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Pour une remise en cause du maillage politico-administratif français: Exemple de la limite départementale et régionale entre Pau et Tarbes

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par Lionel Dupuy
Université de Pau et des Pays de l'Adour - DEA Géographie - Aménagement 1998
  

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Troisième Partie :

Les solutions à envisager : une réforme française est-elle nécessaire ?

"Il faut clarifier à la fois les compétences, les moyens financiers, les rôles de l'État, des régions, des départements, des communes et des différentes formes d'intercommunalité. Une tâche difficile quand de nombreux élus ont plusieurs casquettes sur la tête du fait du cumul des mandats. L'État doit assurer une répartition équitable des charges et des moyens. Nous avons souhaité renforcer le rôle des régions parce qu'elles se trouvent à l'interface entre le processus ascendant, qui émane des mobilisations locales, et le processus descendant, qui équilibre et intègre au nom de l'intérêt général". (...) "Le débat porte moins sur les principes et la place des différents niveaux que sur l'articulation très concrète des compétences et des financements des différentes instances. Un débat très complexe et qui demeure non tranché à bien des égards".

Cette citation de Dominique Voynet faite dans le cadre de la présentation de son avant-projet de Loi d'Aménagement (et de Développement) Durable du Territoire (L.A.D.T. du 11 juin 1998), souligne la nécessité de procéder à une réflexion profonde et à un rééquilibrage (une meilleure répartition) des différentes compétences dévolues aux principales mailles politicoadministratives actuelles, ainsi que de mettre en place et de favoriser les espaces projet que proposent les lois de 1990, 1992, 1995 (et de 1998).

Cette troisième partie constitue en quelque sorte la synthèse des deux premières parties développées dans ce mémoire. Elle va nous aider, dans le cadre de la théorie dialectique, à dépasser les paradoxes apparents qu'offre le développement d'espaces projet, des espaces de gestion et d'organisation de l'espace pour l'avenir, en parallèle, et parfois sur, des mailles politico-administratives anciennes, souvent inadaptées aux réalités factuelles du terrain socio- économique. Il s'agit donc pour nous de vérifier la deuxième hypothèse de notre mémoire, celle de la nécessité de procéder en France à une réforme du maillage politico-administratif.

Ce faisant, et en partant aussi des solutions proposées dans le cadre du secteur d'étude qui nous intéresse, plutôt que d'envisager une réforme globale du maillage politico-administratif français, nous nous intéresserons à certaines mailles précises (départementales, et régionales dans une moindre mesure), en nous demandant aussi quel est l'avenir de ces espaces projet. Sont-ils des solutions de transition, de vagues embryons sans avenir, ou alors les prémices d'une réforme plus globale et plus générale ?

Le problème est que la multiplication des niveaux politico-administratifs augmente les coûts de fonctionnement et allonge les délais de décision, ce qui n'est pas fait pour satisfaire le "simple" citoyen qui est souvent perdu dans cet ensemble complexe. Comme le disait Dominique Voynet dans sa citation, nous avons en réalité affaire à un problème de décalage et non pas de hiérarchie.

"Pour une remise en cause du maillage politico-administratif français ? - Exemple de la limite
départementale et régionale entre Pau et Tarbes."- Lionel Dupuy, Mémoire de DEA, 1998.

A) - Les espaces projet français de la L.O.A.D.T. de 1995 : exemples d'application entre Pau et Tarbes.

La Loi d'Orientation pour l'Aménagement et le Développement du Territoire (L.O.A.D.T. du 4 février 1995), définit (et renforce) deux instruments en vue de la recomposition du territoire national dans l'optique de la France de 2015. Ces deux instruments, ou espaces projet, s'inscrivent donc sur une période de 20 ans : il s'agit d'abord des réseaux de villes, et ensuite des "pays".

I - Les réseaux de villes : le réseau de villes "Pau-Tarbes-Lourdes" ou "Pyrénées Métropole".

Après avoir retracé la genèse et les objectifs, les nouveaux rapports de l'élu local à l'espace, et apporté quelques critiques et limites à la notion de réseaux de villes, nous nous intéresserons à "Pyrénées Métropole", le réseau de villes qui associe Pau, Tarbes et Lourdes, en retraçant ainsi les objectifs poursuivis et les résultats obtenus.

A) - Les réseaux de villes définis par le C.I.A.T. et la L.O.A.D.T.

- Les objectifs des réseaux de villes : possibilités et avantages.

Définis lors du Comité Interministériel d'Aménagement du Territoire du 5 novembre 1990 (C.I.A.T.), renforcés et consacrés par la L.O.A.D.T., les réseaux de villes font l'objet en France d'une politique d'État menée par la Délégation à l'Aménagement du Territoire et à l'Action Régionale (D.A.T.A.R.) depuis la fin des années 1980. "Le C.I.A.T. décide que seront élaborés : des programmes de réseaux de villes destinés à concrétiser le rapprochement des villes décidées, pour valoriser leurs atouts européens, à mettre en commun leurs complémentarités pour :

-> renforcer la compétitivité économique des territoires qu'elles irriguent, -> favoriser leur ouverture vers l'Europe".

Les réseaux de villes s'inscrivent donc fondamentalement dans une logique réticulaire d'organisation de l'espace, où sont favorisées les relations et les inter-relations entre les points et les lieux constituant cet espace. Les distances séparant les villes constitutives des réseaux en question sont généralement proportionnelles aux poids démographiques de ces mêmes villes, ce qui explique que des villes parfois distantes de plusieurs dizaines de kilomètres s'intègrent pourtant dans un tel projet.

Ce faisant, les réseaux de villes s'inscrivent aussi dans la discontinuité géographique : "un réseau de villes (...) peut être défini comme une alliance, sur des projets de développement, entre des maires urbains dans une discontinuité géographique". Le mot-clef ici est donc la complémentarité, complémentarité qui doit permettre aux villes "moyennes" (dans une perspective démographique, c'est-à-dire dont la population est comprise entre 20.000 et 200.000 habitants), "intermédiaires" (par rapport aux échelons de la hiérarchie urbaine européenne), et situées en périphérie des grands pôles ou axes de développement, de franchir un seuil de lisibilité, de monter dans la hiérarchie urbaine française, et de mettre en place une

"Pour une remise en cause du maillage politico-administratif français ? - Exemple de la limite
départementale et régionale entre Pau et Tarbes."- Lionel Dupuy, Mémoire de DEA, 1998.

forme de "gouvernance locale". Les réseaux de villes constituent ainsi une solution pour les espaces intermédiaires qui veulent contrebalancer les poids de leurs métropoles régionales respectives ; ils sont ainsi des leviers qui poussent à l'alliance.

- Les nouveaux rapports de l'élu local à l'espace.

Lors de la mise en place des réseaux de villes, le rapport de l'élu local à l'espace (d'action et de légitimité) s'en retrouve modifié : Frédéric Tesson, dans sa thèse sur "les réseaux de villes en France : recherche sur les rapports de l'élu local à l'espace"pose comme postulat de départ que "le rapport de l'élu local à l'espace est un rapport lié au territoire, dans sa dimension institutionnelle (politique, administrative, juridique et électorale)". Son hypothèse (ou plus exactement sa thèse) consiste à démontrer que ce rapport est en train d'évoluer, compte-tenu notamment de la mondialisation des échanges, des entreprises qui développent leurs stratégies d'implantation et de développement en dehors des cadres politicoadministratifs existants, et aussi pour les autres raisons que nous avons développées dans les deux premières parties de ce mémoire. Enfin, son hypothèse de terrain suppose que les réseaux de villes peuvent nous montrer que ces relations évoluent. Son travail lui a ainsi permis d'aboutir à plusieurs conclusions, dont celle, primordiale, que les réseaux de villes bougent beaucoup plus dans le discours que dans la pratique.

En effet, le discours constitue un rapport à l'espace pour l'élu qui doit rapporter des voix en vue des futures échéances électorales, le mode de fonctionnement de l'élu étant conditionné par son espace de légitimité, et non pas par l'espace d'action sur lequel repose un réseau de villes, a fortiori quand il se développe à cheval sur plusieurs départements ou régions (ce qui d'ailleurs est souvent le cas). De même, le problème de l'information (des citoyens et des habitants des villes concernées) et la difficulté à rassembler en un lieu commun et à une date commune des élus et des responsables dont les emplois du temps ne coïncident pas toujours, constituent une conclusion supplémentaire à laquelle aboutit l'auteur. Cette dernière permet d'expliquer en partie l'échec des réseaux de villes en France, huit ans après leur mise en place par le C.I.A.T. Car sur les 63 villes qui s'étaient associées en 19 réseaux de villes différents (certaines appartenant même à deux réseaux de villes contigus et/ou connexes), seule une petite moitié fonctionne encore actuellement.

Néanmoins, "ce dernier (en parlant de l'élu local) semble prendre conscience que l'avenir de sa commune et, plus largement de l'agglomération que celle-ci dynamise, se joue dans un territoire plus vaste et en tout cas non directement superposable aux limites du territoire politico-administratif dans lequel elle s'insère. Cette attitude le pousse à reconsidérer sa vision du territoire pour se diriger vers une définition plus fonctionnelle, plus proche des réalités de développement".

- Inconvénients et limites des réseaux de villes.

Si le réseau de villes constitue un instrument, a priori, efficace d'aménagement du territoire, il n'en pose pas moins certains problèmes, surtout quand il se développe à cheval sur plusieurs départements et/ou régions. Le premier problème est directement lié à la conception même du réseau de villes qui associe uniquement des lieux entre eux (des villes, des agglomérations,...) : qu'en est-il alors des espaces interstitiels, qui eux, au contraire, supposent une organisation aréolaire de l'espace. Il ne faut pas oublier qu'en dehors des réseaux de villes, ces dernières

"Pour une remise en cause du maillage politico-administratif français ? - Exemple de la limite
départementale et régionale entre Pau et Tarbes."- Lionel Dupuy, Mémoire de DEA, 1998.

polarisent et animent normalement une région (un espace géographique périphérique) composée de petites villes, de bourgs plus ou moins ruraux, d'espaces marginalisés,... Comment concilier alors ces deux problématiques, a priori contradictoires ?

Ensuite, il ne faut pas négliger non plus les problèmes d'interférences avec les compétences des départements et des régions. Un maire faisant partie d'un réseau de villes interdépartemental ou inter-régional doit faire face à de nouvelles compétences : "Ainsi, lorsque les maires en réseau évoquent des dossiers tels que le tourisme ou l'action économique, ils franchissent le cadre de leurs compétences légales pour se positionner sur des sujets dévolus à d'autres niveaux de la "hiérarchie territoriale tacite" (département, région). De même, le fait de se positionner clairement dans une problématique d'aménagement du territoire, en s'adressant directement à l'État et à la D.A. T.A.R., pose la question du rôle de la région, court-circuitée ici, dans une de ses compétences majeures".

Enfin, et cela constitue notre dernière limite, les réseaux de villes en France n'intéressent (ou n'ont intéressé) au maximum qu'une soixantaine de maires. Faible proportion rapportée aux 36551 communes présentent sur l'ensemble du territoire. Ces réseaux de villes ne sont-ils alors que le "jouet" de quelques privilégiés, ou alors les prémices d'un futur instrument plus large et plus global d'aménagement du territoire ?

En fait, si de nombreux maires se sont engagés il y a quelques années dans une démarche de réseau de villes, c'est beaucoup plus pour les apports financiers non négligeables (émanant de la D.A.T.A.R., et utilisés par la suite à des fins totalement étrangères au supposé réseau de villes pour lesquels ils étaient normalement consacrés), que par un véritable désir de s'associer à une structure dont les objectifs (et les résultats) n'étaient alors qu'incertitudes et suppositions. "Pyrénées Métropole" ou le réseau de villes "Pau-Tarbes-Lourdes" constitue à nos yeux un exemple qui confirme cet état de fait.

B) - "Pyrénées Métropole" ou le réseau de villes "Pau-Tarbes-Lourdes".

Se développant à cheval sur la région Aquitaine et Midi-Pyrénées, le réseau de villes PauTarbes-Lourdes (ou Pyrénées Métropole) est né en 1991. Son objectif est le suivant : "Intensifier les échanges entre les trois villes pour l'intégration progressive des bassins d'emplois dans la perspective de l'émergence d'une métropole des pyrénées au sein des Pays de l'Adour". Deux ans plus tard (en juin 1993), une étude de faisabilité montre qu'il peut s'appuyer sur des réseaux sociaux et économiques préexistants, et met en évidence une complémentarité possible entre ces trois villes.

Le niveau scalaire retenu et la position géographique des trois villes à l'échelle du Sud-Ouest Français, justifient d'autant les rapprochements et la mise en place de ce réseau de villes. En effet, "à près de 200 kilomètres de leurs métropoles régionales respectives, ces trois villes jouent clairement la coopération dans une perspective aménagiste", ce que l'on conçoit clairement au regard des densités de relations qui s'établissent entre les trois villes. La limite des aires d'influences de Bordeaux et de Toulouse étant prégnante, la logique de la constitution du réseau de villes est relativement simple : combler le vide dans l'armature urbaine de la France entre les deux métropoles, en partant du principe que l'union, mais aussi la complémentarité, fait la force.

"Pour une remise en cause du maillage politico-administratif français ? - Exemple de la limite
départementale et régionale entre Pau et Tarbes."- Lionel Dupuy, Mémoire de DEA, 1998.

L'idée d'un réseau de villes Pau-Tarbes-Lourdes est une idée endogène au secteur d'étude considéré, à l'inverse de nombreux autres réseaux de villes dont la paternité et la genèse reviennent à la D.A.T.A.R. Cette volonté d'aménagement du territoire est sous-tendue par l'ambition d'animer une région, celle des Pays de l'Adour. Cependant, le réseau de villes s'excentre largement vers le sud-est dans le cadre géographique ainsi défini, ce qui pose des problèmes, outre ceux de sa pérennité et de sa survie. Car aujourd'hui, ce réseau de villes ne fonctionne plus. André Labarrère (député-maire de Pau) déclarait il y a peu de temps : "le réseau de villes Pau-Tarbes-Lourdes est un échec". Les mêmes propos nous ont été tenus récemment par Xavier Piolle, bien qu'il y ait actuellement un essai de relance...

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