3.7. La
dépression et les autres troubles psychiatriques
3.7.1. Importance des troubles de
l'humeur et des troubles psychiatriques dans la pathologie VIH :
Fréquence et gravité
Dans une revue de la littérature, Lyketsos et
Federman24 montrent qu'il existe à la fois une augmentation
du risque d'une infection VIH dans la population présentant des troubles
psychiatriques et une relativement haute fréquence de troubles
psychiatriques chez les patients séropositifs. Des troubles
psychiatriques ont été fréquemment décrits au cours
de l'infection par le VIH. Notamment, la dépression,
l'anxiété, les troubles de la personnalité, les
toxicomanies, l'alcoolisme et les troubles thymiques sur un versant maniaque.
Ces derniers représentent 8% des manifestations de la démence du
SIDA23 et ils semblent être secondaires à l'infection
par le VIH169.
Les états dépressifs sont connus pour perturber
les fonctions cognitives chez certains patients170. Il a
été clairement démontré, notamment par une
étude de l'organisation mondiale de la santé, qu'il existe une
augmentation de la prévalence de la dépression chez les patients
infectés par le VIH171. La dépression est un des
principaux diagnostics différentiels des troubles cognitifs
modérés de l'infection par le VIH. Cependant, les études
sur la relation existant entre la dépression et les résultats
neuropsychologiques des patients séropositifs tendent à montrer,
que si un patient peut évidemment présenter des troubles
liés à une dépression, l'existence et la nature des
troubles cognitifs du VIH est indépendante de la
dépression172, 173. Cependant cette question reste l'objet
d'un débat car certaines études trouvent au contraire plus de
troubles cognitifs chez les patients plus déprimés174.
Afin de déterminer, chez un patient séropositif
concomitamment dépressif, la nature des troubles cognitifs, des
traitements antidépresseurs «d'épreuve» sont
fréquemment proposés.
3.7.2. Reflet de la plainte
cognitive
Les questions sur la relation entre la plainte cognitive des
patients, leurs performances effectives et les troubles de l'humeur,
fréquents dans la pathologie VIH, ont été longtemps
débattues. Il est important en effet pour l'avenir du patient de savoir
si la plainte cognitive reflète ou non une atteinte des fonctions
supérieures et quelles sont ses relations avec une éventuelle
dépression sous-jacente. Dans la pratique clinique, on constate que ces
phénomènes sont extrêmement intriqués,
l'amélioration d'une symptomatologie anxio-dépressive peut
être concomitante d'une diminution, voire d'une disparition des troubles
des fonctions supérieures et la persistance des troubles peut faire
poser l'hypothèse d'une encéphalopathie au VIH
débutante175.
Plusieurs études ont suggéré qu'une part
des plaintes cognitives des patients était liée à des
troubles anxio-dépressifs plutôt qu'à des
dysfonctionnements cognitifs. Cependant les populations concernées par
ces études étaient souvent particulières. Dans une
première étude de Van Gorp et coll.176 par exemple, ce
sont essentiellement des patients asymptomatiques qui sont
étudiés, et les auteurs ne trouvent pas de relation entre la
plainte cognitive et les résultats neuropsychologiques, alors que la
dépression est associée aux plaintes cognitives. Une autre
étude de Wilkins et coll. incluait essentiellement des patients ayant
des troubles psychiatriques177. Les auteurs concluaient à une
relation entre les troubles psychiatriques (en particulier la
dépression) et la plainte cognitive, indépendamment de la
performance neuropsychologique. Dans cette étude, la plainte motrice
était cependant associée à des troubles moteurs. Une
troisième étude, portant sur 92 patients séropositifs pour
le VIH, ne trouve pas de relation entre la plainte et les performances
cognitive alors que la plainte est associée à une détresse
émotionnelle178.
D'autres études ont démontré que, au
contraire, il existe une relation étroite entre la plainte cognitive et
les troubles neuropsychologiques, en particulier les troubles de la
mémoire épisodique et le ralentissement moteur179.
Stern et coll.180 ont comparé 84 hommes
séronégatifs à 46 patients hospitalisés (et
séronégatifs) et à 78 patients séropositifs pour le
VIH-1 (49 asymptotiques et 29 symptomatiques). Ils ont montré non
seulement que les plaintes cognitives étaient plus fréquentes
chez les patients porteurs du VIH-1, mais aussi que dans ce même groupe
ces plaintes étaient liées aux résultats des tests
neuropsychologiques. De façon similaire, Mapou et coll.181
ont comparé 27 sujets contrôles séronégatifs
à 79 patients porteurs du VIH1 (asymptomatiques et symptomatiques) et
ont montré que les patients séropositifs qui se plaignaient de
difficultés cognitives avaient significativement plus de troubles aux
tests attentionnels, rapidité motrice et de mémoire que ceux qui
ne se plaignaient pas. Cependant, les patients ayant une plainte cognitive
avaient aussi plus de symptômes dépressifs et anxieux. Les auteurs
en concluent à l'indépendance des troubles neuropsychologiques et
affectifs.
Dans une autre étude, Beason-Hazen et
coll.182 ont examiné 133 patients asymptomatiques
séropositifs pour le VIH-1 et 80 témoins
séronégatifs. Ils ont trouvé une relation entre la plainte
cognitive et des anomalies aux tests de rapidité psychomotrice et de
temps de réaction. Ce lien persiste après correction des
données pour la dépression, ce qui conduit les auteurs a conclure
que la dépression n'intervient pas dans la relation entre la plainte et
les performances cognitives.
Dans la pratique, le clinicien dois donc être
particulièrement attentif, chez les patients séropositifs pour le
VIH-1 aux plaintes concernant la mémoire, l'attention ou un
ralentissement psychomoteur qui risquent d'être le reflet d'un trouble
cognitif, parfois très discret.
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