Le témoignage dans la procédure pénale au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Jean-Marie TAMNOU DJIPEU Université de Douala - DEA 2006 |
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIEBien que la recherche des preuves soit dominée par le principe de la liberté, leur administration obéit à une légalité scrupuleusement observée. Le témoignage n'échappe pas à ce principe et le législateur s'est toujours attelé depuis le CIC de définir son cadre juridique en déterminant d'une part les conditions requises pour témoigner en justice mais surtout le statut juridique du témoin Le CIC étant appliqué au Cameroun par la volonté de la puissance coloniale d'étendre aux territoires dont elle assure l'administration certains textes, le législateur national a trouvé mieux d'adopter un texte qui tient compte des réalités locales et qui sied mieux à l'environnement juridique Camerounais. Cette volonté a été réalisée dans son tout premier Code de procédure pénale. A la lecture de ce texte, il est indéniable que le législateur a par les différentes innovations bouleversé le visage du cadre juridique du témoignage. En élargissant le cercle des témoins aux personnes impliquées dans la cause et astreignant tout témoin à l'obligation de témoigner, il a voulu augmenter la probabilité de découvrir la vérité. Cette volonté se vérifie également au niveau de la procédure du témoignage qui elle aussi a subi une nette amélioration DEUXEME PARTIE L'AMELIORATION DE LA PROCEDURE DU TEMOIGNAGE DNS LE CPP. Le témoin qui se présente devant les autorités a l'obligation de dire tout ce qu'il sait des faits objets de poursuite et sa déposition est reçue devant les juges suivant une procédure minutieusement organisée. Le CPP a dans le souci de retrouver la vérité objective indispensable pour rendre une bonne décision, associé à la procédure romano germanique applicable dans nos tribunaux depuis l'indépendance celle inspirée du droit anglo-saxon. Ceci est perceptible dans la mise en oeuvre de l'audition (chapitre 1) ; mais le juge n'étant pas lié par un témoignage dispose d'un large pouvoir d'appréciation et conserve une grande marge de liberté quant à la valeur à accorder au témoignage (chapitre 2). CHAPITRE ILA MISE EN OEUVRE DE L'AUDITION Collaborateurs volontaires ou forcés de la Justice, les témoins qui ont répondu à la citation ou qui ont comparu volontairement doivent dans les moindres détails possibles révéler à leur interlocuteur tout ce qu'ils savent des faits objets de la poursuite. Que ce soit leurs auteurs ou les circonstances de la commission de l'infraction, ils doivent autant que possible éclairer la religion des juges. Compte tenu de l'incidence direct et souvent déterminante que peuvent avoir leurs dépositions sur le dénouement du procès, leur audition a été formellement réglementée par la loi : par exemple le témoin qui fait une fausse déposition en justice est passible des poursuites pour faux témoignage et risque jusqu'à l'emprisonnement a vie en fonction de la gravité de l'infraction pour laquelle elle a été commise. Mais avant de déposer effectivement (section 2) ils doivent accomplir ce préalable indispensable qu'est le serment testimonial (section 1ere) SECTION I : LE PREALABLE INDISPENSABLE A L'AUDITION : LE SERMENT TESTIMONIAL Tout comme les experts et les interprètes, les témoins doivent avant leur audition déferrer à l'obligation de prêter serment (paragraphe 1). Formalité substantielle, 77(*) le serment s'impose en principe à tous les témoins et sa violation est sanctionnée par la loi (paragraphe2). Paragraphe I : Le serment, garantie de la véracité des déclarationsLe serment est une affirmation ou promesse solennelle faite en invoquant un être ou un objet sacré, une valeur morale comme gage de sa bonne foi. 78(*) Compte tenu de l'enjeu qu'est la recherche de la vérité, la pratique du serment est d'une importance capitale en matière de témoignage (A) et la loi l'impose en principe à toute personne devant en fournir un en justice (B). A- Le serment, une formalité substantielle en matière de témoignage. En procédure civile comme en procédure pénale, le serment est une formalité substantielle en matière de témoignage. Il revêt une importance capitale dans l'administration de ce mode de preuve et ceci depuis des siècles (1). En matière répressive pourtant il n'est pas exigé à tous les stades de la procédure (2). 1-Origine et finalité du serment. Le serment a avant tout une origine religieuse. Depuis les époques très reculées et ceci jusqu'aujourd'hui, les hommes d'Eglise au seuil de leur formation jurent devant Dieu et les hommes de remplir leur fonction avec probité, dévouement, loyauté et surtout dans le respect de la parole de Dieu. C'est cette expression "je le jure" qui a été transposée en matière de serment et singulièrement de serment testimonial. En le prêtant, l'homme prend Dieu à témoin de sa sincérité et s'offre à sa vengeance en cas de parjure.79(*) Cette origine est confortée par la possibilité offerte au témoin de le faire dans les formes et rites non contraires à l'ordre public en usage dans sa religion ou dans sa coutume. Cela se vérifie aujourd'hui avec la présence dans les tribunaux statuant en matière répressive de la Bible et du Coran80(*) sur lesquels le serment est prêté. Cet engagement solennel n'est pas facultatif ou superfétatoire. Elle vise à attirer l'attention du témoin sur les conséquences graves de ses déclarations en faisant appel à sa conscience religieuse et morale. Il confère crédibilité à ses dires et en fait présumer la sincérité. C'est une formalité d'ordre public instituée pour garantir une bonne administration de la justice. Aucun témoin ne peut se le faire dispenser par les parties ou par les juges, ni même refuser de le prêter sous peine de sanction. 81(*) Tout témoignage doit en principe être reçu sous serment mais suivant les phases du procès pénal, cette formalité n'est pas toujours observée. 2- La limitation du serment à certaines phases du procès pénal. Condition indispensable pour la validité du témoignage, le serment n'est pourtant pas exigé à tous les stades de la procédure. La quasi-totalité de la doctrine est entièrement unanime sur le fait qu'il n'est pas exigé au niveau de l'enquête préliminaire et de flagrance. Est-ce à dire que les OPJ n'ont pas besoin de la vérité ? Pas pour autant puisque tous les indices recueillis à ce niveau seront appréciés par les juges. De plus la police ou la gendarmerie n'est pas un ordre juridictionnel. A ce stade le formalisme est très réduit et les règles de procédures moins rigides. Elles se renforcent au niveau de l'instruction, les enjeux étant plus grands, ceci à cause du dénouement de la procédure qui doit se solder par une décision juridictionnelle. Le juge d'instruction se doit donc d'entendre tout témoin sous la foi du serment et cette exigence ne doit aucunement disparaître même lorsqu'il commet rogatoirement un autre magistrat ou un OPJ à cette fin. Cet impératif se renforce progressivement pour devenir incontournable à l'audience .Tout témoin cité et acquis aux débats doit s'y conformer et même lorsque le tribunal ordonne un transport judiciaire, les témoins qui y seront entendus doivent prêter serment 82(*) sauf si la loi pour des raisons diverses les en dispense explicitement et dans ce cas, on dit qu'ils déposent à titre de "simples renseignements". B- La question controversée des simples renseignements Tout témoin cité à l'instruction comme à l'audience doit avant sa déposition se plier à l'obligation de prêter serment ceci pour garantir la véracité des déclarations. Pourtant ce n'est pas toujours le cas puisque certaines personnes pour des raisons diverses déposent sans prestation de serment "à titre de simples renseignements". Une notion d'ailleurs très critiquée (1) qui est venu un peu obscurcir le ciel de la preuve par témoignage ce qui n'a pas manqué d'entraîner la réaction du législateur Camerounais qui a sensiblement restreint le champ des simples renseignements (2). 1- La critique doctrinale de la notion de simples renseignements Le témoignage au sens large du terme se défini comme le fait d'attester la vérité d'un fait dont on a connaissance soit pour l'avoir vu ou pour l'avoir entendu.83(*) Le serment n'est qu'une formalité dont dépend la validité de la preuve. Cette conception était vraie à l'époque où s'appliquait encore le système des preuves légales, système dans lequel le législateur avait établie une hiérarchie des preuves qui s'imposait au juge. C'est dire que si l'on s'en tient à cette logique, les témoignages reçus sous serment avaient une force probante supérieure aux simples renseignements. Aujourd'hui, le système des preuves légales s'est estompé donnant place à celui de l'intime conviction du juge dans lequel celui-ci apprécie souverainement les preuves produites par les parties. Le corollaire immédiat en matière de témoignage est qu'elle rend inopérante et même dangereuse la fameuse distinction entre les simples renseignements et les témoignages faits sous serment. Cette distinction est inopérante dans la mesure où toutes les déclarations seront appréciées par le juge qui peut toujours décider de fonder sa conviction sur les simples renseignements et écarter un témoignage assermenté.84(*) Dangereuse, cette distinction l'est parce qu'elle permet aux personnes déchargées du serment de se moquer de la justice en mentant impunément sans craindre les peines de faux témoignage.84(*) Face à ces critiques sévères et d'ailleurs Justifiées, le législateur Camerounais n'a pas manqué de réagir.
Qui doit prêter serment et qui doit en être dispensé et pour quelles rai- sons ? A ces questions le législateur du CIC n'avait pas adopté une position nette. Hormis le cas du mineur de moins de 15 ans qui déposait à titre de simples renseignements, le CIC n'avait pas précisé une autre possibilité. Dans une formule qui prêtait à équivoque contenue dans l'article 156,84(*) le législateur avait plongé tout le monde dans la confusion. Il était difficile d'interpréter cette disposition parce que l'article ne précisait pas si l'audition devait se faire à titre de renseignement, ou sous serment .Pour Philippe DARGE,85(*) le tribunal ne pouvait entendre le parent du prévenu à titre de renseignements. Cette ambiguïté du CIC a été clarifiée par le CPP qui, prenant en compte comme toute nouvelle loi les critiques positives plus ou moins virulentes, a sensiblement restreint le champ des simples renseignements. En dehors du mineur de 14 ans et moins 86(*) et du témoin qui comparait volontairement à l'audience,86(*) tout le monde est désormais astreint à cette obligation indispensable. La formule de la loi est sans équivoque "toute personne". Le témoin lorsqu'il est appelé commence d'abord par prêter serment avant même de renseigner le tribunal sur d'éventuels liens de sang, d'alliance ou de subordination qu'il peut avoir avec les parties. Le juge aura donc un grand travail à faire puisqu'il devra apprécier en fonction des éléments de réponse. Le serment étant une formalité d'ordre public, son inobservation ou sa trahison entraîne des sanctions de plusieurs ordres. * 77 VINCENT (J), GUINCHARD (S), procédure civile Page772 * 78 Dictionnaire universel 4ème édition Hachette page 1108 * 79 MERLE (R) et VITU (A), op. cit. Page 225 * 80 Bible pour les chrétiens et le Coran pour les musulmans * 81 Cs, arrêt n° 259 du 26 Avril 1994 * 82 Cs arrêt n° 292/p du 28 Juin 1990 * 83 GARAUD (R), cité par NDJERE (E) Du Juge d'instruction...... au Juge d'instruction, quel cheminement pour quel résultat, Page 67. * 105 DAVID (P), "Le témoin" encyclopédie Dalloz 2002. * 106GARAUD (R) Cité par Merle (P) et Vitu (A), op. cit. Page 218. * 84"Les ascendants ou des descendants de la personne prévenue, ses frères et soeurs ou alliés en pareil degré, la femme ou son mari même après le divorce prononcé ne seront ni appelés ni reçus en témoignage ; sans néanmoins que l'audition des personnes ci-dessus désignées puisse opérer une nullité lorsque soit le Ministre public, soit la partie civile, soit le prévenu ne se sont pas opposés à ce qu'elles soient entendues * 85 DARGE ( p), cité par VIEUX ( E) dans note sous CS arrêt du 24 août 1995 op. cit * 108 Article 187 CPP. * 109Article 330 al 3 CPP. |
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