II - Les modifications de l'espace
socio-économique.
Les remises en cause du maillage politico-administratif
français actuel sont ainsi liées aussi aux nombreuses
modifications de l'espace socio-économique de ces dernières
décennies. Parmi celles-ci, évoquons :
* l'urbanisation croissante : d'une répartition
relativement homogène de la population il y a plus d'un
demi-siècle, et même avant, nous passons progressivement à
une répartition hétérogène (concentration, exode
rural), privilégiant les villes, les espaces urbains, périurbains
et rurbains. Il y a ainsi aujourd'hui 73% de citadins,
* les transformations profondes de l'agriculture et du monde
rural,
* une mobilité accrue des hommes, des biens, des
marchandises, des capitaux, des échanges, des informations...
Grâce aux nouvelles infrastructures de transports, à la
démocratisation de l'automobile, aux Nouvelles Technologies de
l'Information et de la Communication (N.T.I.C.), et aux progrès
techniques, les distances ne jouent plus le même rôle
qu'auparavant,
"Pour une remise en cause du maillage
politico-administratif français ? - Exemple de la
limite départementale et régionale entre Pau et Tarbes."-
Lionel Dupuy, Mémoire de DEA, 1998.
* les nouveaux comportements des populations, des entreprises,
des industries, liés à la prise en compte des loisirs, du cadre
de vie, de l'environnement.
C'est ainsi qu'une cartographie des densités actuelles de
population en France met en évidence l'intensité du mouvement de
contraction de la population. Si au siècle dernier la population
était relativement diffuse sur l'ensemble du territoire national,
aujourd'hui elle est concentrée sur des espaces restreints. Ainsi, alors
que 1/10 ème de la population française est répartie sur
60% du territoire, 4/10 ème est répartie sur 1% du territoire
seulement. Ce faisant, aujourd'hui 80% environ des communes en France ont moins
de 1000 habitants : les densités de population sont donc très
inégales sur l'ensemble du territoire.
Autrefois, le temps nécessaire à l'acheminement des
biens, des hommes et de l'information sur de longues distances, constituait des
territoires plus petits et des territorialisations différentes que ceux
que nous connaissons actuellement. Les progrès scientifiques et
techniques (automobile, train, avion, téléphone,...) ont aboli
les frontières de ces anciens territoires, de même que les
distances ne jouent plus le même rôle. Les hommes sont ainsi
très mobiles en cette fin de siècle : en 1789, l'aller-retour au
chef lieu de département se faisait en cheval et en une journée,
en 1998, l'aller-retour au chef lieu de région se fait en voiture et
parfois en une matinée...
L'espace socio-économique s'est aussi
spécialisé avec le temps et les relations entre les
différents pôles urbains constituant l'armature urbaine
française se sont densifiées. De nombreuses mutations
qualitatives se sont donc opérées, à la fois au niveau des
villes et de la campagne.
Ainsi, depuis le 19° siècle, le changement a
été un facteur accru d'inégalités ente les
départements. Deux facteurs sont fondamentaux :
* la Révolution industrielle et urbaine,
* la Révolution tertiaire (services,
administration,...).
De ces révolutions s'est opérée une
transformation de la configuration géographique de la France ainsi qu'un
bouleversement de l'équilibre traditionnel entre les villes et les
campagnes. La géographie des villes s'est remodelée en fonction
d'un double processus :
* le développement de certaines villes plus important que
d'autres, * la complexification de la hiérarchie du réseau
urbain.
Tout cela, auquel il faut ajouter le rôle de la position
des villes à l'échelle nationale et européenne, a conduit
et conduit encore à une différenciation entre les
départements, certains étant plus dynamiques que d'autres
(peut-on comparer le Gers, le département le plus rural de france dont
la population totale est d'environ 175.000 habitants, avec, par exemple, le
département du Nord, ouvert sur l'europe du Nord et ayant une population
totale de 2.500.000 habitants ?).
Le maillage politico-administratif français s'adapte donc
de plus en plus mal avec la mise en place des nouvelles prérogatives de
l'État. Le premier, statique, semble immuable ; les secondes concernent
un espace socio-économique dynamique qui évolue
continuellement.
"Pour une remise en cause du maillage
politico-administratif français ? - Exemple de la
limite départementale et régionale entre Pau et Tarbes."-
Lionel Dupuy, Mémoire de DEA, 1998.
Cette inadaptation croissante entre l'un et l'autre conduit
à de nombreuses remises en cause, le maillage politico-administratif
ayant de moins en moins comme objectif d'asseoir le pouvoir central (en train
de se décentraliser) et par conséquent d'être
volontairement décalé et contradictoire avec les
réalités diverses, observables sur le territoire national.
Finalement, seules les fonctions régaliennes peuvent être remplies
correctement sur ces bases territoriales.
Ainsi, les logiques qui ont présidé à
l'organisation et à la mise en place du maillage politicoadministratif
français (que nous connaissons actuellement), ne sont plus celles qui se
développent aujourd'hui (même pour les régions, pourtant
d'essence récente). De même, il n'existe pas qu'un seul type
d'espace politico-administratif et/ou socio-économique (dans une
perspective qualitative), ni même une seule échelle correspondante
à ces différents types d'espaces (donc dans une perspective
quantitative). Par conséquent, l'articulation et l'imbrication de ces
deux espaces est tellement difficile de nos jours qu'il est évident
d'assister à de nombreuses remises en cause. Ce faisant, dans la partie
suivante, nous allons faire un état des lieux des différentes
critiques émises à l'encontre de ce maillage
politicoadministratif.
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