Le rétablissement de l'Etat de droit dans une société en reconstruction post-conflictuelle: l'exemple de la sierra léone( Télécharger le fichier original )par Jukoughouo Halidou Ngapna Institut des Droits de l'Homme de Lyon & Université Pierre Mendès France de Grenoble - Master 2, Recherche, Histoire du Droit, Droit et Droits de l'Homme 2007 |
La réponse pénale aux atrocités du conflit sierra léonais nécessitait donc un modèle de justice suis generis car il était à l'époque peu évident de poursuivre, par aucune instance judiciaire internationale ni nationale titulaire de la compétence universelle et pouvant rendre justice au peuple sierra léonais. Le contexte international et les opinions politique et publique internes de la Sierra Léone sont favorables à la création d'une instance pénale dont la mission sera de définir clairement la portée matérielle, personnelle et temporelle de ces obligations pour créer un précédent utile à destination des autres sociétés en reconstruction post-conflictuelle (Chapitre premier). Les fonctions classiques de prévention et de répression de la justice pénale seront nécessairement couplées à la réhabilitation des victimes et des responsables. Le mandat et le fonctionnement de la Cour devront y veiller scrupuleusement (Chapitre 2).Chapitre Premier : UNE COUR ADAPTEE A UN CONTEXTE PARTICULIERL'échec de l'Accord de paix de Lomé a sans doute offert à la communauté internationale une occasion de rétablir l'équilibre et de se doter des moyens de pouvoir engager la responsabilité des auteurs des violations graves des droits de l'homme pendant le conflit. La mise en place de la MINUSIL, qui stabilisera le pays, permettra la bonne conduite des élections et l'ouverture des consultations pour la mise sur pied de la Commission Vérité et Réconciliation. Cependant, les attentes de la communauté internationale et de la société sierra léonaise sont plus grandes ; il y a un grand besoin de plus en plus palpable38(*) de procéder à la traduction des responsables des exactions devant une instance pénale qui complètera le travail que s'apprête à entamer la Commission. Plusieurs arguments ont milité en faveur de la création de la Cour sur le modèle actuel. D'une part, les autorités sierra léonaises craignaient que le jugement de Foday SANKOH et de ses complices par un tribunal national manquerait de crédibilité et ouvrirait ainsi la voie à une nouvelle déstabilisation du pays par les rebelles qui ne se sont réellement pas encore démobilisés. Le président Tejan KABBAH écrira donc au Secrétaire général des Nations unies le 12 juin 2000 demandant l'assistance de la communauté internationale pour juger les hautes personnalités du RUF. D'autre part, le Conseil de sécurité voyait en la prise en otage des membres de la force des Nations unies par un groupe armé une attaque dirigée contre la communauté internationale toute entière39(*) et estimait qu'il était de l'obligation de l'organisation de fournir son assistance au gouvernement dans la poursuite des perpétrateurs. Le Secrétaire général sera alors chargé de fournir un rapport sur le statut, le financement et le fonctionnement de la Cour. Sur ces trois points, les avis étaient différents. Le Secrétaire général souhaitait une Cour dotées des pouvoirs issus de chapitre VII de la Charte, chargé de poursuivre « ceux qui sont le plus responsables » des violations des droits de l'homme et financée par le budget des Nations unies. Le Conseil de Sécurité quant à lui voulait une Cour indépendante du budget de l'ONU, démunie des pouvoirs du Chapitre VII et compétente pour juger « ceux qui portent la plus grande responsabilité » des exactions. C'est finalement cette dernière formule qui sera adoptée au moyen de la Résolution 1315 du Conseil de Sécurité40(*), demandant « au Secrétaire général de conclure un accord avec le gouvernement de la Sierra Léone en vue de la création d'une Cour spéciale (...) étant donné que la situation du pays est une menace contre la paix et la sécurité dans la région» 41(*). Après 17 mois de négociations, le gouvernement sierra léonais et le Secrétaire général signent finalement en janvier 2002 l'Accord portant sur l'établissement de la Cour spéciale pour la Sierra Léone42(*) auquel sera annexé un statut. La création et la mise en place de la Cour auront suscité plein de débats qui relèveront des questions juridiques dont l'analyse présente un grand intérêt. Il était donc nécessaire de mettre en place une instance répondant aux besoins des contextes interne et international et de lui fournir des armes lui permettant d'accomplir sa mission de manière adéquate afin d'inciter une plus grande adhésion des principaux concernés, les populations sierra léonaises. Il conviendra donc, avant de mesurer l'impact que la stratégie des poursuites aura eu sur l'opinion (Section 2) de présenter l'environnement global autour de la création de la Cour spéciale (Section 1). Section I : Environnement global autour de la création de la Cour SpécialeLa Cour spéciale sierra léonaise est un exemple inédit d'instance pénale internationale. Elle intervient dans un contexte international propice aux poursuites pénales (I) alors même que la communauté internationale, par la création d'autres juridictions ad hoc s'était dotée de moyens lui permettant de répondre ponctuellement à d'autres violations graves des droits de l'homme. Il sera alors utile pour notre étude de confronter la nouvelle Cour avec ces deux instances pénales internationales (II). I. Un contexte national et international propice aux poursuites pénalesLes crimes internationaux sont d'un genre particulier. Le processus de victimisation va au-delà des victimes directes et immédiates. La déshumanisation des victimes touche à l'humanité tout entière, car c'est à l'ensemble de la communauté des Etats qu'il appartient de garantir le respect des normes impératives du jus gentium. Les développements de la société internationale depuis la création des tribunaux ad hoc en 1993 et l'adoption du Statut de Rome ainsi que la prise de conscience de l'ampleur des atrocités développeront un consensus global autour des poursuites (A) ce qui fera de la collaboration entre la Cour et le gouvernement (B) un exemple. A. Consensus autour des poursuitesLa création d'une Cour pénale en Sierra Léone répondait aux attentes de la population qui a besoin de la justice afin de rétablir l'équilibre interne (1) et de défendre les intérêts de la communauté internationale (2).
La justice internationale, comme l'indiquait le juriste autrichien Hans KELSEN43(*) est une justice primitive qui a le plus souvent mis l'accent sur la responsabilité collective de l'Etat ou des groupes plus ou moins homogènes44(*). Or, depuis Nuremberg, la société internationale s'est progressivement écartée de cette voie. Il est nécessaire d'établir les responsabilités individuelles. Autrement dit, les victimes et communautés qui ont souffert sont moins disposées à se réconcilier si les auteurs des crimes ne sont pas reconnus comme responsables, elles ont besoin d'identifier les personnes individuellement responsables de leurs souffrances pour mettre fin à la haine et au désir de vengeance. Il ne sera plus question de stigmatiser ou de faire des amalgames à propos des child soldiers, des bush followers, des Kamadjors, des membres des forces armées ou bien d'autres groupes abstraits et de les considérer comme étant tous responsables, diluant ainsi la responsabilité réelle qui réside dans la culpabilité. Il s'agira de trouver des noms, des circonstances précises et des lieux pour identifier avec précision les perpétrateurs et leur infliger des sanctions légitimement proportionnelles à leurs actes. Il y a quand même eu des réserves des populations consultées quant à leur opinion sur la mise en place de la Cour. Certains d'entre eux soutenaient que traduire les gens devant des juridictions pour les fautes commises était une manière occidentale d'affronter le passé. La tradition africaine45(*) privilégie le dialogue et le pardon entre membres de la communauté, si possible sans la présence des personnes étrangères. Pour eux, faire comparaître des personnes avec qui ils vivent en communauté devant un tribunal, de surcroît dirigé par des juges internationaux, qui n'ont aucun lien historique, moral, idéologique ou religieux avec les protagonistes du conflit, est peu propice à promouvoir la réconciliation ; ce serait faire ressurgir les blessures du passé, reparler des souffrances et humiliations que les femmes et surtout les filles ont dû subir et cristalliser ainsi les haines nées et entretenues pendant le conflit. Ceci est probablement dû au manque de consultation préalable et au sentiment de mise à l'écart des populations et des groupes de victimes. Les principales associations ne pouvaient se rendre à New York où se tenaient les négociations à propos de la Cour et n'assistaient pas toujours aux réunions des experts des Nations unies lorsque ceux-ci venaient en mission sur le terrain. Cette lacune sera corrigée par le greffe du tribunal qui mènera dès les premiers jours de sa constitution une campagne nationale d'information sur le mandat et le fonctionnement de la Cour ainsi que de l'avantage dont les sierra léonais pouvaient en tirer. L'autre raison de réserves par rapport à la Cour était la précarité de la paix. Si jeune, celle-ci risquait de voler aux éclats parce que les combattants, de peur d'être confrontés à un procès, et d'éventuelles peines de prison mettraient en péril les opérations de démobilisation, désarmement et de réinsertion (DDR) menées par les Nations unies et le gouvernement. Une étude menée par l'organisation PRIDE (Post-conflict Reintegration Initiatives for Developpement and Empowerment) pour le compte de l'ICTJ montre46(*) qu'au début, l'opinion favorable des ex-combattants variait en fonction d'une part de la sensibilisation, et d'autre part de la milice à laquelle ils appartenaient. Ainsi, avant d'être sensibilisés, les ex-combattants de la CDF étaient enthousiastes à l'idée de la création de la Cour, tant il est que l'opinion dominante en Sierra Léone pensait que celle-ci servirait à poursuivre les miliciens qui n'appartenaient pas à la mouvance favorable au gouvernement issu des urnes. Après avoir été renseignés sur la possibilité pour tous les protagonistes à être attraits devant la juridiction, le pourcentage d'opinions favorables s'est considérablement réduit47(*). En revanche, les soldats du RUF, très méfiants au départ étaient plus favorables à la Cour après sensibilisation48(*). Les victimes, très nombreuses dans les banlieues de Freetown et des autres grandes villes du pays sont pour la plupart pris en charge par la famille ou les associations caritatives et les ONG étrangères ou locales, vivent dans des conditions miséreuses et ont besoin de voir les coupables de ces atrocités répondre de leurs actes devant une instance pénale. En plus de la recherche de la répression, il est important pour ces personnes d'intégrer un système de responsabilité pour satisfaire à la qualification juridique de victime et prétendre à obtenir réparation. Car en effet, sans coupables, il n'y a pas de responsables, donc pas de victimes. Elles veulent et doivent faire partie intégrante du processus judiciaire, non de manière accessoire mais entant que partie prenante à part entière. A ce propos, de la conférence nationale de commémoration pour les victimes de mars 2003 qui regroupait 350 délégués issus des conférences régionales a émergé deux principales idées : en premier lieu, la plupart, notamment les associations des amputés demandaient réparation, ou plus précisément un soutien des autorités dans leurs efforts de réhabilitation. En second lieu, les femmes on apprécié la prise en compte de leurs revendications, notamment en incriminant le viol et les autres violences sexuelles et demandent plus de participation dans le processus de réhabilitation judiciaire et voient en cette initiative un moyen d'éducation des sierra léonais sur les droits de l'homme et le respect des femmes et des filles. La protection des témoins était aussi au centre des préoccupations des victimes. Elles craignaient des représailles car bon nombre de perpétrateurs ou de leurs proches vivaient encore dans les communautés. Enfin, les attentes des groupes socio professionnels comme la communauté des juristes et les membres des forces armées nationales étaient opposés. Les premiers voulaient une participation effective du barreau local tout au long du processus. Ils souhaitaient participer et profiter pleinement de l'évolution professionnelle que leur offrait cette opportunité mais peu ont finalement été intégrés dans le système, la plupart du personnel de la Cour étant composé d'internationaux49(*). Les militaires quant à eux voyaient en la création de la Cour un outil de la politique extérieure des Etats-Unis qui ont signé avec le gouvernement l'accord bilatéral de non extradition prévu à l'article 93 du statut de Rome.
La communauté internationale a une responsabilité dans la pérennité de l'impunité, car les violations des droits de l'homme sont des infractions qui portent atteinte au droit international, indépendamment qu'elles soient punies comme crimes dans tel ou tel Etat. En ratifiant la Charte des Nations Unies de 1945, la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, le Pacte international relatif aux droits civiques et politiques de 1966, les quatre Conventions de Genève de 1949, le Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale de 1998, ainsi que les instruments régionaux comme la Charte de l'OUA de 1963 ou la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981, la Sierra Léone a pris l'engagement tant juridique que moral, de respecter et de faire respecter les droits fondamentaux de l'homme. La fin du conflit sierra léonais correspondait à une période trouble dans la sous-région. En plus du conflit au Libéria qui prenait une tournure particulièrement violente, la Côte d'Ivoire s'embrasait et il était nécessaire de traduire cette création en signal fort à la direction des acteurs de la sous-région pour leur signifier qu'il n'était plus possible d'obtenir l'impunité pour des violations graves des droits de l'homme. La mise en place de cette juridiction pénale répond-elle à un mouvement international vers l'établissement de la CPI ? En tout cas, les avis divergent selon les observateurs : certains, pensent que le Royaume Uni, qui s'est impliqué avec la France dans tout le processus d'élaboration des instruments de la Cour au Conseil de sécurité, soutenait l'initiative internationale vers la concrétisation des acquis de Rome. Pour eux, il n'y a pas d'incompatibilité entre le soutien à l'établissement d'une institution ad hoc et les efforts en faveur de la CPI, la Sierra Léone étant l'un des tout premiers pays à signer et ratifier le Statut de Rome50(*). Pour les autres, l'implication des Etats-Unis répondait à la volonté de l'administration de torpiller la mise en place d'une juridiction permanente internationale en démontrant la viabilité des méthodes alternatives51(*). Tout compte fait, il n'était plus question pour l'ensemble de la communauté internationale de laisser libre cours à l'impunité. Il fallait aussi tirer les leçons du passé, notamment en matière d'efficacité et d'économie financière. De 1945 à 1993, l'idée de création d'une instance internationale capable de juger en toute impartialité les responsables des crimes internationaux est progressivement arrivée à maturité. La possibilité même que les responsables politiques ou militaires des Etats puissent être traduits devant une juridiction jouissant de la compétence universelle aura nécessité un temps extrêmement long. Pourtant, plusieurs conventions adoptées dans le cadre des Nations unies avaient envisagé l'éventualité d'un organisme de ce type : l'article VI de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide52(*) prévoyait le jugement des personnes soupçonnées d'avoir commis des actes contraires à la convention devant les tribunaux nationaux « ou devant la Cour criminelle internationale qui sera compétente » ; l'article V de la Convention de 1973 sur l'élimination et la répression du crime d'apartheid se référait également à un « Tribunal pénal international qui serait compétent ». La Cour internationale de justice (CIJ) dans son arrêt Barcelona Traction53(*) relevait l'importance supérieure des Etats à protéger les droits fondamentaux de l'homme. Il s'agit pour elle d'obligations erga omnes, c'est-à-dire, l'obligation en toute circonstance d'enquêter, de poursuivre, de juger et de sanctionner les responsables des violations des droits de l'homme ainsi que de prendre des mesures législatives, règlementaires et administratives adéquates pour prévenir la répétition de tels actes. Mais ces références étaient restées lettre morte, bien qu'à de nombreuses reprises dans le monde, des violations graves des droits de l'homme aient montré l'existence dans ce domaine d'une faillite considérable du droit international. Etonnamment, la création des tribunaux pénaux pour l'Ex-Yougoslavie et le Rwanda et finalement celle de la Cour spéciale, des instances au Cambodge, au Timor Leste et au Kosovo sont intervenues après des processus relativement rapides. En ce qui concerne la Cour Spéciale pour la Sierra Léone, sa création intervient dans un contexte international marqué par un scepticisme grandissant vis-à-vis des deux tribunaux ad hoc à Arusha et La Haye. Le TPIR et le TPIY font l'objet de critiques à propos de leur lenteur, du coût exorbitant de leurs opérations, la distance, voire le manque de connaissance de leurs personnels des réalités des victimes dont ils traitaient les dossiers54(*). Les experts des Nations unies ont souligné ces lacunes55(*) en tant que leçons à tirer par la nouvelle juridiction. C'est donc la Résolution 1315 du Conseil de sécurité du 14 août 2000 qui a enclenché le processus d'établissement. Dans cette résolution, le Conseil déplorait que les crimes et violences graves commis sur le territoire de la Sierra Léone contre les citoyens sierra léonais et les membres du personnel des Nations unies et d'autres organisations soient restés impunis. Il ne fallait donc ménager aucun effort pour traduire les responsables de ces atrocités devant une juridiction respectant les principes contemporains du procès équitable. Ce processus devrait, pour le cas particulier de la Sierra Léone, concourir à la consolidation de la paix et faciliter la réconciliation56(*). En outre, le conseil rappelait son attachement aux résolutions issues de l'accord de paix de Lomé, de sa volonté d'appuyer celles-ci mais relevait aussi « que le Représentant spécial du Secrétaire général a assorti sa signature de l'Accord de paix de Lomé d'une déclaration selon laquelle il était entendu, pour l'Organisation des Nations Unies, que les dispositions de l'Accord concernant l'amnistie ne s'appliquaient pas aux crimes internationaux de génocide, aux crimes contre l'humanité, aux crimes de guerre et autres violations graves du droit international humanitaire57(*) ». Certains observateurs58(*) y ont vu un revirement spectaculaire par rapport aux positions de l'ONU prises dans la résolution 1216 de l'année précédente. Elle soutenait en effet les efforts du gouvernement dans l'application de l'accord de Lomé qui prévoyait une amnistie comme monnaie de change contre la paix. Avril Mc DONALD59(*) voit aussi en cette résolution la volonté des Nations unies de créer un précédent important : celui de répondre avec une extrême sévérité aux attaques contre son personnel, car il en va de la crédibilité et de l'intégrité des missions sur les théâtres d'opérations dans le monde. Elle répond enfin à l'initiative du gouvernement sierra léonais qui, dès l'accession au pouvoir du président KABBAH a sollicité l'aide de la communauté internationale pour procéder au jugement équitable des personnes incarcérées dans les prisons de Freetown60(*). Les conditions de sécurité dans le pays ne permettaient pas au gouvernement de tenir des procès dans des conditions sereines, le pays dépendant encore fortement des casques bleus et de l'armée britannique pour maintenir une stabilité minimale. De plus, le manque de confiance des populations en la justice de leur pays, les capacités nationales limitées en termes de personnel, de moyens financiers et d'infrastructure ainsi que le vide juridique, dû à l'absence de qualification juridique adéquate dans le corpus pénal interne rendaient impossible, sans soutien extérieur de mener des poursuites efficaces à l'égard des personnes présumées responsables des crimes de guerre. Le Conseil de sécurité demandera donc au secrétaire général d'entamer des négociations avec le gouvernement sierra léonais pour mettre sur pied d'une Cour dont les compétences ratione materiae et ratione personae sont respectivement61(*) « les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et autres violations graves du droit international humanitaire, ainsi que les crimes, au regard des règles pertinentes du droit sierra-léonais commis sur le territoire de la Sierra Leone (...) » et le jugement de « (...) ceux qui portent la responsabilité la plus lourde des crimes... notamment les dirigeants qui, en commettant de tels crimes, ont compromis l'établissement et la mise en oeuvre du processus de paix en Sierra Leone » ; la compétence ratione temporis quant à elle fera l'objet d'un rapport que le Secrétaire général présentera après la désignation d'une mission d'experts sur le terrain. Il s'en suivra le rapport du Secrétaire général du 4 octobre 200062(*) auquel sera annexé un projet de statut qui présentera les principaux contours de la Cour tenant compte des recommandations du Conseil de sécurité. Des échanges de lettres ultérieures éclairciront les points relatifs au financement, aux pouvoirs de la Cour et de la compétence personnelle. La création de la Cour répond, ainsi que l'indique la lettre du gouvernement aux Nations unies au besoin de rétablissement de l'équilibre social interne, étant donné que le Conseil de sécurité a reconnu dans la résolution 1315 que tant que certaines personnes resteront en liberté, la situation en Sierra Léone constituerait une menace contre la paix et la sécurité dans la sous-région. * 38 De nombreuses associations des victimes comme la Sierra Leonean Amputees Association, des ONG comme No Peace Without Justice, Post Conflict Reintegration Initiatives for Developpement and Empowerment auront fait un travail considérable pour faire pression sur le pouvoir en place pour la création de la Cour * 39 Voir Michelle SIEFF, A Special Court for Sierra Leonne, mai 2001, disponible sur le site www.crimesofwar.com/tribun-mag/mag_sierra.html * 40 Résolution S/Res/1315 (2000) adoptée le 14 août 2000. * 41 Traduction du texte original en anglais par nos soins. * 42 En Anglais, Agreement on the Establishment of the Special Court for Sierra Leone. * 43 Hans KELSEN, «Pure Theory of Law» traduit par M. KNIGHT, University or California, 1er mars 1971. * 44 Antonio CASSESE, « Le Tribunal pénal international pour l'Ex-Yougoslavie et les problèmes de la justice pénale internationale », dans les droits de l'homme et le droit, conférences de la Chaire Lyonnaise des droits de l'homme, réunies et présentées par Gaëlle VALLET, Editions de l'Institut des Sciences de l'Homme, Lyon, 1998 * 45 Jean Emile Vincent NKIRA relève avec pertinence le fait que la justice soit confiée en premier ressort aux autorités traditionnelles, ceci explique le désintérêt même des populations envers les juridictions nationales, à plus forte raison d'une institution perçue comme venue de l'étranger. * 46 Voir «Ex-combatants Views of the Truth and Reconciliation Commission and the Special Court in Sierra Leone» disponible sur le site internet de l'ICTJ ( www.ictj.org). * 47 En effet, 89 % des personnes sondées étaient favorables à la création de la Cour avant les opérations de sensibilisation. Ils n'étaient plus que 75 % après. Idem, page 16. * 48 De 56 % au début, l'étude a relevé 77 % après la sensibilisation. Idem. * 49 La Sierra Leonisn Bar Association, a vivement protesté contre cet état de fait lors d'une manifestation en 2002 devant le siège du Parlement et de la Cour suprême. * 50 L'ambassadeur KANU qui représentait le gouvernement sierra léonais lors des négociations pour la mise en place de la Cour, avait efficacement fait pression sur les gouvernements pour la ratification du statut et occupait en cette période le poste de vice-président de l'assemblée des Etats parties à la CPI. Il s'inquiétait des opinions qui voyaient en la Cour spéciale une menace contre l'établissement d'un ordre de justice internationale car son pays '' had supported the establishment of a permanent criminal Court from the start. It had been one of the first countries to sign and ratift the statute. The crimes covered by the Court would argument and solidify the work of the tribunals and similar institutions, such as the Special Court established in his country. Those who had not supported the Special Court for Sierra Léone should do so. It was contributing to the establishment of a just international legal order. It upheld the rule of international law», extrait du communiqué de presse de la 57ème session de l'Assemblée générale des nations unies. Document n° GA/L/3214, disponible sur le site www.un.org * 51 Voir « The Special Court for Sierra Leone Under Scrutiny » page 12. * 52 Résolution 260 A (III) de l'Assemblé générale du 9 décembre 1948 entrée en vigueur le 12 janvier 1951 conformément aux prescriptions de l'article XIII. * 53CIJ, 1961, Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited (Belgique c. Espagne) * 54 Les deux tribunaux sont situés dans des pays étrangers et la plupart des membres de leurs staffs n'ont pas eu à prendre contact avec les réalités locales ni avant, ni pendant l'exercice de leurs fonctions. * 55 Voir, «The report of the Expert Group to Conduct a Review of the Effective Operations and Functioning of the International Tribunals for the Former Yugoslavia and Rwanda», UN doc. A/54/634, 22 novembre 1999. Et aussi Ken ROTH, «International Injustice: the Tragedy of Sierra Leone» Wall Street Journal (Europe); 2000. * 56 Résolution 1315, du 14 août 2000, § 8. * 57 Idem, § 5. * 58Voir Avril Mc DONALD « The Amnesties in the Lomé Peace Agreement and the UN's dilemma », Humanitäres Völkerrecht, N° 1, 2000, Pp 12- 14. * 59 Avril MC DONALD, « Sierra Leone's Shoestring Special Court » in International Review of the Red Cross, march 2002, Vol. 84 N° 845, Pp 121-143. * 60 Cf. lettre du président sierra léonais du 12 juin 2000 adressée au Secrétaire général (document S/2000/786). * 61 Résolution 1315, art 2 et 3. * 62 UN doc S/2000/925 |
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