3.7.5. Interactions entre les troubles
cognitifs et la toxicomanie
Bien qu'il soit reconnu depuis de nombreuses années que
la toxicomanie soit un facteur de risque important dans l'acquisition de
l'infection VIH191, l'importance du problème dans la
propagation de l'épidémie commence seulement a être
réalisée et prise en charge. Des nouvelles mesures visent en
effet à considérer l'effet des substances toxicomaniaques sur la
pathologie VIH. On s'interroge aussi sur l'influence du comportement des
patients toxicomaniaques dans la propagation de l'épidémie par
voie sexuelle, puisque les toxicomanes usant des drogues comme la cocaïne,
les methamphetamines, les morphiniques et l'alcool ont un taux plus
élevé de comportement sexuels a risque192.
Certains auteurs comme Selnes et coll. ou Concha et
coll.98, ont montré que dans le cas des toxicomaniaques (par
injection intraveineuse) il ne semble pas y avoir de différence au sein
de la population séropositive avec les autres groupes à risque en
ce qui concerne l'apparition et l'évolution des troubles
cognitifs193. Cependant ces résultats sont largement
contestés et il semble y avoir de nombreux arguments pour penser que, au
contraire, la toxicomanie peut influencer l'apparition et l'évolution
des troubles cognitifs.
Les drogues194 et le VIH peuvent, tous deux
affecter le système nerveux central. Plusieurs études ont pu
démontrer la fréquence plus élevée de
démence du SIDA dans la population toxicomane195. Il a
été suggéré en particulier que la toxicomanie
pourrait potentialiser le développement de la démence du SIDA via
un effet sur le système immunitaire196. Une étude
italienne a pu démontrer une augmentation de la fréquence des
troubles cognitifs chez les séropositifs toxicomanes197. Plus
alarmant encore, des études neuropathologiques dans une cohorte
Britannique ont montré que 56% des cerveaux de patients
séropositifs toxicomanes avaient des lésions d'encéphalite
du VIH (des cellules géantes multinucléées et un
antigène p24 positif) contre seulement 15 % des cerveaux des
séropositifs homosexuels non toxicomanes129, 198. Enfin des
patients séropositifs et toxicomanes avec un important ralentissement
psychomoteur ont une détérioration neurologique plus rapide avec
une activation des macrophages dans le SNC importante73.
Si des troubles cognitifs et des lésions
neuropathologiques sont donc plus fréquemment trouvés dans la
population séropositive toxicomane, on ignore encore largement, par
contre comment les drogues peuvent contribuer à ces troubles.
Un des problème de ces études tiens à la
nature même de la toxicomanie et à la difficulté de suivre
l'évolution de ces patients.
Des études expérimentales ont pourtant
montré que la cocaïne peut contribuer à léser la
barrière hémato-encéphalique rendant le cerveau plus
accessible à au virus199, 200. De plus, La cocaïne et
les méthamphétamines causent des troubles des
cathécholamines201 et la cocaïne ainsi que les
amphétamines agissent sur les neurones dopaminergiques202 (la
cocaïne étant un inhibiteur non sélectif des transporteurs
de dopamine et les amphétamines pouvant produire des
dégénérescences des extrémités
dopaminergiques) alors que les patients séropositifs pour le VIH ont des
taux de cathécholamines plus faible dans le liquide
céphalo-radichien et des signes cliniques comme, le
Parkinsonisme203 et les myoclonies204, qui
suggèrent des troubles dopaminergiques et noradrénergiques.
Enfin, Les opiacés (comme l'héroïne et la
morphine) inhibent directement les fonctions immunes205 et
pourraient aggraver l'infection VIH206-208.
La toxicomanie doit donc être considérée
comme un facteur de risque supplémentaire à l'apparition des
troubles cognitifs, dans le cas particulier des patients infectés par le
VIH.
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