3. Données neuropsychologiques
3.1. Troubles
cognitifs et controverses
La présence de troubles cognitifs modérés
liés au VIH dépend du degré d'évolution de la
maladie. Les données de la littérature concernant les stades
asymptomatiques, comme défini par les critères biologiques (c'est
à dire nombre de CD4>200 cellules/ml), montrent une grande
hétérogénéité dans le statut cognitif des
patients, alors que la présence de troubles cognitifs au stade de SIDA
est rarement contestée. La question de la présence ou non de
troubles cognitifs aux stades asymptomatiques a une grande importance car elle
peut avoir des conséquences dans des professions particulières
comme par exemple les aviateurs militaires34. Selon l'article
récent de l'AAN (1996)35, et tous stades du VIH-1 confondus,
20,7% des patients séropositifs pour le VIH ont des troubles
cognitivo-moteurs modérés, contre 24% de démences. Ces
chiffres ont été obtenus avant 1995, date à laquelle les
combinaisons thérapeutiques ont été
systématisées en France. On voit que la proportion de patients
concernés par l'existence de troubles modérés
était, avant les antiprotéases, très importante
comparativement à la proportion des patients atteints de démence.
Ce premier constat appelle deux questions :
1) quelle va être l'évolution des
déficits chez les patients atteints de troubles modérés
avant l'introduction des combinaisons thérapeutiques?
2) chez les patients soumis à ces combinaisons, des
troubles modérés vont-ils émerger et, si oui, vont-ils
évoluer vers une démence?
Dans une revue antérieure à 1996 (c'est à
dire portant sur les études effectuées jusqu'en 1995 avant
l'avènement des antiprotéases), Sahakian et coll.108
relèvent les controverses majeures de la littérature. En effet,
certains auteurs n'ont mis en évidence aucun déficit cognitif aux
stades précoces de l'infection, et ce malgré le grand nombre de
patients testés115. Pour eux, et malgré l'usage de
tests de temps de réaction, censés être les plus sensibles
(voir plus loin;104, 116, les troubles cognitifs
n'apparaîtraient qu'au stade de SIDA102. D'autres auteurs, en
revanche, observent des troubles cognitifs chez près de 30% des patients
séropositifs au cours de la période asymptomatique, et ce sans
relation évidente avec des paramètres immunologiques et
virologiques113, 117. Enfin, il a été
suggéré que la présence de troubles cognitifs
précoces puisse prédire une évolution rapide vers un SIDA
et qu'elle était parallèle à une diminution
accélérée des CD4 ainsi qu'une augmentation de la
positivité à l'antigène p24118. On peut se
demander pourquoi de telles discordances sont observées alors que les
études portaient généralement sur des cohortes d'une
centaine de patients. Deux principales réponses peuvent être
suggérées : le manque de cohérence entre les
populations testées, notament la mauvaise adéquation des groupes
de contrôle et l'absence de relation directe entre les paramètres
biologiques et troubles cognitifs.
3.1.1. Cohérence entre les
populations testées
Les niveaux socioculturels des populations diffèrent
certainement d'une étude à l'autre et l'on connaît l'effet
de cette variable sur les tests neuropsychologiques classiquement
utilisés, notamment au cours des suivis prospectifs119.
Plusieurs auteurs ont souligné l'importance d'une "réserve
cognitive" dans l'apparition tardive des troubles cognitifs, les patients avec
un niveau éducatif plus bas étant plus sensibles au déclin
précoce des fonctions cognitives109, 120, 121. Par ailleurs,
l'un des principaux problèmes au cours de ces études a
consisté à apparier les patients séropositifs avec des
sujets témoins "compatibles" sur le plan de l'âge et du niveau
socioculturel. Selnes et collaborateurs122 ont ainsi posé
l'hypothèse d'une origine multifactorielle de ces troubles (troubles
psychiatriques, dépression, toxicomanie, carences, etc.) sans lien avec
l'infection par le VIH, expliquant que les troubles cognitifs directement
liés au virus, sont assez rares aux stades précoce de la
maladie.
|