I - Régionalisation, aménagement du
territoire et décentralisation.
Les régions sont des circonscriptions de l'administration
nationale et territoriale. De création récente, leur
légitimité est donc fragile. L'historique de la région
peut se diviser en trois étapes.
"Pour une remise en cause du maillage
politico-administratif français ? - Exemple de la
limite départementale et régionale entre Pau et Tarbes."-
Lionel Dupuy, Mémoire de DEA, 1998.
A) - De la Révolution Française
jusqu'à l'orée de la V° République.
C'est une période d'hostilité politique, il y a un
refus explicite de créer des circonscriptions de trop grande dimension,
même si elles ont des avantages. C'est aussi la peur permanente (de la
part du pouvoir en place) de voir resurgir en France, derrière la
région, le spectre de l'Ancien Régime (la Monarchie,
c'est-à-dire la revendication de privilèges ou de pouvoirs forts
capables de contester Paris et son influence). De plus, en cette
période, il y a toujours le souci de favoriser le centralisme
français (parisien), donc de ne pas remettre en cause la
République.
Pendant le régime de Vichy, 19 préfectures
régionales sont nées. Elles ont des attributions dans le domaine
de l'ordre et de la police, et aussi une vocation dans le domaine
économique : il s'agit d'organiser la distribution des subsistances.
Après la 2° Guerre Mondiale, différents
mouvements régionalistes (exemple, en 1952, le C.E.L.I.B. est le
Comité d'Étude et de Liaison des Intérêts Bretons)
manifestent des volontés régionalistes.
B) - De 1956 aux lois de décentralisation
(1982-1983).
L'idée de région s'impose ainsi petit à
petit en France, la nécessité économique faisant loi. La
volonté des milieux d'affaire est de délimiter des territoires
offrant une capacité d'intervention plus grande, et permettant aussi de
nouvelles stratégies pour les entreprises. Il s'agit aussi de
réduire l'influence parisienne et de créer un nouveau cadre
approprié à la mobilité des hommes (due à la
civilisation automobile). Un arrêté du 28 octobre 1956 crée
ainsi 22 régions de programme. Ces dernières constituent
cependant des regroupements de départements, afin de conserver le
même nombre d'élus. Ainsi, "La nécessité de
créer des régions apparaît d'abord liée à la
volonté de planifier et d'aménager le développement
économique", ce qui correspond bien à l'évolution des
compétences de l'État que nous évoquions
précédemment.
En 1964, le 14 mars, une réforme régionale est mise
en place. Les C.O.D.E.R. sont créées (COmmissions de
Développement Économique Régional). Elles ont un pouvoir
limité et un but essentiellement consultatif. Les préfets de
région, quant à eux, ont pour mission de coordonner
l'administration et de mettre en oeuvre la politique du gouvernement en
matière d'aménagement du territoire et de développement
économique. La région est alors une circonscription territoriale
de l'État.
"La France de 1964 reste donc directement administrée
par le pouvoir central, elle reste jacobine". Dans la même
période, la création de la D.A.T.A.R. en 1963
(Délégation à l'Aménagement du Territoire et
à l'Action Régionale) constitue aussi une émanation du
pouvoir central. Cette période 1956-1964 apparaît donc comme un
aménagement du territoire par le centre. La période suivante, de
1968 à 1972 s'apparente cependant plus à une phase
d'hésitations, entre les manifestations de mai 1968 et la réforme
de Pompidou.
En 1972, le 5 juillet, sous Pompidou, on procède à
une nouvelle réforme régionale (très timide, compte-tenu
de ce qui s'est passé auparavant avec De Gaulle). La région
change de statut juridique. Les E.P.R. apparaissent (Établissements
Publics Régionaux). Ils sont au nombre de 22. Le Conseil
Économique et Social reproduit en quelque sorte les anciennes
"Pour une remise en cause du maillage
politico-administratif français ? - Exemple de la
limite départementale et régionale entre Pau et Tarbes."-
Lionel Dupuy, Mémoire de DEA, 1998.
C.O.D.E.R.. Les régions restent toujours cependant des
régions croupions, placées sous la tutelle de l'État.
Si la loi de 1972 correspond à une phase de
déconcentration des pouvoirs de décision et de contrôle, la
loi de 1982 constitue au contraire une véritable phase de
décentralisation.
C) - De 1982-1983 à nos jours.
Cette troisième étape constitue ainsi le passage de
la déconcentration à la décentralisation, et la mise en
place de l'aménagement du territoire par la régionalisation, sous
l'impulsion de la Gauche, arrivée au pouvoir lors des élections
présidentielles de mai 1981 (avec François Mitterrand).
La région devient une collectivité territoriale
où siègent deux assemblées :
* le Conseil Régional (les conseillers
généraux sont élus au suffrage universel dans le cadre des
départements),
* le C.E.S. (Comité Économique et Social).
Quant aux préfets, ils deviennent les commissaires de la
République : ils "ont charge de garantir la cohérence des
décisions régionales par rapport à la politique
nationale".
Les compétences des régions demeurent encore
faibles, en rapport avec des budgets limités. Elles concernent l'action
économique, l'aménagement du territoire, la formation
professionnelle et le développement des universités. Par contre,
les départements et les communes (qui deviennent aussi des
collectivités territoriales décentralisées) voient leurs
pouvoirs et leurs compétences augmenter sensiblement (plus que la
région qui est naissante) : les élus locaux gèrent des
services départementaux et des budgets de plus en plus importants. Les
maires, par exemple, ont désormais le pouvoir de délivrer les
permis de construire.
Nous assistons ainsi à un affaiblissement du pouvoir
central et à un rééquilibrage des rapports de force entre
les collectivités territoriales et l'État, où la
région constitue un espace stratégique, un espace fonctionnel. De
création récente (la région est peu vécue,
perçue et représentée), la région a essentiellement
une dimension économique, politique et administrative (mais dans une
perspective inverse à celle développée lors de la
création des départements et des communes). Elle est un espace en
devenir, objectif et objectivée, une future maille de l'articulation
européenne.
La région est donc aujourd'hui une division administrative
de la France regroupant plusieurs départements. On y retrouve un budget
et une assemblée élue, le conseil régional, qui regroupe
des parlementaires de la circonscription et des représentants des
collectivités locales et territoriales (départements, communes,
communautés urbaines). Le président du conseil régional
assure le pouvoir exécutif, il est élu par l'assemblée
régionale au moment de son renouvellement. L'État est donc
représenté par un commissaire de le République
(anciennement le préfet de région) qui reste à la
tête de l'administration centralisée et qui gère aussi les
services extérieurs de l'État.
"Pour une remise en cause du maillage
politico-administratif français ? - Exemple de la
limite départementale et régionale entre Pau et Tarbes."-
Lionel Dupuy, Mémoire de DEA, 1998.
Circonscription administrative d'aménagement par
excellence, la région, instituée donc dès 1956 et
effective à partir des lois de décentralisation de 1982-1983,
procède ainsi d'une triple volonté :
* mettre en place un support territorial susceptible de
favoriser, via les lois de décentralisation, un développement
plus harmonieux et plus homogène de l'ensemble du territoire national
français, ce dernier souffrant en ces années après la
2° Guerre Mondiale de l'hypertrophie
politico-démographico-économique parisienne,
* donner de la matière à polariser aux
métropoles d'équilibre que l'État cherche à
favoriser, * mettre en place un interlocuteur entre le département et la
région.
Le maillage régional, regroupant les unités
départementales, offre cependant des disproportions dans la taille des
régions ainsi établies, l'espace socio-économique
étant en évolution constante et étant très
hétérogène. Il existe ainsi de grosses disparités
démographiques et économiques entre certaines régions,
comme par exemple entre le Limousin et Rhône-Alpes.
Avec la mise en place des régions et de leur renforcement
via les lois de décentralisation (ainsi que l'aménagement du
territoire qui les accompagne), nous assistons donc depuis une quarantaine
d'années à une extension des compétences de l'État
qui pose des problèmes : comment gérer ces nouvelles
compétences en gardant un maillage politico-administratif ancien mis en
place pour des compétences beaucoup plus précise et surtout plus
réduites (les trois fonctions régaliennes de l'État
étant la justice, la police et l'armée). Car en même temps,
et surtout depuis les années 1960, l'espace socio-économique
français s'est fortement modifié et a connu de nombreuses
évolutions. Comment alors un maillage établi voilà 200 ans
peut-il s'adapter à de nouvelles compétences qui concernent un
espace socio-économique en évolution constante ?...
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