'inculper. En interrogeant et en continuant à interroger comme témoin une personne à l'égard de laquelle il a tous les éléments suffisants pour la croire impliqué dans la commission de l'infraction, la loi serait incontestablement violée. Il est de jurisprudence constante que l'inculpation tardive d'un témoin peut constituer une cause de nullité dès lors que cette manière de procéder a eu pour résultat de porter atteinte aux droits de la défense, éludant ainsi les garanties de la loi75(*). La difficulté qui se présente toujours est celle de prouver que le Juge d'instruction savait au moment où il vous interrogeait comme témoin que vous étiez impliqué dans la commission de l'infraction.

B- Les conditions nécessaires a l'inculpation du témoin

Lorsque certaines conditions sont réunies, le témoin peut passer du statut de témoin à celui d'inculpé (1) mais également il convient de mentionner que le témoin peut être poursuivi pour une infraction distincte de la principale, mais qui est la conséquence de son témoignage (2).

1- L'existence des indices graves et concordants contre le témoin

Le Juge d'instruction disposant de larges pouvoirs d'investigation peut découvrir que le prétendu témoin est impliqué d'une manière ou d'une autre dans la commission de l'infraction soit comme coauteur ou même complice. Lorsque les faits se précisent et font peser sur le témoin les charges graves et concordantes rendant vraisemblable sa participation à l'infraction objet des poursuites, son inculpation devient inéluctable. C'est donc un devoir pour le Juge d'instruction de ne plus l'entendre comme tel lorsqu'il croit qu'une inculpation peut être relevée contre le témoin. Ceci est également vrai lorsqu'il s'agit de poursuivre le témoin pour une infraction distincte de la principale.

2- L'inculpation du témoin pour une infraction distincte de celle objet des poursuites

Hormis le cas du faux témoignage qui a déjà été largement étudié plus haut76(*), le témoin peut voir sa responsabilité pénale engagée pour une autre infraction lorsque son comportement, sa passivité a favorisé la commission de l'infraction principale. Ici, le témoin bien qu'ayant des éléments probants concrets qui renseignent sur les circonstances de commission ou sur l'identité de ses auteurs verra sa responsabilité pénale engagée.

Prenons l'exemple d'une personne qui a assisté passivement à une bagarre sanglante et mortelle entre deux personnes. Bien qu'ayant de précieuses informations à apporter au Juge, il peut être poursuivi sur le terrain de la non assistance à personne en danger prévue et réprimée par l'article 283 du CP camerounais. Ainsi, au lieu de s'interposer pour séparer la bagarre - encore faudrait-il qu'il ait les moyens de le faire - il a préféré assister comme spectateur passif à cette scène macabre. Dans ce cas, son témoignage renseignera le Juge sur la culpabilité du délinquant, mais encore lui sera préjudiciable.

* 71 Le Juge d'instruction peut-il entendre comme témoin la personne désignée en qualité d'inculpé dans le réquisitoire introductif JCP 1953 I. P.1075.

* 72 VIDAL et MAGNOL, cité par DIN GOLLE op. cit page 49

* 73 PRADEL (J.) op. cit. Page 348

* 74 Personne désignée dans le réquisitoire introductif qui sans être inculpée est entendue sans prestation de serment et en présence de son avocat

* 75 Cass crim 16 Janvier 1964 bull crim N° 16.

* 76 Voir page 42

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